Au niveau international

Les mécanismes internationaux d’examen de plaintes

Il s’agit des procédures  qui permettent à un individu ou à un groupe d’individus porter plainte et de chercher à obtenir justice au niveau international pour une violation des droits de l’homme.

Ces mécanismes sont très bons pour mettre un problème sous les projecteurs et pour  discréditer un État devant le monde entier en le pointant du doigt pour une violation des droits de l’homme. Mais ces procédures ont aussi leurs limites. Elles peuvent être difficiles d’accès (il faut normalement avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national d’abord, c’est-à-dire être passé par les tribunaux nationaux, les Défenseurs des droits ou Ombudsmans), ce qui peut prendre beaucoup de temps (voir notre page sur les plaintes au niveau national). De plus, les décisions des organes internationaux ne sont souvent pas légalement contraignantes, ce qui implique que dans beaucoup de juridictions, d’autres actions au niveau national seront nécessaires pour faire valoir vos droits. Cela dit, brandir la menace d’une plainte internationale peut s’avérer suffisant pour qu’un État commence à agir.

Ci-dessous, vous trouverez un résumé sur les mécanismes de plaintes au sein des Nations unies. Elles se divisent en trois catégories : les communications individuelles, les plaintes interétatiques et les procédures d’enquête.

La plupart des procédures internationales de soumission de plaintes dépendent des organes de suivi des traités. Il y a cependant des mécanismes en dehors du système des traités : il s’agit des Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, des experts qui enquêtent sur des thématiques ou sur la situation des droits de l’homme dans un pays.

Depuis 2014, la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) dispose de son propre mécanisme, grâce auquel le Comité des droits de l’enfant (CRC) peut lui aussi examiner des plaintes. Pour plus d’informations, consultez notre brève sur l'entrée en vigueur du mécanisme, et le guide de CRIN sur l’utilisation du  mécanisme de plaintes du CRC, qui contient un tableau comparatif de tous les mécanismes de plaintes des organes des traités de l’ONU.

Vous pouvez en apprendre plus le fonctionnement des organes des traités et de l'ONU en général dans notre guide sur les Nations unies et du système international des droits de l'homme. Pour plus d'informations sur les plaintes au niveaux régional et national, voir notre page Plaintes.

Égaré parmi les termes juridiques ? Consultez notre glossaire juridique.

Les communications individuelles

Il existe neuf traités internationaux fondamentaux consacrés aux droits de l’homme. Pour chacun de ces traités, un « organe de suivi du traité » a été établi. Il s’agit d’un Comité d’experts qui surveille la mise en œuvre des dispositions du traité par les États parties.

A l’heure actuelle, huit de ces organes (tous à l'excpetion du  Comité des travailleurs migrants) sont, sous certaines conditions, habilités à recevoir et examiner des plaintes ou communications de la part d’individus.

Le Comité des droits de l'enfant peut examiner des plaintes individuelles concernant des violations des droits guarantis par la Convention relative aux droits de l'enfant par des Etats parties au Troisième protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications.

Le Comité des droits de l’homme (CCPR) peut examiner les plaintes contre des États ayant ratifié le Premier Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le protocole qui établit le mécanisme de plaintes), concernant des violations des droits contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) peut examiner des communications concernant des violations de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes soumises par des individues contre les États parties au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (le traité qui établit un mécanisme de plaintes).

Le Comité contre la torture (CAT) peut examiner les plaintes individuelles pour violations des droits contenus dans la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par tous les États qui ont fait les déclarations prévues par l’article 22 de la Convention.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) peut examiner les recours concernant des violations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale soumis par des individus contre les États parties à la Convention ayant fait les déclarations prévues par l’article 14 de la Convention.

Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) peut examiner les communications individuelles mettant en cause les États parties au Protocole facultatif à la Convention, concernant des violations des droits couverts par la Convention relative aux droits des personnes handicapées

Le Comité sur les disparitions forcées (CED) peut examiner les plaintes  concernant des violations de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées portées par des individus contre les États parties à la Convention ayant fait les déclarations prévues par l’article 31 de la Convention.

Le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) peut examiner les communications se rapportant à des violations des droits couverts par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels soumises par des individus contre les États parties au Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Qui peut soumettre un recours ?

Le terme juridique parfois utilisé est « capacité  à agir ». Plusieurs règles définissent qui a capacité à agir en justice, mais la plupart du temps, elles nécessitent que l'individu qui soumet un recours soit une victime. Le guide de CRIN sur le mécanisme de plaintes de la CDE contient un tableau listant ces règles pour chacun des traités internationaux cités ci-dessus. Pour vous aider à définir qui a capacité à agir en justice, CRIN a également un projet de recherche sur l’accès des enfants à la justice dans chacun des pays du monde. Une fois que vous avez défini si vous avez ou non capacité à agir, il faut ensuite déterminer si vous pouvez de fait déposer une plainte contre l'État incriminé. Pour cela il faut que :

  • l'État soit partie (par ratification ou adhésion) au traité qui couvre les droits sur lesquels porte la plainte ; et que
  • l'État ait accepté la compétence du Comité à examiner des plaintes individuelles, soit par ratification ou adhésion à un protocole optionnel ou en faisant une déclaration comme prévu par un article spécifique (voir ci-dessus pour ce qui s’applique à chacun des traités).

Les plaintes peuvent aussi être déposées par des tiers au nom d’individus, si ces derniers ont donné leur accord écrit (sans contrainte quant à la forme de cet accord). Dans certains cas, un tiers peut porter une affaire devant un Comité sans cet accord, par exemple lorsqu’une personne est en prison sans communication possible avec l’extérieur, ou encore pour une victime de disparition forcée. Dans des cas comme ceux-ci, l’auteur de la plainte doit clairement énoncer les raisons pour lesquelles l’accord ne peut pas être obtenu. Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a plus d’informations sur les plaintes individuelles sur son site internet.

Plaintes interétatiques

Il s’agit des cas où un État partie à un traité sur les droits de l’homme dépose une plainte auprès de l’organe de suivi d’un traité concernant des violations du traité par un autre État partie qui a accepté la compétence du Comité en question à entendre de telles plaintes. Les organes des traités suivants possèdent un tel mécanisme.

  • Comité des droits de l'enfant : prévu par l'article 12 du Protocole facultatif à la Convention.
  • Comité contre la torture : prévu par l’article 21 de la Convention.
  • Comité sur les disparitions forcées : prévu par l’article 32 de la Convention.
  • Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels : prévu par l’article 10 du Protocole facultatif au Pacte.
  • Le Comité sur l’élimination de la discrimination raciale peut mettre en place une Commission de Conciliation ad hoc pour résoudre des disputes entre États parties. Cette procédure s’applique à tous les États parties à la Convention, comme prévu aux articles 11 à 13 de la Convention.
  • Le Comité des droits de l’homme peut aussi établir une Commission de Conciliation ad hoc pour résoudre des disputes entre les États parties ayant accepté la compétence du Comité par déclaration, comme prévu aux articles 41 à 43 du Pacte.

Il est important de préciser que ces procédures n’ont à ce jour jamais été utilisées.

Résolution des disputes inter-étatiques sur l’interprétation et la mise en œuvre de la Convention

Cette procédure peut être utilisée lorsque deux États parties sont en désaccord sur l’interprétation ou la mise en œuvre d’une convention. Les mécanismes ci-dessous permettent aux organes des traités d’essayer de résoudre le désaccord par la négociation, et, en cas d’échec, par l'arbitrage.

  • Comité sur l’élimination de la discrimination raciale : prévu par l’article 22 de la Convention.
  • Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : prévu par l’article 29 de la Convention.
  • Comité contre la torture : prévu par l’article 30 de la Convention.
  • Comité sur les disparitions forcées : prévu par l’article 43 de la Convention.

Chacun des États impliqués peut en référer à la Cour de Justice Internationale pour régler le différend si au bout de six mois les parties ne sont pas tombées d’accord sur un arbitrage. Les États parties ont la possibilité de s’exclure de cette procédure en faisant une déclaration au moment de la ratification ou de l’adhésion au traité. Dans ce cas, selon le principe de réciprocité, ils ne peuvent pas déposer de plaintes contre d’autres États.  

Procédures d’enquête

Certains organes des traités peuvent lancer une enquête, en se basant sur des renseignements crédibles, sur des cas supposés de violations graves ou systématiques des droits de l’homme. Ces enquêtes ne nécessitent pas de nommer une victime spécifique et se font sur un modèle moins juridique que les plaintes.

Les organes de traités suivants sont habilités à lancer de telles procédures d’enquête :

  • Comité des droits de l'enfant : prévu par l'article 13 du Protocole facultatif.
  • Comité contre la torture : prévu par l’article 20 de la Convention.
  • Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : prévu par l’article 8 du Protocole facultatif.
  • Comité sur les droits des personnes handicapées: prévu par l’article 6 du Protocole facultatif.
  • Comité sur les disparitions forcées : prévu par l’article 33 de la Convention.

Quels États peuvent être soumis à une procédure d’enquête ?

Les enquêtes ne peuvent être lancées qu’à l’encontre des États parties qui ont reconnu la compétence à cet égard du Comité en question. Les États parties peuvent choisir ne de pas adhérer à cette procédure en déclarant, au moment de la ratification ou de l’adhésion au traité qu’ils ne reconnaissent pas la compétence du Comité en question à procéder à des enquêtes.

Procédures d’enquêtes

  1. La procédure peut être engagée si le Comité reçoit des informations crédibles indiquant que les droits couverts par la convention sont systématiquement violés par un État partie.
  2. Le Comité invite alors l'État partie À coopérer à l’examen de ces informations en soumettant des observations.
  3. Le Comité peut, sur la base des observations de l'État partie et d’autres informations disponibles décider de mandater l’un de ses membres pour conduire une enquête et en rapporter les résultats au Comité de manière urgente. Au besoin, et avec l’accord de l'État partie concerné, l’enquête peut inclure une visite sur le territoire de l'État en question.
  4. Les résultats sont ensuite examinés par le Comité et transmis à l'État, accompagnés de commentaires et de recommandations.
  5. l'État incriminé doit ensuite soumettre ses propres observations à propos des résultats de l’enquête, des commentaires et des recommandations du Comité (généralement sous six mois). Lorsque le Comité l’y invite, l'État partie doit également informer le Comité des mesures prises suite à l’enquête.
  6. La procédure d’enquête est confidentielle et la coopération de l'État partie incriminé est recherchée à toutes les étapes.

Si vous avez des informations à soumettre à l’organe de suivi d’un traité, il est préférable de rentrer en contact avec celui-ci directement. Le site du Haut-commissariat aux droits de l’homme contient leurs coordonnées.