RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : Rapport du Secrétaire général sur la violence incessante dont les enfants ont été victimes

Le Secrétaire général des Nations Unies est “profondément troublé par l’ampleur et la nature des violations subies par les enfants” au cours de vagues successives de violence en République centrafricaine. Son troisième rapport sur la situation des enfants affectés par les conflits armés dans ce pays d’Afrique centrale décrit des violations généralisées et des actes de violence horribles commis entre janvier 2011 et décembre 2015 contre les garçons et les filles.

« En 2013 et 2014, au plus fort de la crise, les enfants ont été victimes de violations extrêmement graves commises dans un climat d’impunité totale, conséquence de l’effondrement et de la désintégration de la majorité des institutions de l’Etat”, a déclaré la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Leila Zerrougui.

Meurtres et mutilations d’enfants

L’ONU a documenté le meurtre de 333 enfants et la mutilation de 589 autres dans des attaques brutales visant les communautés à des fins de représailles ou pour d’autres motifs. Au cours de vagues successives de violences intercommunautaires alimentées et manipulées par des dirigeants politiques, les enfants ont été ciblés en raison de leur appartenance religieuse. Les Nations Unies estiment que des centaines de garçons et de filles ont été tués ou blessés à la machette, par armes à feu et d’autres types d’armes, parfois de manière extrêmement brutale.

Lors d’incidents particulièrement horribles documentés dans le rapport, des enfants ont été décapités. C’est d’ailleurs la décapitation d’un enfant, l’automne dernier, qui a déclenché une flambée de violence durant laquelle des dizaines de garçons et filles ont été tués ou blessés.

Recrutement et utilisation d’enfants

En 2014, l’UNICEF estimait qu’entre 6.000 et 10.000 enfants étaient associés à toutes les parties au conflit. Les Nations Unies ont documenté une nette augmentation, conduisant au recrutement et à l’utilisation d’enfants à grande échelle depuis la crise de 2013, plus particulièrement après la prise de pouvoir par les Séléka et la montée en puissance des milices d’auto-défense anti-Balaka.

Les enfants ont été utilisés comme combattants, esclaves sexuels, pour effectuer des pillages et dans divers rôles de soutien. Durant les pics de violence, ils ont été vus en grand nombre, associés aux groupes armés, et souvent utilisés pour ériger des barricades et garder des barrières (checkpoints). De nombreux garçons et filles ont été systématiquement brutalisés et les Nations Unies ont documenté des cas d’enfants utilisés comme boucliers humains ou pour attirer les forces internationales dans des embuscades.

Violences sexuelles

Plus de 500 cas de viols et autres formes de violences sexuelles ont été documentés par l’ONU depuis 2011. Il est estimé que les violences sexuelles ont été largement répandues en Centrafrique durant la période considérée, mais sous-documentées.

Le rapport rapporte également des cas de viol et violences sexuelles commis par des membres de forces internationales de maintien de la paix. Le Secrétaire général a récemment nommé Jane Holl Lute, dans le cadre d’une série de mesures mises en œuvre suite au rapport du Groupe d’étude externe indépendant de haut niveau sur l’exploitation et les abus sexuels par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine. Le Secrétaire général est déterminé à combler les lacunes institutionnelles, tout en assurant la prévention, la responsabilité judiciaire pour les auteurs de ces actes, ainsi que la protection et l’assistance aux victimes.

Attaques contre les écoles et les hôpitaux

Les systèmes d’éducation et de santé, déjà fragiles, ont été profondément affectés par le conflit. Des centaines de milliers d’enfants ont été privés de leurs droits fondamentaux à l’éducation et aux soins de santé de base. L’ONU a vérifié 131 cas d’écoles et d’hôpitaux pillés, brûlés, détruits ou attaqués lors d’affrontements entre les parties au conflit. Des enseignants et membres du personnel médical ont été menacés et tués. De plus, des écoles et hôpitaux ont été utilisés à des fins militaires.

Enlèvements

Les enlèvements de garçons et de filles sont une autre violation commise par toutes les parties au conflit au cours de la période considérée dans le rapport. En plus des enlèvements d’enfants commis par l’Armée de résistance du Seigneur à l’est du pays, le kidnapping d’enfants contre rançon est devenu une activité criminelle lucrative en Centrafrique depuis 2014.

Perspectives d’avenir pour améliorer la protection des enfants

La fin de la période de transition et l’élection d’un nouveau président en février constituent une opportunité pour rétablir les institutions de l’Etat, assurer le maintien de l’ordre, et construire un environnement protecteur pour les enfants. Pour éviter la répétition des violations, les nouvelles autorités élues devraient donner la priorité aux mesures visant à lutter contre l’impunité pour les violations graves contre les enfants.

Au cours des deux dernières années, plus de 5.500 garçons et filles ont été séparés des groupes armés. On estime que beaucoup d’autres enfants sont toujours dans les rangs de toutes les parties au conflit. Il est essentiel que les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration développés tiennent compte du nombre important d’enfants qui auront besoin d’assistance, ainsi que de leurs besoins spécifiques.

« J’appelle tous ceux qui sont en mesure de le faire à soutenir le processus de stabilisation et à contribuer à fournir une aide essentielle à une génération de garçons et de filles profondément affectés par les crises successives qu’a connu la Centrafrique. Cette aide doit inclure des programmes de réintégration adéquats, et donner la priorité à l’éducation et à la santé », a déclaré Leila Zerrougui.

Alors qu’un nouveau chapitre de l’histoire du pays débute, la Représentante spéciale espère que les enfants, qui représentent la majorité de la population centrafricaine, grandiront dans un pays qui protège mieux leurs droits.

 
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