GPA : la FRANCE condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme

La France a été condamnée à deux reprises, jeudi 26 juin, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), faute d'avoir transcrit à l'état-civil français les actes de naissance d'enfants nés légalement à l'étranger par mère porteuse. Et le gouvernement va bien devoir légiférer sur la reconnaissance des enfants nés d'une gestation par autrui (GPA), sujet sensible s'il en est, au nom « des intérêts supérieurs de l'enfant ».

Le gouvernement a jusqu'à présent écarté toute modification du droit, par crainte de se voir accusé d'ouvrir la voie à la légalisation de la GPA et de redonner du carburant à la « Manif pour tous ». « Si j'ouvrais cette question-là, avait indiqué le candidat François Hollande au magazine Têtu en avril 2012, ça pourrait être une facilité donnée à la gestation pour autrui. Ce débat devra avoir lieu, mais il ne doit en aucun cas être considéré comme une façon d'accepter la marchandisation des corps. »

« Les cobayes de la justice »

Le débat est désormais sur la table. Dominique et Sylvie Mennesson, de Maison-Alfort (Val-de-Marne), sont devenus le couple emblématique du combat en faveur de la légalisation des mères porteuses : « Les cobayes de la justice », sourit le père. Les Mennesson avaient eu deux jumelles, Valentina et Fiorella en 2000, en Californie, après une fécondation in vitro, avec des ovocytes provenant d'un don. La Cour suprême de Californie avait bien établi que le couple était « père et mère des enfants à naître », mais en France, la Cour de cassation, après une longue bataille, avait refusé le 6 avril 2011, la transcription de l'état-civil des deux petites Américaines en France. Un autre couple, Francis et Monique Labassée, de Toulouse, avaient une histoire comparable et déposé à leur tour une requête à la cour de Strasbourg.

La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que l'article 8 de la Convention européenne (droit au respect de la vie privée et familiale) pouvait s'appliquer : les époux Mennesson s'occupent de leurs jumelles « comme des parents depuis leur naissance, et tous quatre vivent ensemble d'une manière qui ne distingue en rien de la vie familiale dans son acception habituelle », indique le communiqué de la Cour. Elle rappelle que le droit à l'identité « fait partie intégrale de la notion de vie privée et qu'il y a une relation directe entre la vie privée des enfants nés d'une gestation pour autrui et la détermination juridique de leur filiation ».

La Cour admet certes « une marge d'appréciation » des Etats, faute de consensus en Europe, mais elle doit être « réduite dès lors qu'il est question de filiation, car cela met en jeu un aspect essentiel de l'identité des individus », et les jumelles se trouvent « dans une troublante incertitude quant à la possibilité de se voir reconnaître la nationalité française » : c'est bien « l'intérêt supérieur de l'enfant » qui doit guider le législateur, surtout quand l'un des parents est le géniteur biologique.

La France peut contester la décision

La France est condamnée à verser 5 000 euros à chacune des jumelles, plus 15 000 euros pour les frais de justice, même somme pour la petite Juliette Labassée.

La décision de la Cour européenne n'est pas définitive, et la France peut la contester. Un collège de cinq juges décidera, comme c'est probable, de faire examiner l'affaire par les 17 juges de la Grande chambre, la formation plénière. Mais la décision de la Cour européenne va nécessairement obliger le gouvernement à garantir aux enfants nés de mère porteuse à l'étranger le droit de devenir français et de se voir reconnaître une filiation, au nom du droit à la vie familiale et privée.


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Auteur: 
Gaëlle Dupont et Franck Johannès

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