Soumis par Louise le
Ce rapport, très détaillé, fait suite à une visite du Défenseur des droits à Calais à l’été dernier et dénonce des conditions d’hygiène terribles, un manque d’accès à la santé, à l’assistance juridique, à l’éducation, le manque cruel d’hébergement pour les familles avec enfants (et notamment l’absence totale de dispositif pour les enfants accompagnant leur père), ainsi qu’un harcèlement policier constant. Selon France Terre d’Asile, les mineurs isolés représenteraient 5 à 10% de la population des campements.
Le Défenseur des droits appelle le gouvernement à considérer le sort des enfants présents à Calais et dans les campements de migrants avoisinants comme une priorité. Il est impératif que les pouvoirs publics tirent les conséquences immédiates des conditions dans lesquelles vivent ces enfants et adoptent en urgence des mesures appropriées afin d’assurer leur protection et de leur permettre d’évoluer selon leur âge et leurs besoins, conformément aux dispositions, tant de la convention relative aux droits de l’enfant, que du droit interne.
Le Défenseur des droits recommande l’augmentation des capacités d’hébergement et la création de dispositifs spécifiques permettant, d’une part, un accueil des jeunes filles isolées de 16 à 18 ans, et d’autre part, des enfants accompagnant leur père.
Le Défenseur des droits demande que le Préfet du Pas-Calais et le maire de Calais assument les responsabilités qui leur incombent en vertu de l’obligation scolaire et dressent, conformément à l’article L.131- 6 du code de l’éducation, la liste de tous les enfants du bidonville de Calais relevant de cette obligation et veillent à ce que ces enfants soient scolarisés. Il recommande en outre que des moyens financiers, matériels et humains soient alloués à la mise en œuvre d’un véritable accompagnement des enfants migrants de Calais, de manière à ce qu’ils puissent, malgré la dureté de leur quotidien, se développer comme des enfants de leur âge.
Le Défenseur des droits recommande qu’une attention particulière soit portée à la situation des demandeurs d’asile accompagnés d’enfants, notamment lorsque ces derniers sont très jeunes. La vulnérabilité de ces enfants nécessite que l’enregistrement de la demande d’asile de leurs parents et leur orientation vers une solution d’hébergement soient effectués avec la plus grande diligence.
Le Défenseur des droits recommande que des moyens soient alloués au renforcement de l’accès au droit des mineurs, de sorte que ceux-ci puissent recevoir une information complète sur les différents dispositifs juridiques qui s’offrent à eux, dans la perspective d’une stabilisation en France mais également d’un départ vers l’Angleterre, ainsi que, le cas échéant, un accompagnement juridique dans les démarches engagées pour ce faire.
Le Défenseur des droits recommande également que soit proposée une solution alternative pour les jeunes ne souhaitant pas s’éloigner de Calais. L’ouverture d’un centre d’hébergement et d’un accueil de jour, également ouvert aux jeunes de moins de quinze ans, à proximité du campement de migrants de Calais permettrait leur mise à l’abri mais aussi le repérage des situations de particulière vulnérabilité (emprise des passeurs, risques de traite et de prostitution). Ce centre pourrait également permettre d’entrer en contact avec des jeunes désirant une protection plus pérenne et acceptant de s’éloigner pour intégrer le dispositif créé à Saint-Omer.
Le Défenseur des droits rappelle à l’ensemble des acteurs concernés que l’acte d’état civil produit par un jeune à l’appui de sa minorité doit être regardé comme un élément probant en sa faveur, dès lors que ce document n’a pas fait l’objet d’une expertise documentaire concluant à son absence d’authenticité ou à son caractère frauduleux. Il précise qu’en aucun cas, une évaluation sociale ne saurait primer sur un acte d’état civil non contesté et attestant de la minorité de l’intéressé.
Considérant d’une part le faible taux de jeunes faisant effectivement l’objet d’une ordonnance de placement après avoir émis le souhait de se stabiliser en France (moins de la moitié) et, d’autre part, l’importance conférée par le parquet à l’évaluation de la minorité pratiquée par l’association «France Terre d’asile» (fondement unique de la décision de classement sans suite dans la quasi-totalité des cas), et cela alors même qu’il n’existe aucun moyen de mesurer la fiabilité de telles évaluations, le Défenseur des droits estime qu’il est absolument essentiel de garantir aux jeunes évalués majeurs un accès effectif au juge.
A cet égard, le Défenseur des droits réitère les recommandations de sa décision n°2014-127 du 29 aout 2014 par laquelle il recommandait que «tout jeune évalué majeur se voit remettre une copie de son évaluation ainsi qu’une décision de non admission au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance, mentionnant les voies de recours administratives et judiciaires, ainsi qu’une notice explicative d’accès aux droits. A cette occasion il est indispensable que le jeune reçoive une information, dans une langue qu’il comprend, sur la possibilité de se faire accompagner par un avocat dans les procédures qu’il pourrait souhaiter engager contre cette décision (saisine du juge des enfants, saisine du tribunal administratif).»
Le Défenseur des droits recommande la saisine systématique du juge des tutelles pour tous les mineurs isolés étrangers faisant l’objet d’une prise en charge sur le territoire français.
Plus d'information : édition
- CRINmail 154 : Édition consacrée à la crise des réfugiés en Europe
- Campagne de CRIN sur le sujet
- Tribune de médecins dans le Monde