La justice adaptée aux enfants et la CDE
La Convention internationale des droits de l’enfant (CDE) tout comme son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants imposent l’obligation aux Etats de suivre les principes d’une justice adaptée aux enfants. Les obligations de la CDE tendent à être d’une nature plus générale, alors que ceux du protocole sont plus explicites dans leurs buts visant une justice adaptée aux enfants. Bien que ce dernier s’occupe particulièrement des enfants victimes d’exploitation, il n’y a pas de raison que ces provisions plus détaillées ne soient pas appliquées à tous les enfants, d’autant que l’adoption du protocole a confirmé l’engagement continu des Etats aux principes d’une justice adaptée aux enfants. Le Comité des droits de l’enfant a également écrit des Observations générales qui clarifient et donnent plus de détails sur le droit des enfants à une protection spéciale dans le système judiciaire. L’Observation générale sur le droit des enfants d’être entendus est celle qui fournit un guide important sur l’implantation des principes d’une justice adaptée aux enfants avant, pendant et après les procédures légales et l’Observation générale en matière de justice des mineurs applique ces principes en les adaptant aux enfants en conflit avec la loi. En plus, l'Observation générale relative à l'application de la CDE souligne les droits des enfants à l'accès à la justice quand leurs droits ont été violés. Des provisions pertinentes de la CDE et de l'OPSC et un extrait illustratif de l’Observation générale sont présentées ci-après :
Convention relative aux droits de l’enfant
Intérêt supérieur de l’enfant : Article 3
- « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants […] l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »
- « Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être […] et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. »
- « Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes […] »
Séparation d'avec les parents : Article 9
- « Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident […] que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. »
- « Dans tous les cas prévus au paragraphe 1 du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. »
L'opinion de l'enfant : Article 12
- « Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant […] »
- « A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'une organisation approprié […] »
Protection contre les abus et négligences : Article 19
- « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation […] »
- « Ces mesures de protection doivent comprendre […] des procédures efficaces pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant […] et comprendre également, selon qu'il conviendra, des procédures d'intervention judiciaire. »
Enfants réfugiés : Article 22
- « Les Etats parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié […] bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues […] »
-
« A cette fin, les Etats parties collaborent […] pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la
famille […]. Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l'enfant se voit accordé, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit.»
Torture privation de liberté : Article 37
« Les Etats parties veillent à ce que :
- Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants […]
- Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible;
- Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec […] respect […] et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes […] et il a le droit de rester en contact avec sa famille […];
- Les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité […] et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière. »
Soins de réhabilitation : Article 39
« Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l'enfant. »
Administration de la justice des mineurs : Article 40
- « Les Etats parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. »
-
« A cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des instruments internationaux, les Etats parties veillent en particulier : […]
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A ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes : […]
- Etre informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui, ou, le cas échéant, par l'intermédiaire de ses parents ou représentants légaux, et bénéficier d'une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée […]
- Que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire compétentes, indépendantes et impartiales, selon une procédure équitable aux termes de la loi, en présence de son conseil juridique ou autre et […] en raison notamment de son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux;
- Ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable; interroger ou faire interroger les témoins à charge, et obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans des conditions d'égalité; […]
- […]
- Se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée;
- Que sa vie privée soit pleinement respectée à tous les stades de la procédure. »
-
A ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes : […]
-
« Les Etats parties s'efforcent de promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale, et en particulier : […]
- De prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l'homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés.
- « Toute une gamme de dispositions, relatives notamment aux soins, à l'orientation et à la supervision, aux conseils, à la probation, au placement familial, aux programmes d'éducation générale et professionnelle et aux solutions autres qu'institutionnelles seront prévues en vue d'assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l'infraction. »
Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
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« Les États Parties adoptent à tous les stades de la procédure pénale les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes […] en particulier :
- En reconnaissant la vulnérabilité des enfants victimes et en adaptant les procédures de manière à tenir compte de leurs besoins particuliers, notamment en tant que témoins;
- En tenant les enfants victimes informés de leurs droits, de leur rôle ainsi que de la portée, du calendrier et du déroulement de la procédure, et de la décision rendue dans leur affaire;
- En permettant que les vues, les besoins ou les préoccupations des enfants victimes soient présentés et examinés au cours de la procédure lorsque leurs intérêts personnels sont en jeu […];
- En fournissant une assistance appropriée aux enfants victimes à tous les stades de la procédure judiciaire;
- En protégeant, s'il y a lieu, la vie privée et l'identité des enfants victimes et en prenant des mesures conformes au droit interne pour prévenir la diffusion de toute information pouvant conduire à leur identification;
- En veillant […] à ce que les enfants victimes, ainsi que leur famille et les témoins à charge, soient à l'abri de l'intimidation et des représailles;
- En évitant tout retard indu dans le prononcé du jugement et l'exécution des ordonnances ou des décisions accordant une indemnisation aux enfants victimes. »
- [...]
- « Les États Parties veillent à ce que, dans la manière dont le système de justice pénale traite les enfants victimes […], l'intérêt supérieur de l'enfant soit la considération première ».
- « Les États Parties prennent des mesures pour dispenser une formation appropriée, en particulier dans les domaines juridique et psychologique, aux personnes qui s'occupent des victimes […]. »
- « […] les États Parties font le nécessaire pour garantir la sécurité et l'intégrité des personnes […] de prévention et/ou de protection et de réadaptation des victimes de telles infractions. […] »
- « Les États Parties prennent toutes les mesures possibles pour assurer toute l'assistance appropriée aux victimes […], notamment leur pleine réinsertion sociale et leur plein rétablissement physique et psychologique. »
- « Les États Parties veillent à ce que tous les enfants victimes […] aient accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables. »
Observation générale n°12 du Comité des droits de l’enfant sur le droit de l’enfant d’être entendu
« L’article 12 [de la CDE] précise qu’il faut donner à l’enfant la possibilité d’être entendu, notamment «dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant». Le Comité souligne que cette disposition s’applique à toutes les procédures judiciaires pertinentes concernant l’enfant, sans restriction, y compris, par exemple, celles qui concernent la séparation des parents, la garde, la prise en charge et l’adoption, les enfants en conflit avec la loi, les enfants victimes de violence physique ou psychologique, de sévices sexuels ou d’autres crimes, les soins de santé, la sécurité sociale, les enfants non accompagnés, les enfants demandeurs d’asile ou réfugiés et les enfants victimes de conflits armés et d’autres situations d’urgence. Les procédures administratives sont, par exemple, les décisions concernant l’éducation des enfants, leur santé, leur environnement, leurs conditions de vie ou leur protection […]
Le droit d’être entendu s’applique aussi bien aux procédures engagées par l’enfant, comme les plaintes pour mauvais traitements et les recours contre l’exclusion scolaire, qu’aux procédures engagées par d’autres personnes mais qui touchent les enfants, comme la séparation des parents ou l’adoption. […]
Un enfant ne peut se faire entendre efficacement si le contexte est intimidant, hostile, peu réceptif ou inadapté à son âge. La procédure doit être à la fois accessible et adaptée à l’enfant. Il faut veiller en particulier à offrir à l’enfant des informations qui lui sont adaptées et à l’aider à défendre sa cause, et prêter attention à la mise à disposition d’un personnel spécialement formé, à l’apparence des salles d’audience, à l’habillement des juges et des avocats, et à la présence de paravents et de salles d’attente séparées. »
Lire l'Observation générale No. 12 dans son intégralité
Observation générale n°10 du Comité des droits de l’enfant sur les droits des enfants à la justice des mineurs
«[La CDE prévoit] un traitement qui tient en compte l'âge de l'enfant et favorise la réintégration de l'enfant et lui fait assumer un rôle constructif dans la société. Ce principe doit être appliqué, observé et respecté durant la totalité du processus du traitement de l'enfant, dès le premier contact avec les organismes chargés de l'application des lois et pendant toute la durée de la mise en œuvre de l'ensemble des mesures de traitement de l'enfant. Pour cela, ce principe exige que les membres de tous les groupes professionnels intervenant dans l'administration de la justice civile possèdent les connaissances requises concernant le développement de l'enfant, la croissance dynamique et continue des enfants, ce qui est bon pour leur bien-être et les multiples formes de violence auxquelles sont exposés les enfants...»
Lire l'Observation générale No. 10 dans son intégralité
Observation générale n°5 du Comité sur les mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant
« Pour que les droits aient un sens il faut pouvoir disposer de moyens de recours utiles pour obtenir réparation en cas de violation. Cette condition, qui figure d’une manière implicite dans la Convention, est systématiquement mentionnée dans les six autres principaux instruments relatifs aux droits de l’homme. Le statut spécial des enfants et leur dépendance font qu’ils ont beaucoup de mal à se prévaloir des recours disponibles en cas de violation de leurs droits. En conséquence, les États doivent veiller tout particulièrement à ce que les enfants et leurs représentants disposent de mécanismes efficaces adaptés aux besoins de l’enfant. Il convient notamment de veiller à ce que les enfants obtiennent des informations et des conseils adaptés à leur situation, à ce que leur cause soit défendue ou à ce qu’ils soient aidés à la défendre eux‑mêmes et à ce qu’ils aient accès à des mécanismes indépendants d’examen de plaintes et aux tribunaux en bénéficiant de toute l’assistance dont ils ont besoin, notamment sur le plan juridique. Lorsqu’il est établi que des droits ont été violés une réparation appropriée doit être assurée, notamment sous forme d’indemnisation, et si nécessaire des mesures doivent être prises pour faciliter la réadaptation physique et psychologique de la victime et sa réinsertion… »