PAKISTAN : Shafqat Hussain a été exécuté

[Le 4 août 2015] - Le Pakistan a pendu mardi matin Shafqat Hussain, symbole de l'opposition à la reprise des exécutions au pays car condamné à mort à "l'adolescence", s'indignent ses avocats, et au terme d'une procédure ne respectant pas les "normes internationales" d'après l'ONU.

Au lendemain du raid des talibans contre une école de Peshawar (nord-ouest) qui avait fait 154 morts en décembre, le Pakistan avait recommencé à exécuter les condamnés à mort, y compris ceux n'ayant aucun lien avec des mouvements considérés comme "terroristes".  

L'ONU, l'Union européenne (UE) et des organisations de défense des droits de l'Homme avaient aussitôt fustigé cette nouvelle politique, ce qui n'a pas empêché depuis le gouvernement de faire pendre environ 180 condamnés à mort parmi les 8.000 qui croupissent dans les geôles pakistanaises. 

Issu d'une famille pauvre du Cachemire (nord-est), Shafqat Hussain n'avait aucun lien avec le carnage taliban de Peshawar, mais son cas était devenu emblématique des limites de la politique d'exécution du gouvernement dans un pays où les "confessions" sont parfois arrachées de force aux suspects, qui n'ont d'ailleurs souvent pas de papier d'identité pour prouver leur âge réel. 

Condamné à mort il y a une décennie pour le meurtre d'un garçon de sept ans à Karachi, métropole du sud du pays, Shafqat Hussain avait plaidé son innocence et soutenu avoir "fait des aveux" après des jours de torture policière.  

En appel, ses nouveaux avocats avaient plaidé en vain qu'il était mineur au moment des faits reprochés et donc qu'il ne pouvait être pendu, la loi et les traités internationaux ratifiés par le Pakistan lui interdisant l'exécution de personnes reconnues coupables de crimes avant leurs 18 ans. 

Mais si les autorités pakistanaises refusaient de rouvrir l'enquête, elles respectaient toutefois un moratoire qui empêchait la pendaison du jeune homme. Mais après le raid de Peshawar, le Pakistan a levé son moratoire et le destin de Shafqat Hussain a basculé. 

- Allégations de torture - 

Des organisations de défense des droits de l'Homme ont mené une vaste campagne pour le sauver, tandis que des diplomates européens ont évoqué son cas au sommet de l'Etat en pensant avoir un atout particulier en main. 

C'est que le Pakistan avait obtenu l'an dernier de l'UE le statut de GSP+, lui permettant de vendre son textile sans droit de douane sur le vieux Continent en échange d'engagements en matière de respect des droits de l'Homme, une politique européenne qui a permis d'augmenter d'un milliard de dollars ses exportations. 

A l'hiver, face à la fronde, les autorités pakistanaises avaient finalement accepté d'enquêter sur l'âge réel de Shafqat Hussain au moment des faits, sans toutefois se pencher sur les allégations de torture.  

Au terme d'une enquête du Bureau fédéral des investigations (FIA), les autorités ont soutenu qu'il était majeur au moment des faits et ce, en dépit de son certificat de naissance présenté par ses avocats selon lequel il était bien mineur.  

Un groupe d'experts de l'ONU a conclu que son procès ne respectait pas "les normes internationales". Et dans un dernier effort, des responsables pakistanais ont tenté lundi de convaincre le président Mamnoon Hussain de surseoir à son exécution. En vain. 

Shafqat Hussain a été exécuté mardi au petit matin, une "dizaine de minutes avant la prière de l'aube" selon une source carcérale, après avoir passé une décennie dans les "couloirs de la mort" à craindre ce dernier réveil. Sa dépouille a été remise à ses frères sur place. 

"Pourquoi ont-ils pendu mon frère, simplement parce que nous sommes pauvres'", pleurait au Cachemire sa soeur Sumaira Bibi. Et sa mère, la vieille Makhni Begum d'enchaîner: "Mon fils était innocent... Nous ne pouvons plus rien faire, mais ceux qui l'ont tué devront faire face à dieu au jour du jugement dernier".


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