FRANCE : Ni homme, ni femme, une personne obtient le droit d'être de «sexe neutre»

[14 octobre 2015] - Il porte un prénom masculin depuis 64 ans. Mais il n'est pas un « homme ». Pas plus qu'une « femme » d’ailleurs. Une personne intersexuée a obtenu, en justice, le droit de faire apposer la mention « sexe : neutre » sur son état civil. Une première en Europe que le tribunal de grande instance (TGI) de Tours (Indre-et-Loire) a ordonnée dans un jugement rendu le 20 août 2015.

Née, selon son médecin, avec un « vagin rudimentaire », un « micropénis » mais pas de testicules, cette personne souffre d’avoir été mise dans la case masculine dès sa naissance. « A l’adolescence, j’ai compris que je n’étais pas un garçon. Je n’avais pas de barbe, mes muscles ne se renforçaient pas… confie-t-elle à 20 Minutes. En même temps, il m’était impossible de croire que j’allais devenir une femme. Il suffisait que je me regarde dans le miroir pour le savoir. »

« Le sexe qui lui a été assigné apparaît comme une fiction »

Pour la première fois, une juridiction française a donc autorisé une personne à sortir du système binaire masculin/féminin en ordonnant à l’officier d’état civil de la mairie de Tours –où elle est a vu le jour en 1951 de modifier son acte de naissance. « Le sexe qui [lui] a été assigné à sa naissance apparaît comme une pure fiction (…) imposée durant toute son existence, écrit le magistrat dans son jugement que 20 Minutes a pu consulter. Il ne s’agit aucunement de reconnaître l’existence d’un quelconque ‘’troisième sexe’’ mais de prendre acte de l’impossibilité de rattacher l’intéressé à tel ou tel sexe. »

Craignant que « cette requête renvoie à un débat de société générant la reconnaissance d’un troisième genre », le parquet de Tours a fait appel du jugement. Si l’affaire sera donc plaidée, à nouveau, devant la cour d’appel d’Orléans, elle fait d’ores et déjà avancer la cause des personnes intersexuées qui luttent pour que leur existence soit reconnue dans la société.

Les bébés intersexués opérés dès la naissance

Toujours classée parmi les DSD (Disorders of sex development), l’intersexuation regroupe les personnes « dont les organes génitaux sont difficiles ou impossibles à définir selon les standards habituels ». Elles représentent 1,7 % de la population, selon l’étude référence sur le sujet qui a été menée par Anne Fausto-Sterling, professeure de biologie à l’université Brown (Rhode Island, Etats-Unis).

« La plupart des bébés nés intersexués sont encore aujourd’hui opérés dès la naissance, indique Mila Petkova, l’avocate qui, avec son confrère Benjamin Pitcho, a porté l’affaire devant le TGI de Tours. Pourtant, ces opérations n’ont pas d’intérêt thérapeutique. On privilégie donc non l’intérêt de l’enfant et son bien-être, mais plutôt celui des parents et de la société qui n’a prévu que deux cases, masculin et féminin. Au lieu d’abord de rassurer les parents et d’attendre que les enfants grandissent pour consentir ou non à ces opérations qui les concernent en premier lieu ! »

« Il est temps de résoudre cette situation inacceptable »

En mai, Nils Muiznieks, Commissaire aux droits de l’homme au sein du Conseil de l’Europe, s’est, lui aussi, ému de la situation dans un rapport. « En raison des préjugés, des nourrissons subissent des interventions chirurgicales et des traitements médicaux non nécessaires. Il est temps de s’atteler à résoudre cette situation inacceptable », écrivait-il.

« Cela fait 64 ans que je vis avec les deux sexes. Je suis la preuve que l’on peut avoir une existence sans subir d’opération mutilante. A condition que la société soit prête à l’accepter, indique la personne qui a obtenu la décision du TGI de Tours et qui souhaite garder l’anonymat. Aujourd’hui, j’ai enfin le sentiment d’être reconnu pour ce que je suis. »

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