Un dispositif de l’ONU pour les plaintes relatives aux droits de l’enfant est en préparation depuis longtemps. Près de 25 ans se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur de la Convention relative aux droits de l’enfant, et la presque totalité des pays du monde a désormais admis qu’il était de son devoir de respecter et de défendre les droits humains des enfants. Depuis le 14 avril 2014, le troisième Protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l’enfant (OP3) est en vigueur pour permettre aux enfants de déposer des plaintes auprès du Comité des droits de l’enfant de l’ONU (CRC) en cas d’atteinte à leurs droits.
Comment utiliser l’OP3 ?
Les types de plaintes
L’OP3 ouvre la voie vers trois mécanismes possibles pour combattre les violations des droits de l’enfant.
Les plaintes individuelles représentent la forme de plaintes la plus directe vis-à-vis des procédures de communications ; elles permettent à des particuliers ou à des groupes de particuliers de se plaindre d’une atteinte à leurs droits, que ce soit en personne ou par le biais de leur(s) représentant(s).
Les enquêtes sont menées selon un modèle moins juridique, et s’intéressent à des violations graves ou répandues des droits de l’enfant à l’échelle d’un pays, plutôt qu’à la violation des droits d’un seul individu. Les procédures d’enquête présentent l’avantage de permettre au Comité des droits de l’enfant d’enquêter sur des atteintes aux droits de l’enfant perpétrées à grande échelle ; leur autre intérêt est de permettre de déposer des plaintes sans impliquer directement un enfant en particulier. De plus, les enquêtes garantissent un meilleur anonymat pour les personnes souhaitant faire état de violations engageant la responsabilité de leur gouvernement.
Les communications interétatiques permettent aux Etats de déposer des plaintes contre d’autres gouvernements qui ont manqué à leurs obligations vis-à-vis des droits de l’enfant. Cette procédure est celle dont le champ d’action est le plus large pour agir contre d’éventuelles violations des droits de l’enfant : les plaintes n’obligent pas à révéler l’identité des jeunes victimes, et elles ne sont pas restreintes aux atteintes graves ou répandues de leurs droits. Les communications interétatiques offrent également une plus grande flexibilité et une plus grande simplicité en ce qui concerne les procédures de recours ; elles ont cependant été peu utilisées dans les autres organes des traités de l'ONU, et elles présentent le risque d’être utilisées plus à des fins politiques que pour la stricte défense des droits de l’enfant.
Ce type de procédures ne peut être utilisée qu’à l’encontre d’un gouvernement qui a donné son autorisation préalable au Comité des droits de l’enfant pour agir de la sorte.
Vous trouverez plus d’informations sur le fonctionnement des procédures interétatiques ainsi que des explications simplifiées du Protocole facultatif en lisant notre Boîte à outils sur les procédures de plainte.
Epuiser les voies de recours internes
A l’instar d’autres mécanismes internationaux de lutte pour les droits de l’homme, le troisième Protocole facultatif existe pour des cas où la protection a échoué au niveau national. Les plaintes n’y sont pas examinées avant “l’épuisement des recours internes”, c’est-à-dire que les plaignants auront l’obligation de tenter de résoudre leur cas par les voies légales de leur pays avant de porter leur situation auprès du Comité des droits de l’enfant. La violation en question doit également avoir eu lieu après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, autrement dit après le 14 avril 2014 (pour les Etats ratifiant le Protocole après cette date, un délai de trois mois est nécessaire avant son entrée en vigueur sur place). Il est possible que cette date limite retarde grandement l’arrivée de la première plainte au Comité. Plusieurs années peuvent tout à fait s’écouler avant qu’un dossier ne parvienne à se frayer un chemin à travers les différentes procédures d’appel obligatoires.
Cependant, certaines violations peuvent être traitées de manière plus rapide. Seul le CRC sera en mesure de juger de l’épuisement des voies de recours internes, mais dans les cas où aucun recours n’existe au niveau national, il est possible pour le Comité d’accéder aux plaintes sans attendre la confirmation des tribunaux nationaux que ces derniers ne peuvent apporter une solution au problème. Par exemple, dans le cas où une atteinte spécifique aux droits de l’enfant est considérée comme légale dans le pays concerné, et où l’on a déjà essayé sans succès de faire changer la loi en attaquant son caractère anticonstitutionnel, il est possible d’intenter une action auprès du Comité sans passer par les tribunaux nationaux.
Pour mieux comprendre comment s’y retrouver dans les sytsèmes juridiques nationaux afin de combattre des atteintes aux droits de l’enfant, vous pouvez consulter notre projet sur l’accès des enfants à la justice et notre guide d’utilisation du litige stratégique.
Déposer plainte auprès du bon organe juridique
Le troisième Protocole facultatif est une balise pour l’accès des enfants à la justice. Ils peuvent l’utiliser pour accéder à des voies de recours là où le sytème juridique de leur pays a échoué dans la protection de leurs droits, et pour s’assurer que les systèmes juridiques seront mis en conformité avec la Convention des droits de l’enfant.
Cependant, il faut voir l’OP3 comme un outil parmi d’autres : il ne sera pas toujours le moyen le plus efficace de déposer une plainte contre certaines atteintes aux droits. La procédure sera souvent lente à se mettre en marche, puisque les enfants devront d’abord épuiser tous les autres recours dans leur pays, et il est encore trop tôt pour constater des cas de bonne mise en œuvre des décisions prises dans le cadre de l’OP3. Par exemple, pour de nombreux cas de violations des droits en Europe et sur le continent américain, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme seront souvent une option préférable pour lutter contre la plupart des atteintes aux droits de l’homme. Ces deux tribunaux disposent d’une jurisprudence constante et d’un passé victorieux pour ce qui est de la mise en application des jugements.
Nous ne cherchons pas pour autant à minimiser les possibilités données par l’OP3. En donnant une chance de porter plainte pour un cas lié à la Convention des droits de l’enfant ou à ses Protocoles facultatifs, l’OP3 protège un plus grand nombre de droits de l’enfant que tout autre organe international. Grâce à l’OP3, il est possible de porter plainte sur des sujets qui ne sont pas couverts par les autres traités relatifs aux droits de l’homme, et il permet aux enfants ainsi qu’à leurs défenseurs de solliciter des experts en droits de l’enfant ; il représente également un autre moyen de pression à utiliser contre les gouvernements quand d’autres formes de plaidoyer ont été bloquées.
Pour plus d’informations sur les organes de défense des droits de l’homme disponible pour des cas relatifs aux droits de l’enfant, vous pouvez parcourir notre page sur les plaintes, et vous trouverez dans notre base de données juridiques des résumés et des analyses permettant de comprendre comment on fait usage de ces organes pour promouvoir les droits de l’enfant (cette page est toujours en construction).
Une campagne est en cours en faveur de la ratification
Bien que l’OP3 soit désormais en vigueur, il n’est pas encore accessible à la plupart des enfants du monde entier. Il faut que les Etats ratifient le Protocole afin que les enfants puissent engager des procédures de plainte dans les juridictions dont ils dépendent.
Le 21 avril 2015, l’Albanie, l’Allemagne, l'Andorre, la Belgique, la Bolivie, le Costa Rica, l’Espagne, le Gabon, l'Irlande, Monaco, le Montenegro, le Portugal, la Slovaquie et la Thaïlande avaient ratifié le Protocole, et 34 autres Etats l’avaient signé mais pas encore ratifié.
Sur le site Ratify OP3 CRC Coalition, vous trouverez des données à jour sur la progression de la ratification dans le monde ainsi que les dernières nouvelles au sujet de la campagne en faveur de la ratification.