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From : - “Des Enfants en prison en Palestine et dans le monde”, Médecine et Guerre Nucléaire, Volume 20, No.3 (Winter 2005) Newsletter article. Une conférence internationale sur la justice juvénile a eu lieu en juillet dernier à Bethléem, sous l’égide de l’organisation Défense des Enfants International, section Palestine. La conférence, intitulée “Les enfants derrière les barreaux: une approche fondée sur les droits de l’enfant”, a rassemblé plus d’une centaine de participants, notamment des enfants, des professionnels de la justice juvénile, des universitaires, mais aussi des représentants d’ONG locales et internationales, de gouvernements, et du Comité des droits de l’enfant. [1] Voir l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes de Riyad).
Les enfants en prison en Palestine et dans le monde
Les objectifs de la conférence de Bethléem étaient de fournir un forum international pour le partage de connaissances sur les questions liées à la détention des mineurs dans le monde, et de relancer le débat de la justice juvénile en servant de tremplin aux initiatives régionales et internationales.
Il y a actuellement plus d’un million d'enfants incarcérés dans le monde. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) et autres traités[1] stipulent clairement que l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible (CDE Art. 40). Malheureusement, ces préceptes sont rarement appliqués, et les enfants mis en détention sont bien souvent victimes de discriminations sociales et se voient souvent privés de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Il est d’abord important de rappeler que tous les enfants en détention ne sont pas nécessairement en conflit avec la loi. Dans de nombreux pays, les enfants demandeurs d’asile sont placés dans des centres de détention. Dans de nombreux pays également, les mères de famille condamnées sont emprisonnées avec leurs enfants[2]. Enfin, une grande partie des enfants vivant en prison sont des enfants des rues, incarcérés pour cette raison, notamment dans des pays comme les Philippines, le Brésil ou le Kenya. Bien que certains aient en effet commis de légers larcins, la plupart sont simplement perçus comme une menace, parce qu’ils mendient ou se déplacent en groupes, et sont ainsi arrêtés par la police et mis en prison sans même avoir enfreint la loi.
Au sujet de ces enfants qui sont en effet coupables d’avoir enfreint la loi de leur pays, Jaap Doek, Président du Comité des droits de l'enfant aux Nations Unies, a rappelé que le Comité encourage les gouvernements à mettre en place des procédures juridiques plus rapides et adaptées: l’enfant et sa famille doivent être informés immédiatement de l’arrestation de l’enfant et des ses raisons, le contact entre l’enfant et sa famille doit être maintenu à tout moment, un avocat spécialisé doit lui être attribué, etc. De plus, le Comité demande à chaque Etat signataire de la Convention d’établir un age minimum de responsabilité pénale qui ne soit pas trop bas, afin de protéger les enfants les plus jeunes, ceux qui ne peuvent pas encore être tenus responsables de leurs actions, du traumatisme de la prison. Malheureusement, dans beaucoup de pays, l’âge minimum est encore trop bas, et souvent fixé à 8 ans.
Aux problèmes liés aux conditions de l'arrestation d’enfants s’ajoutent ceux liés aux conditions de leur emprisonnement. Les enfants coupables d’enfreindre la loi, et condamnés à la prison par la suite, devraient bénéficier de mesures protectrices spéciales en raison de leur vulnérabilité, car les enfants sont des êtres humains en développement. En effet, détenir les enfants en prison ou dans d'autres établissements affecte leur développement physique, mental et émotionnel. De plus, ils risquent de ne recevoir ni les soins médicaux ni l'éducation nécessaires à leur développement. Dans les cas extrêmes, ils sont même soumis à des violences physiques ou psychologiques, exercées par la police et le personnel de prison.
Le problème des enfants palestiniens illustre ces questions et fut mentionné à plusieurs reprises lors de la Conférence. En Israël et dans les Territoires palestiniens, il existe une distorsion importante entre la loi et la pratique. Israël a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, mais n’applique pas les mêmes principes de protection de l’enfant en Israël et dans les territoires occupés. En ce qui concerne l’arrestation et les conditions de détention de mineurs palestiniens, les autorités israéliennes sont loin de respecter les standards internationaux de justice juvénile.
Depuis la première intifada, Israël pratique une politique d’arrestations massives et arbitraires pour combattre la ‘menace terroriste’. Au nom de la sécurité nationale, les droits humains, civils et politiques de la population palestinienne ont donc été redéfinis, et l’autorité palestinienne n’a ni le pouvoir, ni le support de la communauté internationale nécessaires pour protéger les droits de sa population. Dans cette logique, la plupart des enfants palestiniens sont perçus comme une menace, et arrêtés à une ou plusieurs reprises pendant leur adolescence. Depuis le début de la deuxième intifada en septembre 2000, plus de 2500 enfants palestiniens ont été arrêtés. Selon DCI Palestine, plus de 300 enfants sont actuellement enfermés dans des prisons israéliennes, environ 80% ont moins de 16 ans, et les plus jeunes sont âgés de 9 ans.
Les enfants et adolescents palestiniens sont souvent arrêtés sans inculpation officielle, et détenus pendant de longues périodes sans accusation, et sans représentation légale. Pour un bon nombre d’entre eux, lancer des pierres vers les chars israéliens constitue leur seul crime; les autres sont arrêtés simplement parce qu’ils sont palestiniens, ou parce qu’ils prennent la place d’un frère ou d’un père que les soldats n’ont pas pu trouver. Les arrestations se passent la nuit, au domicile même de l’enfant et devant sa famille. Il/elle est ensuite conduit vers des bases militaires ou des prisons éloignées, les mains attachées avec des menottes et un bandeau sur les yeux. Cette tactique appuie une politique d’intimidation constante de la population.
Une fois en détention, les prisonniers palestiniens non seulement se voient souvent refuser l’accès aux soins médicaux et à l’éducation dont ils ont besoin, mais aussi subissent tous de longs interrogatoires souvent accompagnés de torture physique: maintien de menottes trop serrées pendant de longues périodes, coups administrés arbitrairement lorsque le prisonnier porte un bandeau sur les yeux, privation de nourriture, privation de sommeil, ou privation de vêtements, insultes et menaces, humiliation, etc. Ce genre de torture représente l’intention de l’Etat d’Israël d’affaiblir la volonté de la population palestinienne et de réduire le potentiel de résistance à l’occupation.
La situation des enfants en détention dans les prisons israéliennes et dans le monde est en train de s’aggraver. Leur nombre augmente, mais leur sort ne constitue pas une priorité pour la communauté internationale. De plus, les faits et les statistiques sont extrêmement difficiles à obtenir. Les normes légales internationales sont en place, mais leur mise en pratique laisse à désirer et la volonté des gouvernements est encore trop faible. Cette passivité transforme le système international des droits de l’homme en un système à double standard, qui protège les droits de certains groupes et ignore ceux des plus vulnérables.