Soumis par crinadmin le
Summary: Mauvais traitements, pauvreté, stigmatisations : pour les enfants des pays industrialisés aussi, l’Unicef se doit d’être mobilisé.
Le grand public sous-estime les souffrances des enfants des pays industrialisés. De quoi sont-ils victimes en réalité ?
Dans les pays de l’OCDE, on compte 3 500 décès d’enfants chaque année du fait de mauvais traitements. Victimes de la violence, ils sont aussi victimes de la pauvreté. Qui se doute que certains enfants au sein de nos sociétés, comme nous l’avons confirmé dans une étude récente aux Pays-Bas ne mangent de la viande qu’une fois par semaine ? des fruits encore moins souvent ? De plus, notre rapport sur la pauvreté enfantine, à paraître cette année, insiste sur la nécessité de ne pas seulement considérer la pauvreté sur les critères utilisés pour les pays en développement : la pauvreté est un phénomène relatif qui doit être considéré dans le contexte spécifique de chaque société. La privation de certains biens de consommation, comme les nouvelles technologies, ou le coût associé à la participation à des activités culturelles ou de recréation est un facteur d’exclusion dans les pays industrialisés.
Est-il confortable pour l’Unicef de se prononcer sur les pays qui sont aussi ses principaux financeurs ?
Le mandat de l’Unicef est d’être le défenseur universel des droits de l’enfant, de combattre la marginalisation et de promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute région. Nous n’allons pas arrêter notre réflexion aux frontières des pays industrialisés. D’ailleurs nous avons tout à gagner à considérer également ces pays. La considération de leurs défis nous rend plus crédibles auprès des pays en développement et nous permet de promouvoir des mesures visant à améliorer la situation des enfants partout dans le monde. De plus, la question n’est pas de critiquer les gouvernements : nous sommes là pour les aider à trouver des solutions. Le centre de recherche Innocenti présente des dossiers argumentés, identifiant des difficultés aussi bien que des interventions créatives et efficaces pour améliorer la situation des enfants. C’est son rôle, et c’est l’une des clés du succès de l’Unicef.
L’Unicef milite pour la participation des enfants à la prise de décision. Que proposez-vous pour rendre leur implication plus efficace ?
Pour assurer la participation effective des enfants aux prises de décisions, il est essentiel d’investir avant tout sur la promotion et la diffusion d’informations aux enfants sur leurs droits fondamentaux. Il faut qu’ils se sentent confiants et que les règles du jeu de la participation soient claires. La plus grande frustration est de créer des attentes sur l’effet de la participation des enfants et de ne pas en tenir compte après. Durant la décennie précédente, nous avons incité à la création d’assemblées d’enfants, par exemple les conseils municipaux pour enfants en France. Mais il n’y a pas eu assez de réflexion sur ce qui devait être fait de leurs suggestions et recommandations. Cette participation ne peut être pérenne que si les enfants ont un retour. Leurs recommandations doivent être suivies d’effets. Et si elles ne le sont pas, il faut leur expliquer les raisons techniques qui ont conduit à préférer une autre option que la leur. Par exemple, en travaillant avec les enfants handicapés, nous nous sommes aperçus combien ils étaient frustrés de constater que les décisions les concernant étaient prises sans eux (sans tenir compte de ce qui étaient à leurs yeux les besoins les plus urgents).
Quelles est votre position concernant le durcissement des lois sur l’immigration dans les pays industrialisés ?
C’est un problème complexe sur lequel il ne faut pas se prononcer de façon caricaturale. Pour trouver des solutions, on ne peut simplement être guidés ou s’intéresser à la sécurité interne de chaque pays en négligeant l’autre partie du problème qui concerne les droits de l’homme des migrants. Les enfants migrants sont avant tout des enfants et leurs droits doivent être protégés en toute circonstance. Si ces migrants, y compris les enfants, sont poussés vers la clandestinité ou s’ils sont discriminés ou stigmatisés, ou encore simplement soupçonnés d’association à des actions de délinquance, la sauvegarde de leurs droits est menacée et l’Unicef se doit d’être vigilant. Il est assez préoccupant de constater qu’à côté de la Convention des droits de l’enfant, ratifiée par 192 pays, la Convention des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, n’a été ratifiée que par 34 pays, dont aucun n’est industrialisé.
Le centre de recherche Innocenti
Situé à Florence, en Italie, Innocenti est le centre de recherche de l’Unicef. Dirigé depuis 2001 par Marta Santos Pais, il compte 25 personnes dont une douzaine de chercheurs.
Sur les pays industrialisés, outre les études transversales portant sur l’ensemble du monde (mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, trafic des enfants…), il publie depuis 2000 des « Report card » focalisés sur les pays de l’OCDE pour une question particulière : violence, accidents, grossesses des adolescentes, pauvreté infantile... Ces travaux et ceux sur le reste du monde sont accessibles sur le site http://www.unicef-icdc.org