FRANCE : Dans la «jungle» évacuée, plus de 200 mineurs restent sur le carreau

[Le 26 octobre 2016] - Le centre prévu pour eux est saturé, obligeant certains à dormir dehors. «Je n’ai nulle part où dormir», dit Daniel, un Erythréen qui dit avoir 17 ans. Il était dans la file d’attente des mineurs ce mercredi après midi, et espérait pouvoir passer en Angleterre à ce titre, quand France Terre d’Asile, association chargée de l’accueil des mineurs, a fait refouler, faute de place, les deux tiers de la file d’attente, soit «200 personnes», selon l’Auberge des migrants. Vers 15 heures, Daniel était assis devant le bidonville, alors barré par une haie de gendarmes pour cause de lutte contre les incendies. Comme coincé entre l’espace des départs, rue des Garennes, et la «jungle», au bout de la même longue rue, il demande : «Vous savez s’ils vont rouvrir la jungle?» Le bidonville a rouvert quelques heures plus tard. C’est le seul endroit qui peut accueillir encore Daniel, mais ce n’est pas ce qui le dérange le plus. «Vous vous doutez bien que je n’aurais pas vécu une année dans cet endroit, et souffert comme vous n’avez pas idée, si je n’étais pas déterminé à partir en Angleterre. J’ai trois frères là-bas, que je n’ai pas vus depuis dix ans.»

Alors que la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio annonce que sa «mission» est «remplie», 200 mineurs comme lui sont sur le carreau ce soir selon Christian Salomé, de l’Auberge de Migrants, voire «300», selon Solenne Lecomte, juriste à la Cabane juridique.

«C’est possible que des mineurs dorment dehors ce soir et je le regrette, répond Pierre Henry de France Terre d’asile. Mais les capacités d’accueil qui m’ont été données au CAP [le centre de conteneurs en dur mis en place par l’Etat, ndlr] sont totalement saturées. 1500 mineurs y sont hébergés. Il y en avait déjà 200 avant le début de l’opération, environ 400 sont arrivés lundi, 400 mardi et plus de 600 aujourd’hui. On avait recensé 1291 mineurs il y a dix jours.» Il ajoute : «Certains majeurs se sont déclaré mineurs, prenant ainsi la place de ceux qui sont dehors, et d’autres sont entrés dans la jungle au cours des derniers jours.»

 «Ils n’avaient plus où dormir, ils étaient terrorisés»

Depuis le début de l’opération, France Terre d’Asile, et même les CRS, dans les premières heures de la matinée de mardi, ont procédé à un tri au faciès au début de la file d’attente des mineurs, ce qui a scandalisé ceux qui en ont été témoins, Franck Esnée, de Médecins sans Frontières, et Christian Salomé, de l’Auberge des migrants. Utopia 56 et Médecins du Monde s’en sont également émus. Daniel, rencontré devant la «jungle», a expérimenté le tri au faciès, et malgré sa bouille juvénile, a été relégué parmi les majeurs. «Je n’ai pas protesté. La police est juste à côté, qu’est-ce que je pouvais faire?»

Le plus urgent à présent pour ces enfants, c’est de trouver un lieu où dormir. «On ne sait pas», résume Vincent De Coninck. Il est 17 heures, devant le CAP, et il explique, par téléphone : «Il y a plein de mineurs, plusieurs dizaines». Déjà, la veille, plusieurs dizaines étaient sans abri. «Leur tente était brûlée, ils n’avaient plus où dormir, et ils étaient terrorisés. On voyait bien qu’ils étaient mineurs, mais le CAP n’a pas voulu les prendre. Ils ont fini par se mettre à l’abri dans une mosquée. On nous dit que tous les mineurs sont protégés, quelle rigolade.»


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Auteur: 
Haydée Sabéran

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