Maroc: Contre la pédophilie, il faut un message clair

Il y a un peu plus de deux ans, le 2 juillet 2004, Najat Anouar créait l'association Ne touche pas à mon enfant, première association marocaine de lutte contre la pédophilie. Aujourd'hui, cette juriste, mère de famille, se consacre entièrement à ce combat. Le sujet est encore largement tabou dans l'opinion, au point que les familles des petites victimes hésitent souvent à porter plainte. Un mur du silence que Najat Anouar s'efforce de briser.

Dans quelles circonstances est née l'association Ne touche pas à mon enfant?
C'était au début de l'été 2004, après la mort d'un petit garçon de 3 ans et demi victime d'un pédophile. J'ai été choquée par le complot du silence qui s'était instauré autour de cette tragédie, en partie à l'instigation des parents du garçonnet. Et plus encore lorsque j'ai appris que le coupable, qui sévissait depuis fort longtemps, n'avait été condamné qu'à deux ans de prison. Ce jugement m'a révoltée. J'ai pensé aux autres enfants sans défense et je me suis dit que, si nous pouvions nous réunir à plusieurs pour lutter contre ce fléau, nous aurions plus de chances d'être entendus. Nous avons l'intention de nous battre contre tous les abus dont sont victimes les enfants dans notre pays.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous vous heurtez dans votre action?
Il nous faut lutter à la fois contre les abus sexuels dont sont victimes les mineurs et contre les tabous ancrés dans notre société: les proches de la victime préfèrent souvent garder le silence par peur du qu'en-dira-t-on. Il arrive en effet que la police et la justice fassent leur travail, mais se heurtent aux hésitations des parents lorsqu'il s'agit de formuler une plainte précise. Il faut que les mentalités évoluent et nous nous efforçons d'y contribuer.

Au Maroc, la pédophilie est-elle liée au tourisme sexuel?

Le tourisme sexuel existe, mais il y a aussi des pédocriminels marocains. Notre association s'est donné pour objectif de combattre tous les cas d'abus sexuels sur mineur qui se présentent à nous. Il faut tout faire pour dissuader les pédophiles étrangers de venir au Maroc. Et tout faire aussi pour que les pédophiles autochtones soient empêchés de nuire. Cela implique que des mesures répressives soient prises, et que l'on fasse passer un message clair. Le développement du tourisme entraîne malheureusement une augmentation du nombre de visiteurs mal intentionnés, et notamment de pédophiles. Or nous devons absolument refuser que le royaume devienne une destination sexuelle.

Concrètement, comment agissez-vous?

Chaque fois que c'est possible, nous nous portons partie civile au côté des victimes et nous médiatisons notre action. Nous avons ainsi traité une soixantaine de cas à travers le Maroc. Y compris des affaires impliquant, à Marrakech ou à Agadir, des pédophiles allemands, belges ou français, qui ont été jugés et condamnés. Notre action porte ses fruits. Il arrive en effet de plus en plus souvent que l'on nous contacte pour dénoncer tel ou tel cas. C'est important, car cela veut dire que les tabous commencent à tomber.

Les procès se multiplient

Le Maroc s'est fixé pour objectif d'avoir 10 millions de touristes à l'horizon 2010. Mais il ne veut pas devenir l'une des destinations phares du tourisme sexuel. Depuis deux ans, les opérations de police se sont multipliées contre les délinquants sexuels, en particulier à Marrakech et Essaouira. Elles visent tout particulièrement les pédophiles. Depuis le début de l'année, une demi-douzaine d'Européens ont été condamnés pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs. Animée par des militants des droits de l'homme, l'association Ne touche pas à mon enfant est au cœur de ce combat. Elle enquête sur le terrain et s'efforce de sensibiliser la société à ce problème longtemps tabou.

pdf: http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/maroc/dossier.asp?ida=454553

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