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Éditorial Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population du monde vit aujourd’hui en ville. Partout dans le monde, des nouvelles villes s’étendent, de l’Amérique Latine, l’Afrique et l’Asie du Sud à la Chine qui représente l’épicentre de la croissance urbaine actuelle. Ces nouvelles agglomérations présentent un visage de plus en plus jeune: d’après les Nations unies, 60 pour cent des enfants du monde en développement vivront en milieu urbain d’ici 2025. Les villes luttent cependant pour faire face à l’afflux des populations attirées par la promesse d’un travail, de meilleures perspectives d’existence, d’un style de vie urbain, ainsi que par la nécessité de fuir les conflits, la pauvreté rurale ou la destruction de leur environnement. Chaque jour, plus de 180 000 personnes en provenance des campagnes affluent vers les zones urbaines, s’ajoutant à une population citadine déjà en pleine croissance. Il en résulte que les services de base pour enfants sont souvent trop sollicités ou inexistants, tandis que la pollution atmosphérique et d’autres formes de dommage écologique menacent la santé des enfants, s’ajoutant à l’exploitation et à la violence auxquelles les enfants sont souvent exposés. Au cours des deux prochaines décennies, la grande partie de la croissance urbaine mondiale – 95% – sera absorbée par les villes du monde en dédeloppement. Quel est le prix que les enfants doivent payer aujourd’hui pour la rapidité de croissance urbaine? Que peut nous apprendre l’expérience du monde occidental, déjà urbanisé, concernant la réalisation des droits de l’enfant dans un cadre urbain? Et, surtout, quelles opportunités peuvent être offertes par cette “seconde vague” de croissance urbaine en vue de la protection des enfants et de l’accomplissement de leurs droits? Le présent numéro de CRIN se penche l’impact de l’urbanisation ainsi que l’effet de la taille et de la croissance des villes sur les droits de l’enfant. Comme le rappelle ce numéro, les villes constituent des foyers à risque pour les enfants dès que les espaces verts sont remplacés par des bidonvilles en pleine extension, où la ségrégation et les violences font partie du quotidien, réservant une existence précaire à des millions d’enfants de rue et autres enfants obligés de travailler. Mais ces zones urbaines ont aussi leurs bons côtés, car pour de nombreux parents, elles offrent la promesse de meilleures opportunités et d’une vie meilleure pour leurs enfants. Comme l’accès à l’information y est plus facile, les enfants sont mieux en mesure de connaître leurs droits fondamentaux. Parallèlement, certains équipements de base et structures de soutiensont plus facile d’accès. La concentration du nombre d’enfants en milieu urbain leur permet également de s’organiser plus facilement, et aussi de revendiquer leurs droits à bénéficier de services, à participer aux décisions, et à être protégé de la violence. “Le droit des enfants à la ville” analyse les obstacles à l’accomplissement des droits de l’enfant dans certaines grandes agglomérations du monde. Cet article présente des méthodes de travail, des leçons à retenir, ainsi que des outils pratiques, fiches d’information et études de cas visant à faire progresser les droits de l’enfant en milieu urbain. Explorant les questions touchant aux droits de l’enfant, notamment la violence, la pauvreté, la participation et la diversité sous la loupe de l’urbanisation, ce numéro propose une autre manière de concevoir droits de l’enfant en général, et souligne la nécessité d’une réflexion prospective sur la manière dont des processus globaux, tels que l’urbanisation, affecteront les droits de l’enfant au niveau local. Ouvrant le débat par un article d’actualité sur les Jeux Olympiques de Beijing, Deanna Fowler et Mayra Gómez étudient les violations, par les pouvoirs publics chinois, du droit au logement de l’enfant dans le cadre des préparatifs des Jeux. Les auteurs de l’article invitent les organisateurs d’événements internationaux de ce type à honorer leurs obligations à protéger les droits humains et à ne pas se dessaisir de cette tâche comme s’ils n’étaient que de simples spectateurs. Une autre rubrique de l’actualité récente fut la hausse mondiale des prix alimentaires, qui a déclenché des émeutes à travers le monde. Alors que cette hausse affecte différentes populations de diverses façons, Michael O’Donnell explique pourquoi elle frappe plus particulièrement les enfants des villes et réfléchit à la réponse que les organisations humanitaires doivent donner pour endiguer la crise. D’autre part, nous assistons aussi à une crise mondiale moins évidente: celle d’une multiplication des accidents de la route, lesquels constituent la cause majeure de mortalité parmi les 10-19 ans. Selon Tamitza Toroyan et Margie Peden, il existe déjà des moyens pour freiner cette tendance, mais il faudra encore du temps et des ressources pour que l’on commence à penser différemment. Depuis peu, les villes “écologiques”, où les voitures et la pollution sont tenues à l’écart et où l’être humain et l’environnement occupent le devant de la scène, sont un sujet de discussion en vue parmi les administrations locales et nationales, mais que dire de villes accueillante pour les enfants? Francesca Moneti montre comment un nombre croissant de villes participent au mouvement pour placer l’enfant au centre de la cité, et dresse une liste de bonnes pratiques. Dans son article sur l’Afrique australe, Christopher Bjornestad soutient que les enfants migrants non accompagnés sont souvent exposés à un risque plus grand quand ils se trouvent dans les petites villes et implantations que quand ils vivent dans grandes agglomérations. Les enfants en déplacement forcé courent de nombreux risques. Dans son récent travail de recherche, la Women’s Commission for Refugee Women and Children (Commission de femmes pour les Femmes et Enfants réfugiés) pèse le pour et le contre de l’hébergement de jeunes handicapés dans un camp de réfugiés par opposition à leur dispersion dans une grande ville. L’urbanisation des pays industrialisés est un phénomène ancien, mais de nombreux défis pour les droits de l’enfant sont encore à réaliser. Des jeunes de villes norvégiennes ont milité pour les droits des enfants handicapés en faisant le classement des magasins et des restaurants en fonction de leur accessibilité. Ce classement n’a pas manqué de contrarier certaines personnes, mais les gérants des établissements visés ont été obligés d’écouter les activistes et d’entreprendre des changements durables, explique Mari Sognnaes Andresen. Alex Gask et Charlotte Stetzel dénonce le degré de discrimination auquel les jeunes doivent faire face dans les espaces publics en Grande-Bretagne, où le simple fait de se réunir avec des amis peut constituer un délit. Satya Panigrahi, l’un des “maires de jeunesse” londoniens, raconte une histoire pleine d’espoir sur la manière d’impliquer les jeunes dans la politique locale, de faire disparaître les perceptions négatives dont ils font l’objet, et de leur permettre de lancer leurs propres projets communautaires. Au Japon, une vie laborieuse est imposée très tôt à de nombreux enfants vivant en ville, qui subissent la pression de devoir étudier jour et nuit afin de remplir les attentes de leurs parents et de la société. Noriko Kajiki raconte à quel point cette circonstance affecte leurs loisirs et leur bonheur. Le Japon abrite certes la ville la plus peuplée du monde, mais c’est à la bande de Gaza que revient un des records mondiaux de densité démographique, avec 3117 habitants par kilomètre carré. Et pourtant, les habitants de la région, pris au piège par l’occupation militaire israélienne, vivent dans ce qui peut être comparé à une prison de béton. Ahmed Abu Tawahina évoque les effets, sur la santé mentale, d’une vie en état de siège perpétuel et relate son expérience concernant la formation de communautés afin de limiter les dégâts. Les villes du Brésil et de Jamaïque sont connues pour leur passé de violence urbaine. Dans son article sur Sao Paolo, Paula Miraglia montre comment la ségrégation géographique renforce l’exclusion et la violence à l’encontre des jeunes marginalisés. Rose Robinson Hall, Horace Levy et Peta-Anne Baker ont réfléchi sur les origines de la violence dont les enfants jamaïcains sont à la fois les auteurs et les victimes. Ils parlers de leurs efforts pour rétablir une société fondée sur le droit et le respect. Enfin, Sharmila Bhagat raconte comment des enfants de Delhi se sont tournés vers l’écriture et vers les nouvelles technologies afin de partager leurs expériences locales avec le reste du monde. Jennifer Thomas