CRINmail 137
Dans ce numéro
Editorial : Observations du Comité des droits de l'enfant sur le rapport du Saint-Siège
Actualités :
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En bref : Espagne, France, Belgique, Québec
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Lois anti-homosexuelles : France, Russie, Ouganda
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Justice : Burundi, Irlande
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Conflits : Soudan du Sud, RCA, Thaïlande, Egypte
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Nations unies : Conseil des droits de l'homme, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Corée du Nord
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Union Africaine
Editorial
Le Comité des droits de l’enfant a rendu le 5 février ses observations finales sur les rapports du Saint-Siège sur la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et sur le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (OPSC).
Ces Observations font suite à la 65è session du Comité, qui s’est tenue du 13 au 31 janvier 2014 à Genève.
En amont de la session de janvier, le Comité avait soumis au Saint-Siège, en juillet dernier, une liste de points à traiter. Cette liste incluait une série de questions, et le Comité y demandait spécifiquement au Saint-Siège de fournir des informations détaillées sur tous les cas connus du Saint-Siège d’abus sexuels contre des enfants commis par des membres du clergé dans le monde entier. Cette demande concernait : des informations sur des affaires spécifiques dans lesquelles des évêques et d’autres dirigeants n’ont pas dénoncé aux forces de l’ordre des abus présumés, sur toute enquête interne ayant été entreprise et sur les moyens utilisés par le Saint-Siège pour s’assurer que les responsables d’abus ne soient plus en contact avec des enfants. C’est la première fois que l’ONU requérait du Saint-Siège des détails aussi spécifiques sur les abus sexuels. Le Saint-Siège avait déjà soumis un rapport au Comité, son rapport initial daté de 1995. Le second rapport devait être rendu en 1997, mais n’a été soumis qu’en 2011, ce qui a entraîné son examen en janvier 2014.
Dans ses observations finales, le Comité critique vivement le Saint-Siège sur la manière dont il a traité les affaires d’abus sexuels contre des enfants au sein de l’Eglise catholique, l’accusant notamment d’avoir systématiquement placé la préservation de la réputation de l’Eglise au dessus de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Comité fait état de dizaines de milliers d’enfants victimes d’abus commis par des membres de l’Eglise catholique à travers le monde. Il reproche au Saint-Siège son manquement à reconnaître l’étendue de ces crimes, à protéger les enfants, et ses actions favorisant l’impunité des coupables.
« Les enfants victimes et leurs familles ont souvent été accusés, discrédités et dissuadés de maintenir leurs plaintes, et, dans certains cas, humiliés par les autorités religieuses », a déclaré le Comité (traduction non-officielle).
Dans une longue liste de recommandations, le Saint-Siège a été appelé à améliorer considérablement son respect de la CDE, notamment en retirant de leurs fonctions les auteurs d’abus sexuels présumés ou avérés, et de référer ces affaires aux autorités nationales compétentes pour enquêter et engager des poursuites judiciaires.
Le Saint-Siège a tenté d’éviter de répondre aux questions du Comité en déclarant que sa compétence juridique était limitée au seul territoire de l’Etat du Vatican – soit une population de 36 enfants seulement. Le Comité a rejeté cet argument en rappelant au Saint-Siège qu’en ratifiant la Convention, il s’était engagé à mettre en œuvre celle-ci non seulement sur le territoire du Vatican, mais également en tant que pouvoir suprême de l’Eglise catholique, à travers les individus et institutions soumis à son autorité.
Le Comité a également rendu ses observations sur le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (OPSC). Le Comité a notamment reproché au Saint-Siège les traités d’immunité passés avec certains pays (dont l’Italie), qui empêchent d’enquêter et d’engager des poursuites pour des crimes, y compris pour les abus sexuels contre les enfants.
L’examen du Comité avait pour objet principal les abus sexuels contre les enfants, mais d’autres droits des enfants ont également fait l’objet de recommandations. Le Saint-Siège a ainsi été critiqué pour ses déclarations sur les châtiments corporels, l’avortement, ainsi que pour ses propos sur l’homosexualité, qui favorisent la stigmatisation et la discrimination des enfants sur la base de leur orientation sexuelle ou de celle de leurs parents.
Plus d’informations :
• Lire un résumé non-officiel des points principaux des observations du Comité sur la rapport du Saint-Siège concernant la Convention (français, anglais), l’OPSC (français, anglais)
• Télécharger le texte complet des recommandations finales (en anglais) : Convention, OPSC.
• Lire le rapport préliminaire de CRIN (en anglais) : « Le Saint-Siège et les abus sexuels à l’encontre des enfants : le besoin de justice, de responsabilité et de réforme ». Le rapport cartographie la violence sexuelle contre les enfants dans l’Eglise catholique à l’échelle mondiale.
• Voir également la page de la campagne de CRIN pour mettre fin à la violence sexuelle dans les institutions religieuses.
• Tous les documents de la 65è session sont disponibles sur le site du Comité, y compris les rapports alternatifs des organisations de la société civile.
Actualités
En Espagne, après deux années de récession, Save the Children rapporte qu’un tiers des enfants (soit plus de 2,8 millions d’enfants) sont exposés à la pauvreté ou à l’exclusion sociale. L’ONG appelle le gouvernement à agir comme garant des besoins légitimes des enfants. Lire l’article
En France, l’Assemblée nationale a reconnu le 18 février la responsabilité morale de l’Etat français dans la déportation de plus de 1600 enfants réunionnais dans des zones rurales de métropole entre 1963 et 1982. La résolution, présentée par la députée réunionnaise Éricka Bareigts, n’ouvre pas de droits à indemnisation, la justice ayant déjà jugé en 2002 que les faits étaient prescrits. Elle est néanmoins d’une grande importance symbolique, cet épisode dramatique de l’histoire contemporaine restant largement méconnu. Lire l’article
La Belgique a étendu sa loi sur l’euthanasie, devenant ainsi le deuxième pays au monde après les Pays-Bas à autoriser l’euthanasie pour les mineurs. Les Pays-Bas imposent un âge minimum (12 ans), tandis que la loi Belge supprime désormais totalement le critère d’âge.
Au Québec, le projet de loi 52 sur l’aide médicale à mourir n’a pas pu être voté avant la relâche parlementaire, un groupe de députés ayant refusé de restreindre le temps de parole des députés pour accélérer le débat. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au Québec a publié en septembre 2013 un rapport demandant à ce que le projet de loi, qui limite l’accès à l’aide médical à mourir aux adultes seulement, soit modifié afin de permettre aux mineurs d’y accéder également, moyennant la mise en place d’un mécanisme de consentement approprié.
Lois anti-homosexuelles
En France enfin, malgré le vote de la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels l’année dernière, les procureurs émettent régulièrement des avis défavorables à l’adoption par le conjoint dans le cas d’enfants nés de recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger. Les avis évoquent des « filiations frauduleusement établies », du fait du recours à la PMA, non autorisée en France pour les couples homosexuels. Les avis des procureurs varient du tout au tout d’une région à l’autre, car le texte de loi ne fait pas mention du mode de conception de l’enfant, laissant une place à l’interprétation. Les décisions sont au bout du compte rendues par un juge, qui n’est pas tenu de suivre l’opinion du procureur, et il n’y aurait eu pour l’instant aucun refus d’adoption motivé par le recours à la PMA. Depuis octobre, on recense au moins une vingtaine d’adoptions au sein de couples homosexuels. Le chiffre est probablement plus élevé, car la Chancellerie ne distingue pas dans ses statistiques sur l’adoption entre les couples homosexuels et hétérosexuels. Lire l’article
La Russie a publié le 13 février un décret interdisant aux célibataires ressortissants d’un pays ayant légalisé le mariage gay d’adopter des enfants russes. Lire l’article. Parallèlement, des membres de la Douma ont demandé au Ministère des Affaires étrangères d’examiner la possibilité d’étendre cette interdiction aux pays ayant légalisé l’euthanasie pour les mineurs. Lire l’article
Le Président ougandais Yoweri Museveni a finalement signé la loi durcissant la condamnation de l’homosexualité en Ouganda. Les relations homosexuelles étaient déjà punies de prison à vie, la nouvelle loi introduit l’interdiction de toute promotion et l’obligation de dénoncer l’homosexualité. La loi ne prévoit finalement pas la peine de mort en cas de récidive ou de relation avec un mineur. Lire l’article
Justice
Le Burundi a inauguré en janvier un quartier pour mineurs dans la prison de Ngozi-femmes, pouvant accueillir 36 enfants en conflit avec la loi. L’absence d’un lieu de détention réservé aux mineurs faisait partie des préoccupations du Comité des droits de l’enfant dans ses recommandations au Burundi en 2010. Le Comité avait également souligné que les mineurs en conflit avec la loi étaient de facto traités comme des adultes, du fait de l’absence d’un système de justice pour mineurs. Depuis Avril 2013, le Code de procédure pénale garantit aux mineurs la présence d’un avocat lors de leur interrogatoire, mais le Burundi ne dispose toujours pas de tribunaux spécialisés pour juger les mineurs. Ce point fait partie de la liste de questions que le Comité des droits de l’homme souhaite examiner lors sa 112è session en Octobre 2014. Le Comité contre la torture examinera également le rapport du Burundi lors de sa 53e session en Novembre 2014, et adoptera sa liste de questions à examiner lors de sa 52e session du 28 avril au 23 mai.
La Cour Européenne des droits de l’homme a rendu sa décision dans l’affaire O’Keeffe c. Irlande, concluant à une violation de l’article 3 de la Convention Européenne des droits de l’homme (interdiction de traitements inhumains ou dégradants) à raison d’un manquement de l’Etat irlandais à son obligation de protéger la plaignante, contre les abus sexuels dont elle a été victime à l’âge de 9 ans, en 1973, dans une école nationale (écoles primaires financées par l’Etat et se trouvant sous patronage religieux). Télécharger le communiqué. Lire la décision.
Conflits
Malgré un accord de cessez-le-feu le 23 janvier, après cinq semaines d’affrontements ayant fait des milliers de morts les hostilités ont repris au Soudan du Sud. Des meurtres de civils, dont des enfants, auraient été commis le 19 février dernier à Malakal. Les Nations Unies avait déclaré en janvier que les actes commis par les deux camps pourraient être considérés comme des crimes contre l’humanité. Cette déclaration se fonde sur des témoignages de massacres, d’exécutions sommaires, de détentions arbitraires, de violences sexuelles et d’implication d’enfants dans les groupes armés. L’union Africaine a décidé de la création d’une Commission d’enquête sur les violations des Droits de l’Homme au Soudan du Sud.
La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a déclaré le 19 février que les dirigeants de la République Centrafricaine pourraient avoir à rendre des comptes pour les exactions qui continuent d’être commises dans le pays. « Je tiens à rappeler à tous les dirigeants occupant des positions importantes, qu'ils appartiennent aux anti-Balaka, aux ex-Séléka ou à l'ancienne armée FACA, qu'ils ont des obligations claires découlant du droit international. Ils ont l'obligation de ne pas commettre, ordonner, inciter ou être à l'origine de violations du droit international, et d'empêcher leurs subordonnés de commettre de telles violations. (…) Les personnes qui commettent des violations des droits de l'homme après en avoir reçu l'instruction ou l'ordre pourraient aussi voir leur responsabilité pénale individuelle directement engagée pour leurs actions ou omissions. » L'UNICEF fait état d’un niveau de violence contre les enfants sans précédent, et rapporte 133 cas vérifiés d’enfants tués ou mutilés. L’UNICEF appelle les responsables politiques, religieux et la société civile à œuvrer pour la réconciliation, et demande à ce que les violations des droits des enfants fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites judiciaires et de sanctions.
En Thaïlande, les violences liées à la crise politique ont causé la mort de trois enfants âgés de 4 à 6 ans entre les 22 et 23 février. C’est la première fois que des enfants sont tués depuis le début de la crise. Lire l’article.
En Egypte, un enfant de 12 ans a été tué par balle en marge de manifestations à Minya, au sud du Caire. Les partisans de l’ancien président Morsi manifestent tous les vendredis depuis l’été, malgré l’interdiction. Lire l’article.
Nations unies
Le Conseil des droits de l’homme a ouvert le 3 mars sa 25e session. Le Conseil tiendra le 13 mars sa journée de discussion annuelle sur les droits de l’enfant, consacrée cette année à l’accès à la justice. La Cette session verra la nomination de 25 Rapporteurs spéciaux. La liste des candidats est consultable ici. La session du Conseil est diffusée sur http://webtv.un.org
La Représentante spéciale du Secrétaire général pour la Côte d'Ivoire, Aïchatou Mindaoudou, a salué fin janvier les progrès du pays pour la paix et la sécurité, à l’occasion de la présentation du rapport du Secrétaire général sur l’Opération des Nations unies an Cote d’Ivoire (ONUCI) couvrant la deuxième partie de l’année 2013. Le rapport mentionne notamment des progrès sur l’administration de la justice juvénile, avec la création de cellules séparées pour les mineurs. Cependant, la situation des droits de l’homme reste préoccupante, et l’ONUCI a constaté dans tout le pays des cas d’exécutions sommaires, de disparitions forcées, de détentions illégales, d’actes de torture, ainsi qu’une recrudescence des violences sexuelles. Enfin, le rapport recense toujours de nombreux cas de mutilations sexuelles féminines, ainsi que des cas de mariages forcés ou précoces et des cas de travail forcé d’enfants. Lire l’article.
La Rapporteuse spéciale de l'ONU sur les formes contemporaines de l'esclavage, Gulnara Shahinian, s’est rendue en visite en Mauritanie du 24 au 27 février. Il s’agissait d’une mission de suivi de sa précédente visite en 2009. Le précédent rapport de mission faisait état de l’existence de facto de l’esclavage en Mauritanie, malgré son abolition en 1981. Concernant les enfants, le rapport de 2009 constatait la violation du droit des enfants à naître libres : « Tout esclave en Mauritanie a aussi connu une enfance asservie. Les enfants grandissent sans connaître leurs parents ou leurs frères et sœurs. Leurs maîtres, qui sont leurs proches socialement, leur tiennent lieu de famille, ce qui rend encore plus difficile pour les enfants asservis de s’échapper. »
Le 27 février, à l’issue de sa visite, Gulnara Shahinian a déclaré dans un communiqué que le gouvernement devait toujours transformer ses engagements en actions. Elle a accueilli favorablement la création d’une agence gouvernementale pour aider les anciens esclaves, ainsi que le projet de Tribunal spécial pour les crimes d’esclavage. Elle a cependant déploré le manque d’informations et de statistiques sur le sujet.
La Commission d’enquête de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Corée du Nord, constituée en mai 2013, a rendu un rapport de près de 400 pages, basé sur des témoignages directs de victimes et témoins. Le rapport fait état de violations graves, systématiques et généralisées qui entrent dans la catégorie des crimes contre l’humanité, et précise que le régime nord coréen est sans aucun parallèle dans le monde contemporain. Les exactions incluent exterminations, meurtres, esclavage, torture, violences sexuelles, persécutions, disparitions forcées et des actes causant intentionnellement une famine prolongée. Le rapport comprend une lettre à Kim Jong-un, dans laquelle les commissaires déclarent qu’ils recommanderont le renvoi de la situation à la Cour pénale internationale afin que toutes les personnes qui pourraient être responsables de ces crimes, y compris Kim Jong-un, rendent des comptes.
Lire le communiqué de presse.
Télécharger le rapport (en anglais).
Union africaine
Sur le modèles des Observations générales du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) travaille à la production de son deuxième Commentaire général sur les droits de la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant, qui sera consacré aux droits de l’enfant à l’enregistrement des naissances, au droit à un nom et au droit à acquérir une nationalité. Le Commentaire général n°1, adopté en 2013, est consacré à l’article 30 de la Charte, sur les enfants de parents emprisonnés.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union Africaine a tenu lors de sa 420e réunion une séance de consultation avec le CAEDBE. Le Conseil et le Comité ont discuté de la possibilité d’institutionnaliser leur collaboration, notamment en ce qui concerne la protection des droits de l’enfant lors de conflits armés. Le CPS a également approuvé la tenue d’une session annuelle du Conseil dédiée aux droits de l’enfant sur le continent africain.
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Le dernier mot
« Les Australiens se sont habitués à l'idée de maintenir des enfants en détention. Ça s'est banalisé. Il serait donc présomptueux d'espérer que notre enquête ait les mêmes conséquences qu'il y a 10 ans. Cependant, tous les gens auxquels j'en parle sont stupéfaits d'apprendre que la détention des enfants dure des mois, parfois des années, derrière des fils barbelés, dans des conditions très strictes. » Gillian Triggs, Présidente de la Commission des Droits de l'Homme australienne, qui lance une enquête sur le traitement des enfants détenus avec leurs parents demandeurs d'asile, sur le sol australien mais aussi en Papouasie Nouvelle-Guinée et à Nauru.
De son côté, Timothy Pilgrim, le Commissaire à la protection de la vie privée, a réclamé une enquête après que les renseignements personnels de 10 000 adultes et enfants actuellement dans des centres de détention ont été accidentellement publiés sur le site internet des services de l’immigration.
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Du 3 au 28 Mars 2014. La journée du 13 mars sera consacré à la discussion annuelle sur les droits de l'enfant, avec pour thème l'accès à la justice.
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