Une frontière arbitraire : document de réflexion sur les âges minimums

Dans quels cas les âges minimums protègent-ils les droits des enfants ? Dans quels cas les limitent-ils ? Que signifient les idées de capacité et de consentement libre et éclairé ? Comment peut-on mieux protéger les enfants contre les abus en assurant une meilleure reconnaissance des droits plutôt qu’en fixant des seuils d’âge ? Et comment se fait-il que l’accès des enfants à la justice soit limité à cause de leur âge ?
Ce sont là quelques questions que CRIN considère dans son nouveau document de réflexion « Une frontière arbitraire : les âges minimums », qui examine une série de questions controversées en utilisant des principes généraux et des critères fondés sur les droits, et révèle le caractère parfois incohérent, discriminatoire et arbitraire des âges minimums.

En savoir plus sur les âges minimums


Ce document n'est disponibles qu'en anglais, mais vous trouverez ci-dessous une introduction à ce document, à notre démarche et aux critères élaborés par CRIN.



Document de réflexion

UNE FRONTIÈRE ARBITRAIRE :  LES ÂGES MINIMUMS

CRIN cherche à encourager l’émergence d’un nouveau débat sur  la détermination des âges minimums. Ce document esquisse des principes généraux et des critères pour s’assurer d’un respect des droits de l’enfant cohérent et adapté dans la détermination de ces âges.

Rejoindre la discussion :

Nous reconnaissons que les questions portant sur la capacité sont complexes, et que les débats évoluent au fil du temps. Nous souhaitons continuer à examiner les positions que ce document présente. Un bon nombre d’individus et d’organisations ont déjà commenté ce document. Pour rejoindre la discussion, envoyez un message à [email protected].

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Nous pensons qu’il y a deux justifications possibles pour fixer au cours de l’enfance des âges minimums dans des buts spécifiques (travailler, se marier etc.). En premier lieu, afin de  fournir une protection contre des abus significatifs à des enfants qui en ont un besoin établi. En second lieu, pour disposer d’une référence pour établir la capacité présumée, car sans un âge minimum, il revient toujours à l’enfant concerné de prouver sa capacité. Dans certains cas, un système pour déterminer la capacité peut être adapté, mais le fait de fixer un âge minimum garantit en plus qu’à cet âge, l’enfant acquiert bien un droit absolu.
Les âges minimums devraient, sans exception, être en adéquation avec tous les droits de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE). Cela signifie que dans les domaines où la protection des enfants est en jeu (par exemple, dans le système judiciaire), tous les enfants de moins de 18 ans devraient bénéficier d’une protection spéciale. Lorsque des âges minimums sont nécessaires pour prévenir des abus de pouvoir (par exemple, s’agissant de majorité sexuelle), leur mise en œuvre ne devrait jamais aller à l’encontre des droits de l’enfant. Les âges minimums devraient être évités dans les domaines où les restrictions d’âge ne servent aucun but et risquent de restreindre le développement des enfants, leurs libertés ou même leur protection (par exemple, la liberté de choisir ou non une religion, l’accès aux mécanismes de plaintes). Enfin, lorsqu’il y a une tension entre la protection de l’enfant et son autonomie (par exemple, dans le cas du consentement à un traitement médical), la capacité de l’enfant devrait être le facteur décisif et ne devrait pas être appréciée de manière générale, mais en considérant le problème en cause. Cette appréciation devrait toujours prendre en compte les normes sociales et culturelles d’un contexte donné, et les déséquilibres de pouvoir en jeu dans la question du consentement.
Il faut noter que les décisions politiques sont parfois prises pour « les enfants » en tant que groupe plutôt que pour les enfants en tant qu’individus. De telles décisions doivent répondre aux besoins de ceux qui sont les plus résilients - et qui peuvent constituer la majorité - comme de ceux qui sont plus vulnérables. De plus, les obstacles à la protection et à l’autonomisation peuvent être liés à la tradition et à la pratique plutôt qu’uniquement liés à des âges minimums définis dans la loi interne (par exemple, les mariages  coutumiers et informels). Ces obstacles nécessitent donc un travail spécifique sur les normes sociales.
L’objet de ce document est d’esquisser des principes généraux, non de couvrir une liste exhaustive de sujets. À partir de là, nous avons élaboré des critères qui peuvent être utilisés comme point de départ pour développer une position sur d’autres sujets qui pourraient nécessiter un âge minimum.


Critères

Un âge minimum est-il nécessaire ? Réfléchir à :

  • But poursuivi (l’âge minimum a-t-il pour objectif de protéger les enfants ou de leur garantir une reconnaissance en tant que détenteurs de droits ?)
  • Quels autres moyens existent pour remplir le même objectif sans recourir à ces seuils ?
  • Quel est le niveau de risque associé à l’activité en question ?
  • S’il s’agit d’un objectif de protection, à quel point un âge légal est-il efficace pour obtenir cette protection ?
  • Si on ne met pas en place un âge légal, quel est le potentiel d’abus de pouvoir par les parents ou d’autres personnes ? (Par exemple, ne pas avoir d’âge minimum pour la fin de l’éducation obligatoire pourrait conduire à ce que les parents choisissent de ne pas envoyer leur enfant à l’école et de l’employer à la place pour aider à diverses tâches).
  • L’évaluation de capacité est-elle une option ? Si oui, comment et par qui doit-elle être faite ? (par exemple, il ne serait pas adapté que ce soit la personne qui vend les tickets de cinéma qui détermine la capacité).
  • Quelles seraient les conséquences négatives de ne pas fixer d’âge minimum ?

Si oui :

  • Est-ce en adéquation avec tous les autres droits de la Convention ?
  • Quel est l’âge qui serait le plus à même remplir l’objectif ?
  • Un seuil fixé à cet âge respecte-t-il l’intérêt supérieur de l’enfant ?
  • L’âge minimum est-il conforme aux autres lois et politiques (ou encore, ces lois et politiques sont-elles mauvaises) ?
  • Comment un âge minimum peut-il avoir un impact sur le processus décisionnel ?
  • Ce seuil constitue-t-il une discrimination contre les enfants sur la base de leur âge ?
  • Ce seuil aura-t-il plus de conséquences pour un groupe d’enfants que pour les autres ?

Introduction

L’article 1 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE) définit un enfant comme tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, « sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable » (dans certains pays, la majorité est atteinte avec le mariage, le service militaire ou encore l’indépendance économique). Cependant, au sein même de cette définition de l’enfance, les enfants font face à tout un éventail d’âges minimums à partir desquels ils sont considérés capables de prendre des décisions les concernant, ou d’être soumis à la même loi que les adultes dans certains aspects de leur vie. L’âge auquel les enfants peuvent se marier ou voter,  ou encore être impliqué dans le système de justice pénale varie d’une juridiction à l’autre, voire au sein d’une même juridiction. Mais les restrictions fondées sur l’âge ne sont pas toujours la meilleure approche. Elles reposent sur deux hypothèses d’adultes : d’abord, qu’il manque aux enfants la capacité d’assumer la responsabilité des décisions qui concernent leur vie, et qu’ils doivent par conséquent être protégés ; ensuite, que les limites d’âge sont le meilleur moyen de les protéger - alors que l’enfance comprend un large panel de compétences et de capacités. Non seulement ces hypothèses font fi des circonstances individuelles des enfants, mais dans certains cas, elles peuvent aussi réduire la protection des enfants. Par exemple, comment justifier le fait d’instituer un âge minimum pour qu’un enfant puisse porter plainte, ou solliciter un conseil sans le consentement de ses parents ?
Cela nous interroge sur les manières de mesurer autrement la maturité d’un enfant. Bien qu’il n’y ait pas de réponse passe-partout, CRIN pense qu’établir des âges minimums dans des objectifs spécifiques au cours de l’enfance devrait être en adéquation avec tous les droits garantis par la CDE. Cela signifie que dans les domaines où la sécurité des enfants est en jeu (par exemple, le travail dangereux), tous les enfants de moins de 18 ans devraient avoir droit à une protection spécifique. Ceci est en accord avec l'exigence que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale, avec l’obligation de non-discrimination, et avec le droit de l’enfant à un développement maximal (article 6), tous fixés dans la Convention.
Un âge minimum est également nécessaire pour la reconnaissance des droits de l’enfant, afin de les protéger contre la possibilité que leur capacité soit arbitrairement niée.
Dans les domaines où les restrictions basées sur l’âge ne remplissent aucun objectif de protection et peuvent potentiellement limiter le développement des enfants et leurs droits civils et politiques (par exemple, la liberté de choisir, pratiquer ou quitter une religion, l’accès à des mécanismes de plaintes), les âges minimums devraient être abandonnés. Lorsqu’une limite d’âge est nécessaire, sa mise en œuvre ne devrait pas aller à l’encontre de droits tels que le droit à la non-discrimination (article 2), l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), le respect pour le développement de ses capacités (article 5), et le droit à être entendu (article 12). Elle devrait prendre en compte la capacité de l’enfant en ce qui concerne le sujet en question, avec toutes les complexités que cela implique.
 

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Pays

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