Soumis par Louise le
[11/05/2016] -
Onze enfants âgés de moins de six ans, dont quatre bébés, comptent parmi les 149 personnes qui sont mortes cette année en détention dans ce pays.
Les éléments de preuve recueillis grâce à des entretiens avec d'anciens détenus et des témoins, étayés par des vidéos et des photos, montrent que de nombreux prisonniers sont sans doute morts de maladie, de faim, de déshydratation et de blessures par balles. Le rapport, intitulé “If you see it, you will cry”: Life and death in Giwa barracks, contient également des images satellite qui corroborent les déclarations des témoins.
Au moins 12 enfants morts depuis février
« Trois sont morts pendant que nous étions là-bas. Lorsque les enfants sont morts, nous étions submergées par la tristesse. »
Un ancien détenu témoin des décès
Au moins 12 enfants sont morts à la caserne de Giwa depuis février. Des enfants de moins de cinq ans, dont des bébés, sont détenus dans trois cellules pour femmes. Courant 2015, le nombre de détenues enfermées dans ces cellules a été multiplié par 10, passant de 25 en 2015 à 250 début 2016. Les maladies sont légion en raison des conditions insalubres. D'après les informations dont dispose Amnesty International, environ 20 bébés et enfants de moins de cinq ans se trouvaient dans chacune de ces trois cellules.:
« La rougeole est arrivée avec la saison chaude. Au matin, deux ou trois [étaient malades], le soir, ils étaient cinq. Vous voyez la fièvre, le corps [du bébé] est brûlant et il pleure jour et nuit. Ses yeux sont rouges et sa peau présente des éruptions. Plus tard, du personnel médical est venu et a confirmé que c'était la rougeole. »
Un ancien détenu
Après la mort de ces enfants, des contrôles médicaux plus réguliers ont été mis en place. Cette femme a déclaré à Amnesty International : « Tous les deux jours, des professionnels de santé venaient dans la cour et disaient : " Amenez-nous les enfants qui sont malades ". Le médecin les voyait à la porte et leur donnait des médicaments à travers la porte. »
Malgré ces mesures, il semble que des enfants continuent de mourir. Entre le 22 et le 25 avril, un garçonnet d'un an, un garçon de cinq ans et une fillette de cinq ans sont décédés.
« Il n’y avait pas assez de nourriture. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à manger. »
Garçon détenu à Giwa
Un centre déjà épinglé par Amnesty
Il est à la fois douloureux et terrifiant d'apprendre que des bébés et de jeunes enfants sont morts en détention militaire dans des conditions terribles. Nous avons tiré à maintes reprises la sonnette d'alarme concernant le nombre élevé de décès de détenus à la caserne militaire de Giwa, mais ces révélations montrent que, pour les adultes comme pour les enfants, Giwa reste un lieu de mort
Il n’y a pas d’excuses ni de délais possibles. Les centres de détention de la caserne militaire de Giwa doivent être fermés immédiatement et tous les prisonniers doivent être libérés ou remis aux autorités civiles. Le gouvernement doit mettre en place de toute urgence des mécanismes permettant de garantir la sécurité et le bien-être des enfants remis en liberté. »
Près de 1 200 prisonniers sont actuellement détenus à la caserne de Giwa dans des conditions de surpopulation et d'insalubrité. Beaucoup ont été appréhendés de manière arbitraire dans le cadre d'arrestations collectives, bien souvent sans aucun élément de preuve à leur encontre. Une fois à l'intérieur de la caserne, ils sont incarcérés sans contact avec le monde extérieur et sans comparaître devant une autorité judiciaire. Au moins 120 d'entre eux sont des enfants.
Le défi majeur du Nigeria
Confrontée à un ennemi aussi violent que Boko Haram, l'armée nigériane se trouve face à un défi majeur : le vaincre tout en respectant pleinement les droits humains et l'état de droit. Il semble qu'elle ne parvienne pas à le relever. La mort de détenus dans le nord-est du Nigeria n'a rien de nouveau. Mais les cellules étant de plus en plus surpeuplées, le nombre de cadavres décharnés qui sortent de la caserne de Giwa augmente lui aussi – parmi eux des bébés et de jeunes enfants.
Un an après que nos recherches ont révélé qu'un grand nombre de personnes étaient mortes en détention, il est temps que le président Buhari tienne serment et ouvre une enquête sur ces décès, libère les enfants et ferme le centre de détention de la caserne de Giwa sans plus attendre.
Lire / télécharger le rapport (en anglais)
Lire aussi : les crimes de guerre de l'armée au Nigeria