Problème de recherche
Contexte
Le travail des enfants constitue un des problèmes les plus importants auquel sont confrontés les pays en développement de la région andine. De façon précise, les activités minières non structurées figurent parmi les types de travail les plus dangereux et, malheureusement, impliquent souvent des enfants. En outre, les travaux miniers exécutés dans des conditions précaires qui posent d’énormes risques à la santé et à la vie représentent une entrave majeure au développement des communautés minières.
L’importance de l’industrie minière en Bolivie a stimulé l’exploitation constante des peuples indigènes, y compris les enfants. Les niveaux élevés de production minière s’opposent nettement aux conditions dégénératives des mineurs et de leur famille, dont bon nombre n’ont pas accès à des services de base. Bien que les lois actuelles interdisent tous les types de travaux qui pourraient menacer la vie et la dignité des enfants, en réalité, la loi a peut de répercussions sur le travail des enfants dans les mines.
Actuellement, le secteur minier emploie un nombre important d’enfants qui doivent entreprendre des responsabilités financières défavorables qui nuisent à leur développement physique et psychologique. Selon les données du Bolivian National Child Labour Eradication National Plan, environ 800 000 enfants et adolescents travaillent; près de 12 000 de ceux-ci travaillent pour des organisations qui ne respectent pas leurs droits fondamentaux. De plus, quelque 90 p. 100 de tous les enfants mineurs gagnent un salaire de 4 bolivars (environ 0,50 $US par jour).
Cette étude s’est penchée sur deux régions minières de la Bolivie (Chima y Chuquini et Huanuni) où les enfants sont fréquemment impliqués dans les activités minières. Les enfants ont participé activement à la recherche en fournissant un aperçu intime (émique) du travail qu’ils doivent exécuter et de la façon dont ce travail façonne leur rôle au sein de la société. La perception des enfants constitue donc la source principale des données et de l’analyse.
Objectifs de la recherche
L’objectif global de la recherche était de cerner et d’expliquer les facteurs qui contribuent au travail des enfants. L’étude cherchait également à contribuer à l’orientation de programmes, de plans et de projets éventuels qui visent la transformation des conditions de travail des enfants. Les objectifs précis étaient les suivants : a) améliorer les analyses multidimensionnelles et qualitatives pour accroître notre connaissance des facteurs sociaux, politiques, économiques et culturelles qui provoquent le travail des enfants dans les mines, b) démontrer la capacité des enfants à contribuer à l’analyse de la situations ainsi qu’aux solutions éventuelles, c) améliorer les politiques et débats sur les programmes ainsi que leur élaboration en ce qui concerne la protection des enfants qui travaillent en mettant en valeur sur le point de vue des enfants et d) améliorer les critères pour les décisionnaires, y compris les représentants de l’État et les organismes qui promeuvent le développement des familles minières.
Méthodologie
Des entrevues auprès des enfants ont été menées en août 2005 et ont duré plusieurs mois. Trente enfants de la région de Chima y Chuquini ont été interrogés et cinquante enfants de la région de Huanuni. En outre, un questionnaire a été utilisé pour obtenir des renseignements de 63 enfants qui travaillent actuellement comme barranquilleros[1]. Le questionnaire visait à obtenir : (i) le sexe et l’âge des enfants, (ii) leur niveau de scolarité, (iii) les tâches qu’ils exécutent et le temps qu’ils y consacrent, (iv) leur revenu, (v) leur situation familiale, (vi) ce qu’ils pensent de leur travail et de leur famille et (vii) leur opinion par rapport à l’interdiction du travail des enfants. En tout, 45 garçons et 18 filles de Huanuni, de Chima et de Chuquini ont répondu au questionnaire et au narratif sur leur vie. Des efforts particuliers ont été déployés pour obtenir la perspective et les commentaires des enfants. L’équipe de recherche a utilisé des jeux et des suivis psychologiques pour aider les enfants à exprimer leurs sentiments lorsque les discussions s’avéraient difficiles. Conséquemment, les activités se sont déroulées dans une atmosphère détendue et paisible.
La méthode de recherche d’évaluation rapide décrite dans les lignes directrices méthodologiques de l’OIT et de l’UNICEF constitue une façon adéquate de recueillir une abondance de données. Sa force principale réside dans l’analyse détaillée de la vie des travailleurs et des événements quotidiens des divers types de main-d’œuvre. Les techniques suivantes sont utilisées dans l’évaluation rapide : les questionnaires, les entrevues et les discussions; l’information secondaire et l’observation participante.
Afin d’assurer une approche réellement participative, les enfants ont contribué à la collecte des données, à la préparation des questionnaires et à la vérification des données obtenues. Certains enfants ont participé aux présentations officielles des résultats de l’évaluation rapide en fournissant leurs histoires personnelles. Ils ont agit à titre de porte-parole pour leurs pairs et ont présenté les résultats au public. La rencontre s’est terminée par un petit déjeuner-réunion avec les ministres du Travail, de l’Éducation et des Mines. L’implication des enfants comme membres de l’équipe d’entrevue s’est avérée très efficace.
Résultats
Résultats de la région de Chima y Chuquini
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Tous les garçons et les filles sont des barranquilleros et oeuvrent au sein du secteur non structuré.
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La majorité des enfants travaillent entre 4 à 8 heures par jour et on leur accorde une demie heure ou une heure de pause.
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Quelque 93 p. 100 des enfants vivent avec les deux parents. En outre, 67 p. 100 ont déjà acquis entre 3 à 5 ans d’expérience de travail. En tenant compte du fait que les enfants questionnés avaient entre 10 à 12 ans, la majorité d’entre eux ont vraisemblablement commencé à travailler vers 7 ans.
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Environ 71 p. 100 des parents sont des mineurs qui travaillent 8 heures ou plus par jour.
Résultats de la région de Huanuni
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La moitié des enfants interrogés dans cette région affirment travailler 7 à 8 heures par jour. De plus, tous les enfants sont d’avis que leur travail est dangereux.
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Près de 96 p. 100 disent avoir entre 15 minutes à une demie heure de pause.
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Près de 80 p. 100 des enfants disent dormir entre 7 à 8 heures par jour.
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Environ 48 p. 100 des enfants vivent avec leurs deux parents et 68 p. 100 ont de 2 à 4 années d’expérience de travail.
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La majorité des enfants travaillent à l’intérieur des mines et utilisent des masses, des ciseaux, des perceuses, des sacs et des sacs en plastique.
Travail dans les mines
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Les enfants ont commencé à travailler comme barranquilleros à l’âge de 5 ou 6 ans. Le fait que les parents n’ont pas assez d’argent pour subvenir aux besoins de la famille constitue la raison principale pour laquelle les enfants doivent travailler.
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Les enfants travaillent généralement jusqu’à ce qu’ils obtiennent un palo d’or. Un palo a le poids d’une allumette (un dixième de gramme). Sa valeur approximative est d’un dollar américain.
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Les heures de travail sont de 6 à 8 heures par jour, sept jours semaine.
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Les enfants qui travaillent dans les mines clandestinement n’ont aucun équipement de sécurité. Ils portent des masques de ski, des foulards et des vieux vêtements.
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Afin d’atteindre les berges pour fouiller pour des particules d’or et de cobalt, les enfants doivent marcher de 15 à 20 minutes. Les enfants doivent porter leurs outils à travers des sentiers étroits, ce qui les épuise en bout de ligne.
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Les enfants accordent plus d’importance à leurs outils qu’à leur sécurité.
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Les gardes qui contrôlent l’entrée des mines vérifient souvent les jeunes travailleurs et leur équipement. Or, une fois qu’ils sont dans la mine, les travailleurs abandonnent leur équipement de sécurité pour être en mesure de se déplacer plus facilement dans les galeries étroite de la mine.
Santé et éducation
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Presque tous les enfants qui travaillent vont également à l’école. Or, presque tous les enfants qui travaillent affichent du retard pour leur âge.
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En ce qui a trait à leurs rêves, les enfants affirment que leur plus grand désir est de terminer l’école, d’avoir une carrière et de devenir médecin, enseignant ou policier. Ils espèrent gagner assez d’argent pour acheter autant de nourriture qu’ils le veulent et ne plus devoir travailler.
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La majorité des enfants qui travaillent à l’intérieur des mines quittent éventuellement l’école parce qu’ils n’ont pas assez de temps à consacrer à leurs études.
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Les enfants sont conscients des divers risques qui les menacent au travail. Néanmoins, ils croient qu’ils doivent travailler pour survivre.
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Bien qu’il y ait des services sanitaires, les enfants malades n’y ont pas accès parce qu’ils ne peuvent payer ni pour la consultation ni pour les médicaments. En général, ils utilisent des remèdes maison, comme les tisanes.
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Les enfants mineurs reçoivent moins d’oxygène et sont exposés à des gaz toxiques, ce qui a des répercussions sur leur santé, surtout sur leur système nerveux.
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Les enfants tentent de réduire les douleurs et la fatigue qui découlent de leur travail en mâchant des feuilles de coca. Aucun des enfants interrogés n’avaient vu de médecin en raison du manque d’argent. Ils choisissent d’ignorer la douleur.
Environnement familial
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Les enfants qui travaillent dans les mines préfèrent ne pas parler de leur situation familiale.
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Certains affirment ne pas avoir de vraie famille. Ils disent être invisibles aux membres de leur famille, bien qu’ils vivent tous sous le même toit.
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La famille moyenne comporte 7 membres. Certaines familles comportent jusqu’à 10 membres. Dans certains foyers, les enfants de 16 à 18 ans ont commencé leur propre famille.
Recommandations/leçons retenues
Recommandations des enfants
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Les enfants devraient avoir le droit d’avoir un prénom et un nom, celui de la mère et du père.
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Les enfants devraient avoir le droit de jouer dehors au moins une demie heure.
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Les enfants devraient être élevés par leurs parents et devraient avoir accès à l’école et à l’enseignement.
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Les enfants devraient informer leurs parents des questions de protection des droits de l’enfant.
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Les enfants devraient appuyer les enseignants dans le processus d’éducation.
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Les enfants de moins de 18 ans ne devraient pas travailler dans les mines, puisqu’il s’agit d’un travail très dangereux pour les jeunes enfants. Le gouvernement doit s’assurer que cette politique est respectée.
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Les enfants ne doivent pas être punis s’ils travaillent dans les mines ou à la berge parce qu’ils doivent aider leur famille et n’ont pas beaucoup d’occasion d’emploi.
Recommandations de l’équipe de recherche
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Bien qu’il soit difficile de mettre fin aux structures et aux relations traditionnelles qui découlent de la pauvreté dans le secteur minier, il est impératif de continuer à miser sur les valeurs de tous les segments de population. Il est particulièrement important de faire valoir des changements « culturels » au travail des enfants par rapport aux enfants, leur famille et les autres intervenants. Conséquemment, il faut prévoir et concevoir une stratégie organisationnelle conjointe qui favorise la capacité des enfants mineurs à changer leur avenir.
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Il est important de diffuser les résultats de la recherche au moyen d’ateliers et de réunions qui permettent aux enfants et à toute la communauté de participer au processus de diffusion.
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On doit permettre aux enfants d’être les leaders de leur développement, en respectant leurs suggestions pour régler les problèmes et en exigeant que leurs droits soient respectés.
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Bien qu’il ait été possible de rallier les enfants et d’autres groupes en vue d’un objectif commun, il faut assurer un suivi et consolider tous les aspects du processus.
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Il a été nécessaire de regrouper le travail de Chima, de Chuquini et de Huanuni afin d’établir une ligne de base pour d’autres études. Si c’est possible, l’étude devrait être menée auprès d’autres communautés confrontées aux mêmes problèmes.
Répercussions de la recherche
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La première activité a été coordonnée avec l’ombudsman de la Bolivie, qui a participé à la réunion-petit déjeuner avec les enfants. Dans le cadre de cette réunion, le rapport final de l’étude, y compris les objectifs, les conclusions et les recommandations, a été présenté.
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Initialement, les organismes privés affirmaient que la responsabilité entière de protéger les droits des enfants relevait uniquement de l’État. Cette perspective a cependant changé une fois que le processus de diffusion a été entamé.
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Les activités suivantes ont eu lieu dans les régions de Chima, Chuquini et Huanuni :
(i) Ateliers de diffusion avec les enfants, les familles, les employeurs et les mineurs.
(ii) Diffusion des résultats préliminaires aux enfants, aux parents, aux enseignants, aux employeurs et aux représentants gouvernementaux pour promouvoir la participation active des enfants à l’analyse de la situation.
(iii) Séances d’information avec les enfants, les parents, les enseignants, les employeurs et les représentants gouvernementaux.
(iv) Production et distribution de brochures contenant des renseignements sur les droits des enfants.
(v) Production et diffusion de messages télévisuels sur les chaînes locales pour fournir des renseignements sur les droits des enfants.
(vi) Organisation d’évènements publics où des affiches, des journaux, des photos, des vidéos et autres matériaux de diffusion ont été exposés.
(vii) Activités organisées conjointement avec les écoles et d’autres organismes pour sensibiliser le public au travail des enfants.
- Un CD interactif a été produit qui comprend des renseignements à l’égard des résultats de l’étude.
- Une affiche sur les droits des enfants a été distribuée dans les communautés où l’étude a été menée, ainsi qu’à l’échelle du pays.
[1] Barranquillero décrit une personne qui utilise un petit plateau pour filtrer le sol des rivières afin de trouver des particules d’or. Les enfants sont souvent affectés à cette tâche.