ABUS SEXUELS EN RCA : des ONG demandent plus de transparence de la part de l'ONU

Son Excellence M. Ban Ki-moon
Secrétaire général de l’ONU
Siège de l’ONU
First Avenue at 46th Street New York, NY 10017
États-Unis

Cc: Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

 

Le 6 mai 2015

Déclaration d’organisations de la société civile au Secrétaire général de l’ONU, l’appelant à éclaircir les mesures prises en réponse aux rapports faisant état d’abus sexuels sur des enfants par des soldats étrangers en République Centrafricaine

Nous, les organisations de la société civile soussignées, appelons à des actions immédiates en réponse aux récentes révélations d’abus sexuels contre des enfants par des troupes françaises, tchadiennes et équato-guinéennes en République Centrafricaine, et en réponse également à la gestion de la situation par les Nations unies.

Les révélations contenues dans un rapport commandé par le Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) contiennent des témoignages sur des cas de viol et de sodomie de jeunes garçons par des soldats étrangers au centre pour personnes déplacées de Bangui, la capitale du pays, entre décembre 2013 et juin 2014. Les enfants interrogés pour le rapport révèlent qu’ils ont été exploités sexuellement en échange de nourriture et d’argent.

Nous sommes préoccupés par le cas d’Anders Kompass, directeur de la Division des opérations de terrain et de la coopération technique du HCDH, qui visiblement fait l’objet d’une enquête par le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU (BSCI) pour avoir transmis aux autorités françaises un rapport interne et confidentiel du HCDH sur ces abus.

La première réponse du Secrétaire général de l’ONU à la divulgation de ce rapport est profondément décevante. A ce jour, les réactions publiques des responsables de l’ONU ont porté principalement sur le respect des procédures internes. Il est troublant de voir que l’ONU semble s’intéresser davantage à l’enquête concernant la manière dont l’information a été divulguée qu’à ce qui a été fait pour garantir que des comptes soient rendus et que les victimes reçoivent l’assistance nécessaire.

Indépendamment des procédures internes de confidentialité, la mise en place d’un soutien aux victimes d’abus sexuels et d’une réponse rapide à des crimes aussi graves reste une obligation essentielle des agents de la fonction publique, et en particulier des fonctionnaires de l’ONU.

L’ONU fixe les standards pour la manière dont les États, institutions et sociétés à travers le monde perçoivent et traitent les droits de l’Homme. L’ONU a donc la responsabilité de rapporter rapidement tout abus aux autorités compétentes, d’assurer soutien et accès à la justice aux victimes, spécialement aux enfants, et enfin de protéger ceux qui ont eu le courage de dénoncer ces abus.

Ceci est conforme à l’initiative du Secrétaire général « Les droits humains avant tout » (Human Rights up Front) qui « encourage le personnel à adopter une position de principe et à agir avec force morale pour empêcher les violations graves et massives des droits l’Homme, et promet à ceux qui agissent ainsi le soutien du siège des Nations unies ».

C’est pourquoi, nous appelons le Secrétaire général de l’ONU à :

  • faire du soutien et du soin des enfants victimes de tels abus une priorité ;
  • faire la lumière sur les faits et circonstances entourant la réponse de l’ONU après qu’elle a été informée des conclusions du rapport interne ;
  • s’assurer que l’ONU tire les leçons de ses dysfonctionnements institutionnels passés, cherche à établir les responsabilités dans les cas d’allégations d’abus sexuels par des soldats de maintien de la paix et des troupes étrangères, et protège et soutienne ceux qui œuvrent pour la justice et la transparence ;
  • commanditer une enquête de suivi indépendante, transparente et efficace et veiller à ce que les responsables des abus sexuels répondent de leurs actes, en identifiant des mesures pour prévenir tout abus dans le futur. Ce faisant, si d’autres cas, ou des cas moins graves de violations des droits de l’Homme sont identifiés, ils devront également faire l’objet d’une enquête ;
  • s’assurer que tous les membres du personnel de l’ONU, y compris les forces de maintien de la paix, soient formés en protection de l’enfant, et se soumettent à une procédure de contrôle rigoureuses avant d’être déployés, de manière à ce que soient exclus ceux qui ont fait l’objet de condamnations pénales ou de mesures disciplinaires pour des infractions à caractère sexuel, ou pour tout autre violation grave du droit international humanitaire et des droits de l’Homme, et que soient suspendus temporairement ceux qui font l’objet d’une enquête, au moins jusqu’à ce qu’ils aient été lavés de tout soupçon ;
  • instaurer une formation obligatoire sur la protection et les droits de l’enfant, préalablement au déploiement et sur le terrain, pour les forces militaires de maintien de la paix - cette formation devrait être conforme aux outils de formation spécialisés sur la protection de l’enfant du Département des Opérations de Maintien de la Paix de l’ONU;
  • accorder aux victimes de violations graves des droits de l’Homme et à leur famille une réparation complète, sous forme de restitution, compensation, réinsertion, mesures de satisfaction et garanties de non-répétition, en prenant note que le devoir de fournir réparation aux victimes de violations des droits de l’Homme n’est dépendant ni de l’identification du coupable, ni de sa poursuite en justice ;
  • garantir que l’ONU et les États membres initient promptement des enquêtes, efficaces et indépendantes sur ces allégations d’abus contre des enfants par leurs troupes, et que les auteurs répondent de leurs actes ;
  • renforcer le système de protection par l’ONU des lanceurs d’alerte qui révèlent des abus, y compris des abus commis par des employés de l’ONU, des soldats de maintien de la paix et par des troupes étrangères, en conformité avec :
    • Les recommandations du rapport 2013 à l’Assemblée générale du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression1 qui énoncent que « ceux qui divulguent de bonne foi des informations pertinentes concernant des violations des droits de l’Homme devraient être dégagés de toute responsabilité. En outre, le silence des représentants de l’État sur des violations dont ils sont témoins peut être assimilé à de la complicité. (…) Les agents de la fonction publique qui divulguent des informations confidentielles concernant des violations de la loi, des malversations commises par des organismes publics, des cas graves de corruption, des risques graves pour la santé, la sécurité ou l’environnement ou des violations des droits de l’Homme ou du droit humanitaire (c’est-à-dire les dénonciateurs d’abus) devraient, s’ils agissent de bonne foi, être à l’abri de sanctions judiciaires, administratives ou professionnelles ».

Signataires :

Centre for Mozambican and International Studies
Child Rights International Network
Child Soldiers International
Collective of New Men of La Laguna, Northern Mexico
Defence for Children International
Droits de l’homme sans frontières (Chad)
ECPAT International End Child Prostitution, Child Pornorgraphy and Trafficking of Children for Sexual Purposes
Fundacion Arcoiris, (Mexico)
Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme
MenEngage Alliance
Network for Enterprise Enhancement and Development Support
Norwegian Church Aid
Plan International
Promundo
Save the Children
Society for Promotion of Educational and Environmental Development
Sonke Gender Justice
Support Needy Lovely Centre, Uganda
Sustainable Environment and Development Foundation
White Ribbon Campaign UK
World Organisation Against Torture

1 ​ A/68/362 (paragraphes 93 et 107)

Campagne: 

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