Soumis par crinadmin le
[Londres, le 24 novembre 2009] - Les enfants se heurtent à un éventail déroutant d’âges minimums auxquels ils sont estimés capables de prendre eux-mêmes des décisions – certaines pouvant transformer leur vie. L’âge auquel les enfants peuvent donner leur avis au sujet d’un traitement médical par exemple, ou l’âge auquel ils peuvent se marier, voter, choisir ou rejeter une croyance ou une foi religieuse, varie considérablement selon les cultures, voire au sein d’une même culture. L’âge légal peut refléter ou pas ce dont les enfants eux-mêmes s’estiment capables. Ces limites d’âge sont fondées sur deux hypothèses principales faites par les adultes : la première est que les enfants n’ont pas la capacité d’assumer la responsabilité de nombreuses décisions concernant leur vie et doivent donc être protégés des conséquences de mauvaises décisions ; la seconde est que les limites d’âge sont un moyen rudimentaire mais simple d’obtenir cette protection – même si certains enfants peuvent devenir compétents avant l’âge et d’autres plus tard. Mais des limites d’âge strictes sont-elles le meilleur moyen de déterminer les capacités des enfants ? Les approches basées sur l’âge reposent fortement sur la façon dont les adultes perçoivent les capacités des enfants. Dans certaines sociétés, les enfants prennent des responsabilités décisionnelles qui seraient exceptionnelles ailleurs ; d’autres sociétés protègent les enfants à tel point qu’ils ont peu de possibilités de prendre des décisions indépendantes. Alors quelles sont les alternatives ? Le concept de « développement des capacités », tel qu’il est présenté dans l’article 5 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE), aborde ces dilemmes en introduisant l’idée que les enfants devraient pouvoir exercer leurs droits dès qu’ils acquièrent les capacités de le faire, et non pas quand ils atteignent un certain âge. Cela oblige les parents ou les tuteurs à guider les enfants judicieusement et à respecter la mesure selon laquelle ils peuvent exercer eux-mêmes leurs droits. Ce numéro de la Revue explore ce que signifie le développement des capacités dans la pratique. Il examine : le rôle de l’âge pour déterminer les capacités ; les autres facteurs qui contribuent au développement des capacités des enfants ; des exemples où la participation des enfants aux décisions est basée sur leurs capacités et comment celles-ci peuvent être testées ; comment trouver un équilibre entre le respect de l’autonomie des enfants et leur droit à la protection ; et comment, quand et dans quelle mesure les parents ou tuteurs doivent soutenir et encourager les enfants à exercer leurs droits. La Revue soulève des questions, notamment dans des domaines controversés des droits de l’enfant. Certains problèmes sont relativement simples et incontestés – par exemple, il est manifeste qu’un enfant ne doit pas prendre part à un conflit armé en tant que combattant – tandis que ceux concernant l’âge minimum de la responsabilité criminelle, par exemple, sont beaucoup plus difficiles à résoudre. Le point de départ doit être le respect des droits et le développement des capacités des enfants. Il est vrai, bien entendu, que les adultes qui ont à charge de très jeunes enfants doivent prendre un grand nombre de décisions les concernant. Mais au fur et à mesure que les enfants grandissent, il est important que les adultes saisissent chaque opportunité de les encourager à aborder, à partager puis à prendre eux-mêmes les décisions qui concernent leur vie. Faire participer les enfants est essentiel pour les encourager et les préparer à exercer leurs propres droits. Gerison Lansdown ouvre la Revue en présentant le concept de développement des capacités. Prinslean Mahery pèse le pour et le contre de différentes approches juridiques du droit des enfants de consentir à un traitement médical et explique comment l’Afrique du Sud a abordé le problème. Dans une étude de cas connexe, Alejandra Portatadino, une militante argentine des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, évoque son travail dans une affaire dans laquelle un tribunal a accordé à une personne de 17 ans le droit de subir une opération de réassignation sexuelle, et nous permet de mieux comprendre la vie des enfants et des jeunes transsexuels et les décisions auxquelles ils font face. Elle fait des recommandations aux enfants, à leurs parents et aux militants confrontés à des situations similaires. Respecter les droits de l’enfant ne diminue pas le rôle des parents dans la vie des enfants mais souligne le besoin des parents de tenir compte de l’opinion des enfants lorsqu’ils prennent des décisions qui les concernent. Un dossier d’information sur la promotion des droits de l’enfant au sein de la famille présente les avantages pour tous de faire participer les enfants aux décisions qui ont trait à la famille. L’enfance couvre une période très étendue et de ce fait comprend un large éventail d’aptitudes, de besoins et de droits. Rodolfo Albán Guevara révèle comment, par le biais d’une nouvelle convention progressiste, les pays ibéro-américains abordent les droits des enfants plus âgés. Bob Franklin soutient que les enfants devraient avoir des droits civiques, comme tout le monde, et que les exclure des décisions politiques uniquement en raison de leur âge est discriminatoire. La liberté de religion et de croyance des adultes est toujours étroitement circonscrite dans de nombreuses parties du monde et il n’est donc pas surprenant que les enfants se heurtent à des obstacles particuliers dans ce domaine. Asma Jahangir donne quelques indications et explique comment les enfants pourraient être aidés pour faire des choix informés. Hossam Bahgat décrit les progrès qu’un litige stratégique entraîne pour la liberté de religion en Égypte, tandis que Felix Corley met en relief l’opposition croissante envers la participation des enfants aux activités religieuses dans les États d’Asie centrale. Les débats sur l’âge de la responsabilité criminelle sont controversés, même au sein de la communauté des droits de l’enfant. À une époque où un grand nombre de pays abaissent l’âge minimum de la responsabilité criminelle, nous demandons à Thandanani Ndlovu, qui a une expérience personnelle du système juridique, son opinion sur le débat. Sabrina Cajoly dévoile les plans du Conseil de l’Europe pour répondre aux préoccupations sur la justice sommaire par le biais de nouvelles consignes visant à rendre les systèmes judiciaires mieux adaptés aux enfants. De jeunes handicapés en Sierra Leone, John Conteh, Saidu Thoronka et Mariatu Bangura, insistent sur le fait que le seul moyen d’en savoir plus sur la vie et les capacités des jeunes est de les interroger. Ces jeunes apprécient le soutien qu’ils reçoivent mais ils sont frustrés par l’attitude surprotectrice des adultes qui, selon eux, les exclut des activités et des décisions auxquelles ils sont parfaitement capables de prendre part. Gillian Calvert offre des preuves de discrimination fondée sur l’âge en Australie qui, paradoxalement, possède la législation la plus avancée au monde pour protéger les enfants de la discrimination sur l’âge. Elle explique que, malheureusement, cette législation ne s’applique pas au marché du travail où, pour un travail égal, les jeunes perçoivent des salaires moindres que ceux des adultes. Angela Melchiorre fournit une liste de contrôle des choses à ne pas oublier dans la détermination de l’âge minimum du mariage. Husnia Al-Kadri met en garde contre les dommages qu’elle a observés dans sa campagne contre le mariage précoce au Yémen, dommages causés par les énormes responsabilités prises trop tôt par les jeunes. Une étude effectuée par Save the Children en Afrique sub-saharienne, permet de mieux comprendre la vie des jeunes aidants, qui eux-aussi, ont été plongés dans un monde adulte à un jeune âge. Bien qu’ils fassent preuve d’énormes capacités pour prendre d’importantes décisions et pour soutenir leur ménage, des stratégies doivent être trouvées pour atténuer tous dommages causés. Dans le dernier numéro de la Revue, nous décrivions comment le droit de liberté d’association des enfants était amoindri au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. Suite à cet article, Ankie Vandekerckhove explique la prise de position de la Belgique.