Iran: Tendances préoccupantes en matière de peine de mort

Amnesty International a exprimé ce vendredi 24 février 2006 sa vive préoccupation quand au nombre des exécutions qui auraient lieu en Iran, et a déclaré qu’elle craignait pour la vie de plusieurs prisonniers politiques, dont certains se trouveraient dans le quartier des condamnés à mort depuis plusieurs années. Par ailleurs, l’organisation trouve scandaleux que l’Iran continue à condamner à mort des mineurs délinquants au mépris des obligations internationales qui sont les siennes en matière de droits humains.

Les exécutions en Iran se poursuivent à un rythme alarmant. Amnesty International en a recensé 94 jusqu’à présent – dont 28 en 2006 –, bien qu’il soit probable que les chiffres réels soient beaucoup plus élevés. La plupart des personnes exécutées avaient été déclarées coupables de crimes tels que le meurtre ; cependant, l’une des personnes mises à mort récemment était un prisonnier politique, Hojjat Zamani, membre de l’Organisation iranienne des moudjahidin du Peuple (OIMP), enlevé en Turquie en 2003 et condamné à mort en 2004 après avoir été reconnu coupable de participation à un attentat à l’explosif ayant fait trois morts à Téhéran en 1988 (Action urgente 318/03 , index AI : EUR 44/025/2003, et sa mise à jour, index AI : MDE 13/032/2004). Il a été escorté hors de sa cellule de la prison de Gohardasht et a été exécuté le 7 février, bien que les autorités iraniennes n’aient pas confirmé son exécution de manière officielle avant le 21 février.

L’exécution d’Hojjat Zamani a alimenté la crainte que d’autres prisonniers politiques ne soient exécutés à tout moment. Selon des informations non confirmées circulant depuis début février, plusieurs détenus – parmi lesquels des prisonniers politiques – se trouvant sous le coup d’une condamnation à mort ont été avertis par des responsables de l’administration carcérale qu’ils seraient exécutés si l’Iran devait être déféré devant le Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de la reprise de son programme nucléaire (dont le gouvernement iranien affirme qu’il n’a d’autre objectif que la production pacifique d’énergie nucléaire). D’autres membres de l’OIMP, organisation illégale en Iran, figureraient parmi ces prisonniers. C’est l’OIMP qui avait été la source des informations qui, en 2002, avaient révélé l’existence du programme nucléaire de l’Iran au monde extérieur.

Parmi les personnes dont Amnesty International craint qu’elles ne soient menacées, se trouvent :

- Said Masouri, membre de l’OIMP placé à l’isolement dans l'aile 209 de la prison d'Evin, depuis la fin 2004  (Extra 77/02, index AI : MDE 13/018/2002)

- Khaled Hardani, Farhang Pour Mansouri et Shahram Pour Mansouri, qui ont pris part à un détournement d’avion en 2001, alors que Shahram Pour Mansouri n’était âgé que de dix-sept ans (Action urgente 21/05, index AI : MDE 13/003/2005)

- Gholamhossein Kalbi et Valiollah Feyz Mahdavi, tous deux membres de l’OIMP ;

- et Alireza Karami Khairabadi.

Amnesty International a également reçu des informations selon lesquelles il est possible qu’au moins deux Arabes iraniens soient également exécutés d’un instant à l’autre. La province du Khuzestan est en proie à des troubles de grande ampleur depuis le 15 avril 2005 (Iran. L’incurie du nouveau gouvernement face à la désastreuse situation des droits humains, index AI : MDE 13/010/2006). Mohammad Ali Sawari et Mehdi Nawaseri, qui seraient tous deux âgés d’une vingtaine d’années environ, auraient été condamnés à la peine capitale. Mohammad Ali Sawari a été arrêté à la suite de manifestations dans la ville d’Ahwaz le 4 novembre 2005. Mehdi Nawaseri a été arrêté en octobre 2005 ; il avait déjà été arrêté en avril 2005, puis remis en liberté.

Le 14 février 2006, Jamal Karimi Rad, ministre de la Justice et porte-parole du pouvoir judiciaire, a déclaré à l’Agence de presse de la République islamique d'Iran (IRNA) que sept des 45 personnes arrêtées pour leur participation présumée à des attentats à l’explosif en septembre et octobre 2005, avaient été reconnues coupables d’infractions dont « inimitié à l'égard de Dieu, corruption sur terre et meurtre » et que leur sentence serait rendue publique sous peu. Les infractions relevant de l’« inimitié à l'égard de Dieu » et de la « corruption sur terre » sont passibles de la peine de mort, de l’amputation croisée, de la crucifixion pour une durée de trois jours ou de l’assignation à résidence. Le 20 février 2006, le procureur général Ghorban Ali Dori-Najafabadi aurait affirmé : « Certaines des personnes reconnues coupables dans cette affaire ont été condamnées à mort, en particulier les deux principaux coupables, dont la participation aux attentats d’Ahwaz a été prouvée. La sentence prononcée n’est pas susceptible d’appel. » Le 21 février, Jamal Karimi Rad a déclaré à l’IRNA, en réaction à cette information, que seuls deux des accusés se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort et que la Cour suprême procédait actuellement au réexamen de ce jugement. Il a observé que « les infractions commises par les sept condamnés ne méritent pas la peine de mort ». Amnesty International redoute que Mohammad Ali Sawari et Mehdi Nawaseri soient les deux condamnés auxquels il est fait référence, et qu’ils risquent de se voir ôter la vie d’un instant à l’autre.

Amnesty International est également très choquée d’apprendre qu’un nouveau mineur délinquant a été condamné à mort en Iran. Selon les informations relayées par deux agences de presse iraniennes, Fars et l’Association iranienne des étudiants correspondants de presse, un jeune homme de dix-huit ans, connu sous le nom de Mohammad, a été condamné à la peine capitale par la 71e chambre du tribunal pénal de Téhéran pour un meurtre commis en août 2003, alors qu’il n’avait que seize ans. Selon ces agences de presse, il avait tout d’abord été jugé par un tribunal pour mineurs, qui l’avait condamné à cinq ans d’emprisonnement et au paiement de la diya (prix du sang). La famille de la victime se serait cependant plainte, estimant que la sanction n’était pas assez sévère, et la Cour suprême a statué que Mohammad étant désormais majeur, il pouvait être jugé par un tribunal pénal ; une instance pénale a ensuite prononcé la sentence de mort sous le coup de laquelle il se trouve actuellement. La Cour suprême doit confirmer la condamnation avant que celle-ci ne puisse être appliquée.

Le 18 février 2006, l’IRNA aurait indiqué qu’Ahmad Mozaffari, magistrat dépendant de la Cour d’appel de Téhéran, avait annoncé que l’Iran continuerait à condamner des mineurs délinquants à la peine capitale « sans envisager d’autres possibilités ».

En devenant partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Convention relative aux droits de l’enfant, l’Iran s’est engagé à ne pas exécuter qui que ce soit pour une infraction commise avant l’âge de dix-huit. Pourtant, Amnesty International a établi que l’Iran avait ôté la vie à 18 mineurs délinquants depuis 1990. En 2005 uniquement, l’organisation a recensé au moins huit exécutions de délinquants de ce type.

Amnesty International admet que les gouvernements ont le droit et de le devoir de déférer à la justice les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction dûment reconnue par la loi, mais elle est opposée en toutes circonstances au recours à la peine de mort, violation suprême du droit à la vie. Elle exhorte donc les autorités iraniennes à instaurer sans délai un moratoire sur la peine capitale, et à honorer les obligations internationales en vertu desquelles elles sont tenues de ne pas exécuter de mineurs délinquants.  

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article7198.html

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