Soumis par crinadmin le
Des dizaines de milliers de femmes sont frappées, violées et dans certains cas tuées par leur mari ou leur compagnon en Géorgie, selon un nouveau rapport d’Amnesty International. Pour Anna Sunder-Plassmann, responsable de la recherche sur la Géorgie à Amnesty International, « l’impact de cette violence quotidienne sur la vie des femmes, leur santé, leur travail et l’équilibre de leur famille est dévastateur ». Dans son rapport Georgia : Thousands suffering in silence : Violence against women in the family, Amnesty International montre que le gouvernement précédent n’a pas protégé les femmes contre ces violences et qu’il n’a pas donné suite aux plaintes déposées ni engagé de poursuites judiciaires. Parallèlement à ce constat, l’organisation appelle les autorités à mettre en œuvre de toute urgence une loi récemment adoptée. « L’adoption récente de la Loi sur la violence domestique constitue une étape importante, a déclaré Anna Sunder-Plassmann. Les autorités doivent la mettre en œuvre et faire de l’éradication de ce type de violence une priorité de leur politique dans le domaine des droits humains. » Le rapport d’Amnesty International inclut de nombreux témoignages de femmes ayant survécu à la violence domestique, qui préfèrent garder l’anonymat par crainte de représailles ou d’exclusion sociale. Leurs témoignages dressent un catalogue de violations des droits humains et illustrent le climat d’impunité dans lequel elles vivent. Nino s’est mariée à dix-sept ans. Son mari l’a contrainte à abandonner les études qu’elle suivait dans une école de musique pour apprendre le violon. Il lui a interdit de voir ses amis et s’est mis à contrôler ses déplacements, sans lui donner d’argent. Elle a dû être hospitalisée à deux reprises en raison des coups qu’elle a commencé à recevoir peu de temps après leur mariage. Elle n’a jamais appelé la police parce qu’elle avait peur que son mari la batte plus. Elle ne pouvait pas le quitter parce qu’elle n’avait nulle part où aller avec ses trois enfants et qu’elle dépendait de lui économiquement. Le calvaire que Nino a enduré pendant vingt ans a pris fin lorsque son mari l’a quittée pour une autre femme, qu’il bat à son tour. Un très faible pourcentage de femmes cherchent à obtenir aide et justice lorsqu’elles font l’objet de violence au foyer. De nombreuses femmes restent avec leur compagnon parce qu’elles n’ont nulle part où aller et qu’elles ne sont pas indépendantes financièrement. Les plaintes qu’elles déposent auprès de la police restent parfois sans réponse et sont souvent suivies d’un redoublement des coups par leur mari ou partenaire. Le personnel policier et médical n’a souvent pas reçu une formation adaptée pour être en mesure de reconnaître et de consigner correctement les actes de violence conjugale et d’y faire face de manière adéquate. En conséquence, les victimes ne reçoivent pas le soutien dont elles auraient besoin et les auteurs de violence restent impunis. La législation nationale constitue elle aussi un obstacle à la lutte contre l’impunité. Si une femme est grièvement blessée, l’État est tenu d’engager des poursuites au pénal. Cependant, pour certaines infractions comme les atteintes mineures à la santé et les coups, l’État n’engage pas de poursuites. La victime doit elle-même porter plainte pour obtenir justice. Une telle législation augmente les risques pour les victimes de violence conjugale, leur compagnon exerçant le plus souvent des pressions sur elles pour les convaincre d’abandonner les poursuites. « Les femmes devraient avoir la possibilité de porter plainte mais c’est à l’État qu’il devrait incomber d’engager des poursuites judiciaires lorsque des éléments attestent qu’une infraction a été commise, a déclaré Anna Sunder-Plassmann. La femme victime de violence domestique devrait être citée à titre de témoin. » Lorsqu’elles sont battues chez elles, les femmes qui n’ont pas de proches ou d’amis chez qui se réfugier avec leurs enfants n’ont nulle part où aller. À l’heure actuelle, il n’y a que deux foyers gérés par des organisations non gouvernementales (ONG), ce qui est très insuffisant. « Il faut développer de toute urgence un réseau de foyers en Géorgie, a déclaré Anna Sunder-Plassmann. Toute femme doit pouvoir se réfugier dans un lieu sûr avec ses enfants lorsqu’elle décide de fuir une relation violente. » « Tant que les femmes n’auront aucune possibilité de s’éloigner pour se protéger d’une relation violente, il sera à craindre qu’elles choisissent une solution extrême comme se suicider ou tuer leur agresseur. » En mai 2006, le Parlement géorgien a adopté la première loi du pays sur la violence domestique, rédigée à l’issue d’une vaste consultation des ONG. Ce texte introduit une définition de la violence domestique dans la législation géorgienne et fournit une base légale pour d’éventuelles mesures de protection ou d’éloignement. La loi dispose également qu’un plan d’action nationale sur la violence au foyer devra être adopté dans les quatre mois suivant la publication de la loi. « Les autorités doivent faire preuve d’une véritable volonté politique pour donner suite de manière concertée à l’élan donné par l’adoption de la Loi sur la violence domestique », a conclu Anna Sunder-Plassmann. « La violence domestique n’est pas inévitable et ne doit pas être tolérée. Les autorités géorgiennes doivent honorer l’obligation qu’elles ont aux termes du droit international d’empêcher tous les actes de violence à l’encontre des femmes et d’enquêter sur de tels actes, de tenir les auteurs de ces violences pour responsables de leurs actes, et d’assurer la protection des victimes et de leur accorder des réparations. » Voir : Georgia : Thousands suffering in silence. Violence against women in the family, http://web.amnesty.org/library/index/engeur560092006 Autres textes publiés dans le cadre de la campagne menée par Amnesty International pour mettre fin à la violence contre les femmes :
pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article8845.html