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Summary: La prise de plusieurs villes clés par les rebelles en République centrafricaine (RCA) a aggravé la situation humanitaire, pourtant déjà extrêmement précaire après des années de conflit armé. L’accès aux populations dans le besoin est nettement plus limité et les effectifs humanitaires sur le terrain ont été réduits.
[Le 6 janvier 2013] - Les rebelles — regroupés au sein de la coalition « Seleka » — ont réussi à progresser jusqu’à 160 km de la capitale, Bangui, sans rencontrer de forte opposition de la part des forces gouvernementales. Cela souligne l’absence criant d’infrastructures publiques dans une grande partie du pays. Dans de nombreuses régions, les services de santé élémentaires et d’éducation sont inexistants ou offerts par des organisations humanitaires. « Des déplacements de populations ont été signalés dans un certain nombre de régions, notamment à Bangui, Ndélé et de l’autre côté de la frontière, en République démocratique du Congo, depuis la région de Mobaye, en RCA et en direction de Bertoua, au Cameroun, » a dit le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) dans un récent compte-rendude la situation. « Les nombreux pillages et les violences signalées suscitent de sérieuses préoccupations concernant la protection des civils à travers tout le pays. Environ 316 000 personnes résideraient dans les régions touchées et les quelque 700 000 habitants de Bangui risquent de plus en plus d’être victimes d’une recrudescence des combats », notait le rapport. « Quelques partenaires humanitaires répondent aux besoins les plus urgents des personnes déplacées à Ndélé et ailleurs, mais les évacuations temporaires du personnel humanitaires se trouvant dans les zones de combat ont perturbé un certain nombre de programmes humanitaires dans tout le pays », précisait le rapport. L’immobilisation au sol des avions des Nations Unies, « principal moyen de transport en RCA », a également restreint les activités des partenaires sur le terrain. Besoins médicaux « L’accroissement des mouvements militaires et les hostilités entre les rebelles et les forces armées centrafricaines forcent la population à se déplacer, l’empêchant d’accéder aux services de première nécessité, en particulier l’aide médicale », a dit l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) dans uncommuniqué publié le 26 décembre. « [Cela] peut avoir des conséquences néfastes pour une population affaiblie par une décennie de violence et d’absence de système de santé ». « En raison de l’insécurité dans cette zone [la ville de Batangafo, sous contrôle des rebelles depuis le 20 décembre], il est impossible de référer les patients des postes de santé périphériques à l’hôpital en cas d’urgence, à cause de la restriction totale des mouvements des moto-taxis », a expliqué Amal El Oualji, coordinatrice du projet de MSF à Batangafo. « Dans la ville de Ndélé, dans le nord du pays, attaquée le 10 décembre [...], MSF a pu dénombrer au moins 2600 personnes déplacées qui passent la nuit en petits groupes dans la brousse ou qui ont trouvé refuge sur la piste d’atterrissage, non loin de la ville. [Malheureusement], la plupart des [déplacés] passent les nuits près de leurs champs en petits groupes de 2 à 5 familles, répartis sur plusieurs kilomètres [sans accès routier]. Beaucoup souffrent de paludisme, d’infections respiratoires aiguës et de diarrhée », signalait le rapport. Violations des droits Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), l’avancée des rebelles, qui a commencé début décembre, a été accompagnée par « des attaques répétées, des viols et des pillages » commis contre les civils dans les zones sous leur contrôle. « À Bangui, l’avancée des rebelles aurait déclenché une vague d’arrestation et d’intimidation contre des opposants politiques et des ressortissants du nord du pays, zone d’où sont issues les forces rebelles », a écrit la FIDH dans un communiqué. « Tous les crimes internationaux perpétrés par l’une ou l’autre des parties au conflit peuvent relever de la compétence de la Cour pénale internationale qui demeure saisie de la situation en Centrafrique », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. La Fédération a ajouté que l’absence de justice était l’une des sources des conflits répétés dans ce pays depuis une décennie, dont celui de 2003 qui a porté l’actuel président, François Bozizé, au pouvoir. La FIDH a par ailleurs demandé que les négociations, qui devraient débuter le 8 janvier au Gabon, intègrent les forces politiques et des représentants de la société civile « pour garantir une transition politique ouverte, qui permette l’instauration d’une meilleure gouvernance pour le pays, et notamment la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves ». Une crise oubliée « Son contexte instable et sa situation difficile sur le plan humanitaire sont largement méconnus. Les principaux donateurs ne sont pas représentés sur le terrain et les partenaires expérimentés font défaut. Bien que les multiples déplacements de populations concernent un nombre de personnes relativement faible comparé à ceux des pays voisins, les différents indicateurs de vulnérabilité restent particulièrement inquiétants et démontrent la faible capacité de résiliences des populations face à un choc même mineur », a dit l’ECHO dans unplan de mise en œuvre humanitaire publié en octobre 2012. Selon l’appel global de 129 millions de dollars pour la RCA pour 2013, « la crise chronique entraîne de sérieuses répercussions humanitaires qui accentuent la vulnérabilité de la population. Cette vulnérabilité chronique [...] est exacerbée par un accès limité aux services sociaux essentiels, par la présence d’agents perturbateurs armés et par la fréquence des catastrophes naturelles localisées ». Les principaux obstacles qui empêchent de répondre à ces besoins sont « les contraintes d’accès dues à l’insécurité et à la criminalité et le manque de fonds pour la planification et la mise en œuvre efficace de projets », a expliqué l’appel. « Malgré une certaine reprise suite à la crise économique de 2008, la croissance économique [en RCA] est trop faible pour avoir un impact sur la réduction de la pauvreté et la création d’emplois [...] Le pays est immense, cinq fois la France, mais les infrastructures sont inexistantes. L’État est quasi-absent et le système de santé presque inexistant sauf à Bangui », a remarqué Action contre la faim (ACF). Prochaines étapes Remarquant que la rébellion Seleka faisait suite à des décennies d’instabilité et plusieurs accès de violence dans la capitale, International Crisis Group (ICG) a déclaré dans une note d’information qu’il faudrait en priorité éviter une nouvelle « bataille de Bangui » et de nouvelles violences contre les civils. Dans cette optique, ICG a exhorté que les prochaines négociations entre le gouvernement, la Seleka et l’opposition abordent la question de la composition du gouvernement d’union nationale, du redressement de l’économie, de la réforme de l’armée, du désarmement et de la réintégration des combattants, ainsi que de la création d’une commission chargée d’enquêter sur les exactions commises par le régime.
Les villes de Ndélé, Bamingui, Kabo, Batangafo, Kaga-Bandoro, Sam Ouandja, Bambari, Bria et Sibut font partie des localités où les besoins sont les plus urgents.
L’office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) qualifie la RCA de « crise oubliée ».