GAZA : 400.000 enfants sont en «détresse psychologique»

INTERVIEW - Après un mois de guerre, Catherine Weibel, porte-parole de l’Unicef pour Israël et la Palestine, estime que presque la moitié des enfants de Gaza sont en «état de choc»…

Les enfants ont payé un lourd tribut au cours des quatre semaines de la guerre à Gaza. Depuis le début de l’opération «Bordure protectrice», 419 enfants (moins de 18 ans) ont trouvé la mort, selon les chiffres de l’Unicef.

«La violence sur les enfants atteint des proportions dramatiques, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique, mettant gravement en péril les espoirs de paix, de stabilité et d’entente», prévenait dès le 13 juillet, le directeur général de l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), Anthony Lake. Au-delà du nombre de morts, c’est «la détresse psychologique» des enfants, qui inquiète Catherine Weibel, porte-parole de l’Unicef pour Israël et la Palestine. Elle répond aux questions de 20 Minutes.

Dans quelles mesures, les enfants sont-ils victimes du conflit?

419 enfants sont morts depuis le début. Les enfants tués étaient très jeunes. Plus de 70 % avaient douze ans ou moins. On compte également presque 3.000 blessés. Avec parfois des blessés très graves, qui sont mutilés, brûlés, ou qui ont perdu la vue. Plus généralement, on estime que 400.000 enfants sont en état de choc et ont besoin d’un soutien psychologique. Cela représente presque la moitié des enfants à Gaza.

Comment repère-t-on un enfant en état de choc?

Les enfants sont terrifiés. En raison des bombardements notamment, le jour et la nuit. Plusieurs marqueurs montrent leur détresse psychologique. On voit des enfants qui ne dorment pas, qui ne mangent pas, qui font des cauchemars, ou pipi au lit. Certains ne parlent plus, regardent dans le vide, ne réagissent plus lorsqu’on s’adresse à eux. D’autres ne veulent plus quitter leurs parents et s’accrochent à eux lorsqu’ils quittent la pièce.

Quelle aide l’Unicef peut-elle leur apporter?

Un enfant en état de choc, il faut le prendre dans ses bras, lui dire qu’on l’aime. Même quand ils dorment par terre, il faut les bercer, leur raconter une histoire, des choses qui peuvent paraître toutes bêtes, mais qui permettent de réinstaurer une routine. Le fait de les faire parler de ce qu’ils ont vécu va les aider à guérir. Pour les cas plus extrêmes, des psychologues vont les prendre en charge. 120 conseillers psychologiques d’urgence, soutenus et formés par l’Unicef, sont présents à Gaza. Pendant les combats, en raison des risques, seule la moitié pouvait s’installer sur le terrain. On avait mis en place un numéro d’appel d’urgence pour les parents. Mais très vite, il n’y avait plus d’électricité.

Le cessez-le-feu est donc bienvenu…

S’il tient, toutes les équipes de psys vont pouvoir aider les enfants traumatisés. On pourra alors les rassembler à l’extérieur, les faire jouer, leur donner une impression de normalité. Les plus touchés seront pris en charge. Ça va prendre beaucoup de temps pour qu’ils guérissent, pour qu’ils repartent sur des bases saines. Des mois, des années même.

Est-ce qu’un enfant peut s’habituer à la guerre?

Un enfant de six ans qui vit a Gaza aujourd’hui a déjà connu trois guerres: Plomb durci [2008-2009], Pilier de défense [2 012], et celle-ci. Contrairement à ce qu’on pense, les enfants peuvent bien se remettre d’un grand épisode de violence. Ce qui fait beaucoup de dégâts, c’est quand ils traversent plusieurs épisodes. Avec la répétition, ils pensent que la violence est une chose normale. A long terme, la violence reproduit la violence. Ceux qui ont connu des épisodes traumatiques pourront la retranscrire à l’adolescence ou même à l’âge adulte.

En dehors du soutien psychologique, quels sont les besoins les plus urgents?

L’eau. Il n’y en a pas beaucoup, et les infrastructures d’eau potable ont connu de très gros dommages. La quasi-totalité de la population n’a pas accès à l’eau potable. Les autres urgences sont les produits d’hygiène. Plus du quart de la population s’est enfui pour se réfugier dans les écoles. Les établissements accueillent parfois plus de 3.000 personnes. Les conditions sont épouvantables, on constate des maladies de peau, des poux. L’Unicef distribue des kits d’hygiène pour bébés, des vêtements, ou des récipients pour pouvoir aller chercher de l’eau. On donne aussi des médicaments pédiatriques et des fournitures médicales aux hôpitaux.


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Auteur: 
Thibaut Le Gal

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