Soumis par Louise le
Scolarisation
Selon l’UNICEF, 9000 enfants vivraient aujourd’hui dans des bidonvilles en France. Alors que l’obligation scolaire pour les enfants présents sur le territoire français est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946, force est de constater qu’aujourd’hui, un nombre trop important d’enfants allophones vivant en squats et bidonvilles n’ont pas accès à l’école ou à une formation. Les barrières pointées par les acteurs de terrains sont toujours les mêmes malgré un outillage de plus en plus important des personnes qui accompagnent des familles. Ainsi, des maires continuent toujours de refuser des inscriptions. Ces refus sont plus ou moins explicites, sont souvent des entraves administratives comme les demandes abusives de documents telles que la domiciliation ou un justificatif de domicile alors que les seuls documents obligatoires sont une pièce d’identité et un carnet de vaccination à jour. Ces refus traduisent un déni de la présence des habitants des bidonvilles et squats sur le territoire communal. Ils s’appuient soit sur une prétendue absence de lien avec la commune, soit sur le prétexte d’une expulsion imminente, etc. Or dans le code de l’éducation, il est précisé que le lieu de résidence, autrement dit, le lieu de vie de fait prime : « le fait qu’une famille soit hébergée de manière provisoire sur le territoire d’une commune est sans incidence sur le droit à la scolarisation. En effet, c’est la résidence sur le territoire d’une commune qui détermine l’établissement scolaire d’accueil (article L. 131-6 du Code de l’éducation) ».
La scolarisation normale est aussi perturbée par les expulsions systématiques que subissent les enfants de leurs lieux de vie. Pour les enfants scolarisés, la première conséquence est la rupture de scolarisation, qui entraîne une rupture dans l’apprentissage, dans les liens tissés avec les autres enfants et le personnel de l’école, etc. Aussi, certaines familles craignent d’inscrire leur enfant à l’école tant qu’une menace d’expulsion plane sur leur lieu de vie.
La scolarisation des enfants est primordiale. Aucun enfant scolarisé ne doit être expulsé de son lieu de vie sans solution de relogement stable, ni durant toute l’année scolaire, ni pendant les vacances.
Les obstacles liés à la vie en bidonville sont nombreux. L’absence d’eau et d’électricité, le coût de l’habillement, des fournitures scolaires sont autant de difficultés supplémentaires pour les enfants qui vivent dans une grande précarité en squat et en bidonvilles. En outre, certaines mairies refusent de leur accorder les tarifs sociaux pour la cantine scolaire. Cette pratique s’appuie parfois sur le prétexte fallacieux que les parents ne peuvent pas prouver leurs revenus en l’absence d’un avis d’imposition.
Nous demandons aux responsables politiques d’avoir une politique tarifaire en adéquation avec les situations des familles pour permettre à leurs enfants l’accès à la restauration scolaire et à l’étude.
Chaque année, les maires ont une obligation de recenser tous les enfants résidant sur leur commune en âge d’être scolarisés (article L. 131-6 du Code de l’éducation). Ce recensement « oublie » presque systématiquement les habitants des squats et des bidonvilles ce qui contribue à l’exclusion de ces enfants du système scolaire.
Le CNDH Romeurope exige que dès la rentrée des classes de 2015, tous les maires se plient à leur obligation de recensement exhaustif et scolarisent sans délai tous les enfants résidant dans leur commune.
Alors que 99% des enfants de 6 à 16 ans vivant en France sont scolarisés selon les chiffres de l’UNICEF, comment accepter qu’aujourd’hui des milliers d’enfants ne soient pas à l’école ?
Les conséquences sont dramatiques. Cela fait 25 ans que les bidonvilles ont fait leur réapparition en France, et avec eux, une nouvelle migration familiale. Cela fait 25 ans que des enfants naissent et grandissent en France avec une scolarité inexistante ou chaotique. Ces enfants et jeunes ne sont pas reconnus en tant que sujets de droit et se voient dénier leur droit à l’éducation, à l’instruction et aux loisirs puis à toute formation professionnelle. Une génération est en train de grandir sans apprendre à lire, à écrire ou à compter; une génération confrontée à la violence des expulsions, du racisme et du rejet. Aujourd’hui, le CNDH Romeurope, à travers le Collectif pour le Droit des Enfants Roms à l’Education (CDERE) tient à alerter les pouvoirs publics sur la situation des jeunes entre 12 et 18 ans n’ayant pas, ou peu, été scolarisés. Ils sont particulièrement vulnérables et aucun dispositif ne leur est proposé : ces adolescents sont invisibles aux yeux des autorités compétentes. Ces enfants vivront et travailleront certainement en France : la société française doit être en mesure de leur proposer une place pour y vivre dignement.
Le phénomène de déscolarisation est particulièrement prégnant pour les jeunes filles. Cet « abandon » scolaire s’explique par plusieurs facteurs. La peur des parents de la fréquentation des jeunes garçons une fois ces jeunes filles arrivées à l’âge de la puberté en est un. Comme dans toute société, le contrôle du corps des femmes se fait à travers des normes et des règles plus ou moins explicites. Ainsi le mariage représente l’obtention d’un statut dans la société. Les filles doivent alors correspondre à des exigences que sont celles de la « bonne épouse » et de la belle-fille qui revêtent en grande partie le rôle de la femme au foyer. Par ailleurs, les jeunes filles sont souvent sollicitées par leurs parents pour garder les frères et sœurs lorsqu’ils sont au travail ou à l’extérieur, ou pour s’acquitter des tâches domestiques. Si les grossesses précoces sont préoccupantes, elles sont aussi un moyen d’aborder des sujets tels que la santé, la prévention, la contraception et la sexualité avec les jeunes filles. Une attention particulière et bienveillante doit leur être portée sans tomber dans l’écueil de la dénonciation d’un sexisme culturel. La domination masculine traverse nombre de sociétés, y compris la société française! Néanmoins, l’école doit être un levier d’apprentissage et d’expérimentation de l’égalité entre tous et toutes. Il est nécessaire d’offrir à ces jeunes filles des mesures d’accompagnement, notamment celles qui sont de jeunes mamans. Des solutions de garde d’enfants sont nécessaires pour permettre la reprise des études ou l’insertion professionnelle. Des structures d’hébergement et de logement pour mères isolées ou mères adolescentes en grande précarité doivent être développées et proposées.
Protection de l’enfance en danger
Les enfants des bidonvilles et des squats ont un accès limité aux dispositifs de l’enfance en danger. Dans de nombreux cas, ces enfants ne sont pas évalués par les services de l’aide sociale à l’enfance malgré la transmission d’informations préoccupantes. Ils font l’objet d’un rejet totalement ancré dans ce système d’exclusion : l’absence d’intervention auprès des familles directement dans leur lieu de vie est justifiée par les expulsions régulières de ceux-ci. C’est donc une double peine qui leur est imposée, renforcée par la barrière de la langue et les préjugés vis-à-vis des Roms.
Des ordonnances de placement provisoire d’enfants sont prononcées pour réguler la présence dans l’espace public de familles en situation de vie à la rue et/ou de mendicité. L’intervention judiciaire et le concours de la force publique sont requis, sans évaluation et prise en compte de la situation sociale de la famille. Cela entraîne une rupture brutale des enfants avec leur entourage ce qui aboutit fréquemment à des fugues qui mettent l’enfant encore plus en danger. Elles renforcent l’exclusion des enfants et de leur famille. Des peines de prison ferme sont prononcées à l’encontre d’enfants contraints à commettre des délits et selon toute vraisemblance victimes de traite des êtres humains. Ignorant les indicateurs flagrants d’exploitation (taux de réitération, lucrativité des délits, mais précarité visible des enfants, surreprésentation des filles), l’État ne leur apporte pas la protection dont ils et elles ont besoin, pourtant garantie par plusieurs textes qui interdisent également la condamnation d’auteurs de délits commis sous la contrainte.
Ce manquement à l’obligation de protection de l’enfance en danger contribue à renforcer la vulnérabilité de ces enfants : la répression policière et judiciaire favorise l’emprise des exploiteurs. Les démantèlements de réseaux de traite des êtres humains et les poursuites judiciaires à l’encontre des criminels qui exploitent des enfants sont marqués par l’échec des mesures de protection à l’encontre des victimes, et l’absence de celles-ci lors des procédures pénales visant leurs exploiteurs, alors même que leurs témoignages ont contribué à la qualification des faits.
Plus d'information :
- France : L'ONU dénonce les expulsions de force systématiques de Roms (Libération - 11 septembre 2015)
- Italie : Une victoire juridique importante souligne l'incapacité des autorités à protéger les droits des Roms (Amnesty International - 17 juin 2015)
- ERRC - European Roma Rights Centre (NGO)