Maroc: Deux millions d'enfants travaillent

Le Maroc a signé la Convention des droits des enfants, mais la réalité accuse de nombreuses lacunes.

Il est 10 heures du matin. Un groupe d'enfants dont l'âge varie de 6 à 13 ans, s'acharne sur un ballon à moitié gonflé. Ils jouent dans une ruelle qu'ils ont aménagée en terrain de foot en y déposant quatre pierres en guise de but.

Les passants comme les habitants du coin n'arrêtent pas de les chasser. D'ailleurs, le ballon est le souffre-douleur de quelques coléreux qui s'en emparent, le confisquent des fois ou tentent de le réduire en pièce, indifférents aux supplications des petits footballeurs. C'est ce qui explique l'état du ballon rapiécé de tous les côtés. Saddiq est aujourd'hui le gardien de but. Pour être plus agile, il s'est débarrassé de ses sandales en plastique et joue pieds nus. Il n'arrête pas de râler contre la défense qu'il juge très faible. Un cri strident retentit. C'est sa mère qui le hèle de la fenêtre. Il se dépêche de se chausser et de courir vers la maison. Elle lui ordonne d'accomplir sa tâche. Aujourd'hui, il est de corvée. Il doit déposer le pain au four du quartier. Mais ce qui lui est insupportable, c'est ce qui l'attend au retour. Saddiq doit tendre le linge sur le fil dressé au beau milieu d'un semblant espace vert. Il déteste le faire car les enfants se moquent de lui et le traitent de fillette.

De retour de sa première course, il tente de refuser de s'acquitter de sa tâche. Mais malgré ses protestations, sa mère ne lâche pas prise. Elle l'accable d'insultes. Mais il reste sur sa position. Un main vigoureuse le prend par la nuque et le secoue deux fois avant qu'il ne sente un violent coup de pied. Son père, un violent chômeur qui est sorti prendre son petit déjeuner dans le café d'à côté en puisant de la bourse familiale, est de retour. Saddeq court prendre le seau plein de vêtements lavés et essorés et dégringole les escaliers avec le seul espoir de ne pas y retrouver son père.

C'est dimanche, il n'a pas école. Il passera toute la journée dans la rue. Le soir, il rentre sale et fatigué. Il ne pourra même pas réviser ses leçons. L'électricité coûte cher. Il s'allonge à côté de ses six frères et soeurs dont il est l'aîné. Ils vivent dans une seule pièce louée par ses parents depuis leur mariage. Ici, on dort, on mange, on cuisine et on lave le linge devant la porte de la chambre. Les toilettes sont communes et manquent d'eau et d'électricité.

Les voisins ne veulent pas partager les frais pour les payer. A l'école, il n'est pas très brillant. Le ventre creux et la tête ailleurs, il assiste aux cours sans rien apprendre. Il compte parmi une trentaine d'élèves entassés en classe qui répètent sans comprendre les cours donnés par des enseignants las et désespérés.

Saddeq rêve du jour où il pourra manger à sa faim, dormir sur un lit et échapper aux coups impitoyables de son père et qui lui ont valu une fracture et plusieurs cicatrices sur le visage. Violences qui ont cessé comme par miracle, le jour où son père est passé toucher sa première paie du garagiste qui l'a embauché pendant les vacances d'été.

Ce jour est inoubliable. Pour la première fois, la main de son père s'est posée docilement sur son épaule. Mais elle ne tarda pas à reprendre ses anciennes habitudes quand Saddiq est revenu à la maison au milieu de la journée estivale pour se plaindre de la maltraitance de son patron et de la brutalité de ses camarades aînés.

Selon les chiffres divulgués par la Direction des statistiques 600 000 enfants de 7 à 14 ans travaillent au Maroc, soit 11% de cette classe d'âge. Ce nombre reste toutefois en deçà de la réalité. Il avoisine les deux millions d'enfants si l'on prend en compte les enfants qui, tout en fréquentant l'école, exercent en parallèle un travail, ceux dont le travail n'est pas déclaré, et ceux qui s'acquittent de tâches ménagères durant au moins quatre heures par jour. 78 % de ces enfants actifs sont des ruraux, dont 84 % des ouvriers agricoles et 85 % travaillent pour le compte de leur famille, sans aucune forme de rémunération.

Informations supplémenatires

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    pdf: http://fr.allafrica.com/stories/200611210441.html

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