CRINMAIL 126: Journée des droits de l'homme
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Journée des droits de l’homme
Cette année, la Journée des droits de l’homme, sous le thème de « l'inclusion et le droit de participer à la vie publique », intervient à un moment de l'histoire où les peuples à travers le monde, las d'être exclus par leurs gouvernements, ont relancé les demandes de participation. Ils l’ont fait en manifestant dans les rues par centaines de milliers, pour exiger le respect de leurs droits fondamentaux, parmi lesquels celui de voir leurs revendications entendues et leur voix compter.
La journée célèbre l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en mettant l'accent cette année sur les articles consacrant les droits politiques, notamment le droit à la liberté d'expression et d'opinion, la liberté de réunion et d'association, et le droit de vote. Les articles 12, 13 et 15 de la Convention relative aux droits de l'enfant reconnaissent ces droits pour les enfants. La Journée des droits de l’homme met en évidence la façon dont certains groupes continuent à être exclus de la participation à toutes les décisions, même celles qui les touchent directement. Ces groupes marginalisés incluent notamment les personnes pauvres, les minorités et les peuples autochtones, les femmes, les personnes handicapées et les enfants, ces derniers se voyant dans certains pays interdire de prendre part au débat public ni plus ni moins qu’en raison de leur âge.
En effet, alors que dans de nombreux cas, le déni des droits politiques s'étend à la population du pays dans son ensemble, dans d'autres cas, les enfants - mais pas les adultes - sont exclus du droit de vote, de participer à des manifestations et de former ou de rejoindre des associations précisément en raison de leur âge. Cette situation constitue une preuve de plus du fait que si les droits de protection des enfants sont largement acceptés, leurs droits civils et politiques sont souvent négligés. Dans ce CRINMAIL, nous examinons les restrictions qui pèsent sur les droits politiques de l'enfant.
Le droit de vote
Les principes de la démocratie exigent que toute personne donne son opinion dans les décisions qui façonnent et régissent leur vie et celle de leur communauté. Quand il s'agit de voter aux élections, cependant, les enfants ont longtemps été considérés comme n'ayant pas les capacités nécessaires pour prendre des décisions éclairées, ce uniquement en raison de leur âge, et leurs droits de vote leurs sont systématiquement refusés dans la plupart des pays.
Certains, cependant, ont pris note de l'absence des enfants dans la prise de décisions. L'Argentine, par exemple, est devenue le dernier pays en date à accorder le droit de vote aux enfants ayant 16 et 17 ans.
Au Brésil, en Équateur et au Nicaragua, les citoyens votent aussi dès l'âge de 16 ans.
Lors de son sommet régional en 2011, l'Union africaine s’est questionnée quant aux raisons pour lesquelles l'âge légal pour voter dans le continent devrait être abaissé à 16 ans.
Pendant ce temps, en Écosse, les enfants âgés de 16 à 18 ans se rendront aux urnes en 2014 pour la première fois lors du vote concernant l’indépendance de leur pays. De même, le gouvernement gallois serait en faveur d’un abaissement de l'âge de vote à 16 ans pour toutes les élections et les référendums dans le pays.
D'autres pays comme l'Autriche, la Croatie, Cuba, les Philippines, l'Indonésie et les Seychelles ont aussi accordé aux enfants le droit de vote aux niveaux municipal, régional et/ou national.
La liberté d'association
Les enfants et les jeunes sont actifs dans la vie politique dans toutes les régions du monde.
Dans certains cas cependant, alors que la liberté d'association des adultes est bien établie, les enfants se voient interdire par la loi de se livrer à des activités politiques telles que la formation d’associations dirigées par les jeunes.
Au Japon par exemple, les enfants ne peuvent pas adhérer à une association sans la permission de leurs parents. Au Costa Rica, la loi prévoit que les moins de 18 ans aient le droit à la liberté d'association, à l'exception des activités politiques ou lucratives. Au Liban, la loi sur l'association interdit actuellement aux enfants de participer à, de créer, ou d'être membres d'associations ou d'organisations.
Pour une analyse plus détaillée du droit des enfants à la liberté d'association, cliquez ici.
La liberté de réunion
Les gouvernements devraient garantir aux enfants le droit d'exprimer leur opinion et de prendre part au débat public et aux processus décisionnels sans menace et sans peur.
Ces deux dernières années ont vu quelques-unes des manifestations les plus remarquables du rôle prédominant des mouvements de jeunes comme acteurs de transformation. La participation des jeunes au printemps arabe reste sans doute l'exemple le plus significatif de leur capacité à apporter des changements dans leurs communautés.
Mais comme pendant le printemps arabe, les gouvernements d'autres pays ont également répondu aux demandes des manifestants par la répression violente ou autres stratégies visant à réduire la participation des jeunes. Dans un cas en Chine, une jeune fille de 17 ans a été arrêtée et torturée pour avoir jeté des brochures en l'air et pour avoir tenu des slogans appelant à la liberté au Tibet, au retour du Dalaï Lama, et à la libération des prisonniers politiques.
Durant les manifestations contre la corruption qui ont eu lieu cette année en Russie, les week-ends des examens scolaires imprévus mais obligatoires ont été organisés pour empêcher les jeunes de prendre part aux manifestations.
Au Chili, durant les manifestations d’étudiants qui réclamaient un accès équitable à l'éducation pour tous les élèves face au sous-financement du système scolaire public, les forces gouvernementales ont utilisé des gaz lacrymogènes, tandis que des centaines de manifestants ont été arrêtés. De plus, à la suite des troubles a été préparé un projet de loi d'ordre public visant à aggraver les peines encourues par les participants aux manifestations non autorisées.
Sentences inhumaines : exécution d’une mineure au Yemen
Le Président du Comité des Nations unies des droits de l'enfant, Jean Zermatten, a exprimé mercredi sa consternation devant l'exécution, le 3 décembre à Sanaa au Yémen, d'une mineure.
« D'après les informations que nous avons reçues, Hind Al-Barti avait près de 15 ans au moment du crime », a déclaré M. Zermatten. « Elle a été exécutée en violation de l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui proclame le droit inhérent à la vie de chaque enfant, et de l'article 37, qui stipule que ni la peine de mort ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne peuvent être imposés à des mineurs ».
Selon plusieurs sources, 14 mineurs auraient été exécutés au Yémen entre 2006 et 2010. Le 18 janvier dernier, un autre aurait également été exécuté. Ces exécutions constituent une grave violation de l'engagement pris par ce pays en 2009, dans le cadre de l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, de respecter les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Le Yémen s'était engagé à ne plus condamner à la peine capitale les mineurs et à faire libérer immédiatement tous ceux qui patientent dans le couloir de la mort.
Au total, 21 délinquants qui étaient mineurs au moment des faits qui leurs sont reprochés, ont été condamnés à mort et 186 autres risquent également la peine de mort.
« Nous appelons instamment le gouvernement du Yémen à mettre fin immédiatement aux exécutions de mineurs et à prendre des mesures efficaces pour les faire sortir du couloir de la mort », a-t-il insisté.
En savoir plus sur les sentences inhumaines à l’encontre des enfants au Yemen.
Visitez la page de la campagne de CRIN sur les sentences inhumaines.
Les enfants et les conflits armés
Alors que les combats entre les forces gouvernementales et les groupes d’oppositions armées continuent en Syrie, ces derniers se serviraient d’enfants en tant que combattants et à d'autres fins militaires selon Human Rights Watch. Certains enfants âgés d'à peine quatorze ans ont servi dans au moins trois brigades de l'opposition où ils ont transporté armes et approvisionnements et tenu le rôle de guetteur, tandis que d'autres, âgés d'à peine seize ans, ont transporté des armes et participé aux combats contre les forces gouvernementales. Lire la suite.
Toujours en Syrie, des preuves concordantes montrent qu'un bombardement du gouvernement syrien le 25 Novembre faisant usage de bombes à sous-munitions a tué au moins 11 enfants, alors que cette arme qui tue sans discrimination a été interdite par la majorité des nations du monde par le biais de la Convention sur les armes à sous-munitions, Syrie exceptée, il y a deux ans.
Les bombes à sous-munitions peuvent être tirées par des lance-roquettes, des mortiers et des engins d'artillerie, ou larguées par des avions. Elles explosent en plein air, dispersant des dizaines, voire des centaines de sous-munitions (ou « mini-bombes ») sur de larges zones. Dans de nombreux cas ces sous-munitions n'explosent pas immédiatement, et fonctionnent donc comme des mines terrestres qui risquent d’exploser dès qu’elles sont manipulées. Lire la suite.
Depuis avril 2012, avec l'émergence du groupe M23 armée, la situation sécuritaire dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC) s'est considérablement dégradée en particulier dans le Nord-Kivu en raison des combats entre ce groupe et les Forces armées de la RDC (FARDC). La nouvelle vague d'affrontements a contraint des centaines de milliers de civils à fuir leur domicile. Le 15 Novembre 2012, après trois mois de trêve entre la M23 et les FARDC, des combats ont éclaté à environ 25 km au Nord de Goma, autour de Kibumba.
Depuis la création du M23, en avril 2012, Amnesty International a recensé de nombreuses atteintes aux droits humains imputées à ses membres, en particulier des homicides illégaux, le recrutement forcé d’enfants et de jeunes adultes ou encore des viols.
Bien que le Rwanda et l’Ouganda aient tous deux enfreint l’embargo de l’ONU sur les armes, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas encore pris de mesure concrète pour faire pression sur ces deux pays afin qu’ils cessent de soutenir ce groupe armé.
Les enfants travaillant comme domestiques
Des jeunes filles âgées de huit ans à peine endurent des sévices physiques et travaillent de longues heures pour un maigre salaire en tant que travailleuses domestiques au Maroc.
Selon le rapport de Human Rights Watch, intitulé « Une servitude solitaire : Le travail des enfants domestiques au Maroc », certaines filles ont affirmé que leurs employeurs les battaient et les insultaient fréquemment, les privaient d’éducation et leur refusaient parfois des repas suffisants.
Malgré les progrès réalisés dans la réduction du travail des enfants au Maroc, les lois interdisant l'emploi des enfants de moins de 15 ans ne sont pas correctement appliquées. Les inspecteurs du travail n'ont pas autorité pour entrer dans les domiciles privés afin d’identifier les enfants travailleurs domestiques. Les poursuites pénales contre les employeurs responsables de maltraitances à l’encontre des enfants travailleurs domestiques sont rares, et les amendes ne sont presque jamais infligées aux employeurs qui embauchent des enfants mineurs pour le travail domestique.
Les enfants travailleurs domestiques sont souvent inconscients des mécanismes existants pour aider les enfants vulnérables ou de la façon d’y accéder.
Lire le rapport en anglais.
Des jeux militaires à l'école
Le gouvernement russe s'apprête à faire renaître les jeux militaro-patriotiques soviétiques pour les écoliers russes, visant notamment à les préparer à défendre leur pays en leur apprenant le maniement d'armes d'assaut.
Rospatriotisme, une nouvelle structure en charge de ce domaine, devra notamment faire renaître les courses d'orientation militarisées, et autres activités de maniement du fusil d’assaut Kalachnikov ou concours de lancer de grenade que connaissaient les collégiens et lycéens soviétiques. Lire l’article.
Cette nouvelle structure au sein du système d’éducation est clairement contraire à l’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant sur les objectifs de l’éducation.
Le dernier mot
« Vingt ans après que la Convention Relative aux Droits de l'Enfant soit entrée en application, les enfants continuent à faire face aux traitements inhumains. Il y a encore beaucoup de pays qui ont un age de responsabilité criminelle allant jusqu'à 7 ou 8 ans. De plus, ces jeunes enfants peuvent être condamnés à la flagellation, l'amputation, la prison à perpétuité et même la mort par moyens horribles de lapidation et de tirs à l'arme à feu. Ce qu'il y a de plus choquant c'est que malgré les condamnations répétées par le Comité des droits de l'enfant, tous les autres les organes de traité, les détenteurs de mandats spéciaux, l'expert indépendant Paulo Sérgio Pinheiro chargé de l'étude des Nations-Unies sur la violence à l'encontre des enfants, de telles condamnations inhumaines continuent. »
Thomas Hammarberg, ancient Commissaire aux droits de l'homme du conseil de l'Europe.
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