CRC 40: Examen du deuxième rapport périodique de l’Etat Parti de l’Algérie (14 Septembre 2005)

Summary: Mercredi 14 Septembre, le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Algérie. Ce rapport résume les questions principales abordées lors de la discussion entre la délégation gouvernementale et les membres du Comité; il a été rédigé par le Groupe des ONG pour la Convention des droits de l'enfant.

 


Examen du deuxième rapport périodique de l’Etat Parti de l’Algérie

Session 40 du Comité des Droits de L’enfant


 

L’Algérie a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) le 19 décembre 1992. Le 14 septembre 2005, le Comité des droits de l’enfant (le Comité) examina le deuxième rapport que l’Algérie présenta au Comité.

 


Ouverture

 


La délégation algérienne était menée par l’Ambassadeur Idriss Jazaïry. La délégation était composée de neuf experts de plusieurs ministères différents. Jazaïry souligna l’engagement renouvelé et déterminé du gouvernement algérien envers les droits de l’enfant. La situation en Algérie avait évolué depuis l’élaboration du rapport en décembre 2003. Il y eut une révision du Code de la Famille et l’initiation d’autres législations. Il précisa que les conditions en Algérie s’étaient beaucoup améliorées durant les dernières vingt années avec un réel progrès dans les domaines des droits de l’homme et de l’enfant, même s’il restait des lacunes et insuffisances dans un pays où 50 pourcent de la population avait moins de 18 ans. Il nota la transmission de la nationalité maternelle et non seulement paternelle, une mesure pilote dans la région; l’égalité entre tous les citoyens, sans discrimination; la gratuité de l’enseignement, le transport scolaire et les internats; et les développements concernant la prévention médicale et la santé des enfants et des femmes. Jazaïry expliqua qu’il n’y avait pas d’autorité centrale et que les institutions prenaient des mesures spécifiques dans leurs domaines de compétences.

 

M Liwski et M Kotrane, les rapporteurs du pays, soulignèrent la satisfaction du Comité concernant le progrès réalisé concernant la situation des enfants dans plusieurs domaines et ils notèrent que l’Algérie était en plein changement politique et économique. Cependant, malgré ses réformes, l’Algérie ne se conformait toujours pas entièrement aux principes de la CDE.

 


Les réserves et déclarations

 


Le Comité nota les déclarations faites au moment de la ratification de la CDE et demanda s’il y avait une volonté politique pour modifier le Code de la Famille afin d’éliminer la nécessité de ces réservations. Le Comité demanda aussi si le gouvernement envisageait la ratification des deux protocoles facultatifs. La délégation répondit que la CDE et les autres législations seraient examinées et qu’il y avait une possibilité d’adhérer aux deux conventions facultatives. Elle souligna que la notion de l’intérêt de l’enfant figurait dans plusieurs articles du Code de la Famille.

 


La coordination et l’harmonisation

 


Le Comité nota l’importance d’une commission uniquement pour les enfants. Il demanda si le gouvernement algérien prévoyait de créer un conseil national pour coordonner et harmoniser les activités des différents ministères. La délégation répondit qu’il y avait des commissions avec des activités transversales. Par exemple, il y a une commission interministérielle avec un mandat spécifique sur le travail des enfants, et un comité chargé de faire le suivi des activités qui portent en général sur les enfants. Il y a un groupe de travail dans le ministère de la justice pour harmoniser la législation. Il y a aussi un ombudsman pour la sensibilisation, la communication et l’enseignement. Il y a une commission des départements ministériels impliqués dans l’élaboration de la loi sur la protection de l’enfant avec l’aide d’experts étrangers et de l’UNICEF. De plus, il y a un comité pour la promotion et protection des droits de l’homme, avec une sous-commission pour les droits de l’enfant pour assurer la conformité aux Principes de Paris.

 


La société civile et les ONG

 


Le Comité demanda le degré de coopération avec les ONG. La délégation constata que le gouvernement coopérait avec des organes internationaux. Un guide avait récemment été produit en collaboration avec l’UNICEF, et il fut distribué à toutes les institutions concernées.

 


La participation des enfants

 


Le Comité constata l’importance de la participation des enfants et nota la contradiction avec les lois qui n’accordaient pas de droits civils ou de discernements aux enfants. La délégation souligna que l’opinion de l’enfant était prise en compte pour la « kafala » et qu’il y avait des projets dans les écoles et collèges pour permettre aux enfants d’exprimer leurs points de vue.

 


Le système de justice pour les mineurs

 


La délégation constata que la protection sociale des enfants était une priorité, avant la protection juridique. Les parents ou les tuteurs doivent être présents pendant l’interrogation, les enfants doivent voir un médecin avant de voir le procureur et un hébergement adéquat est garanti en attendant le jugement. Le premier recours est de laisser l’enfant avec ses parents ; le deuxième est de le mettre dans une institution spéciale ; et comme dernier recours dans une institution pénitentiaire. Il y a 88 centres pour les enfants en conflit avec la loi, qui sont sous surveillance judiciaire et pédagogique et sont revus de façon périodique.

 

Le Comité demanda quelles étaient les mesures alternatives pour remplacer la peine sévère d’emprisonnement allant jusqu’à 20 ans. La délégation expliqua qu’il y avait l’emprisonnement, la liberté conditionnelle, le travail en milieu fermé et le travail en milieu ouvert. Il y avait aussi des centres de rééducation pour les enfants qui avaient commis des délits. Il y avait un programme de formation pour le personnel travaillant avec les enfants en détention.

 


Mauvais traitement et l’exploitation

 


Le Comité nota les problèmes de mauvais traitement et de violence contre les enfants, où la situation différait entre la législation et sur le terrain. Il demanda si le gouvernement avait étudié cette question et s’il y avait un programme concret. Le Comité recommanda que le gouvernement fournisse de l’information expliquant les autres moyens de discipliner les enfants. La délégation constata que le châtiment corporel était interdit et passible de sanctions administratives, et parfois, si l’abus était grave, pouvait résulter en une peine d’emprisonnement. Il y avait un programme intersectoriel de formation et de prise en charge psychologique des enfants traumatisés par la violence. La délégation souligna que le signalement de la violence à l’école était obligatoire, sous peine d’emprisonnement ; et qu’il y avait un programme de lutte contre la violence (physique et verbale) avec des campagnes de sensibilisation, d’information et de formation.

 

Au Comité qui s’inquiétait à propos de l’article du Code Pénal sur l’inceste, la délégation répondit que cet article, n’étant pas clair, avait été supprimé.

 

Le Comité demanda ce que signifiait le terme « enfants en danger moral ». La délégation expliqua que ce sont des enfants en danger psychologique ou physique éventuel. Ils sont placés dans des centres de formation et de réforme par ordonnance du juge des mineurs. La délégation nota qu’il y avait eu une opération pilote de 750 enfants qui étaient fils de terroristes. L’objectif était d’assurer que ces enfants ne se sentent pas coupables et n’aient pas de colère enfouie.

 

Le Comité nota le problème de l’exploitation des enfants travailleurs et s’était renseigné sur l’efficacité des inspections. La délégation expliqua que les inspections étaient très importantes, mais qu’il y avait un problème juridique quand il n’y avait pas de relation formelle avec l’employeur. Le gouvernement a reconnu la nécessité de développer une stratégie nationale.

 


Les minorités et les réfugiés

 


Le Comité demanda quelles mesures avaient été prises concernant la préservation des cultures et des droits juridiques des minorités amazighes et nomades. La délégation constata qu’il y avait un centre de culture avec l’enseignement de la langue et des aspects pédagogiques pour les amazighes. La langue est enseignée dans les écoles et les institutions de formation. Il y a des difficultés concernant les nomades car ils se déplaçent, mais la délégation a dit qu’il y avait des internats primaires gratuits et que les nomades étaient inclus dans les campagnes de vaccinations. Le gouvernement fournit l’éducation dans les internats pour les enfants sahraouis. Jazaïry souligna que l’Algérie était un pays d’accueil pour les réfugiés, surtout les sahraouis, mais que la situation des amazighes, qui n’étaient pas réfugiées, était différente.

 


Les enfants nés hors mariage et la « kafala »

 


Le Comité avait été informé de la discrimination entre les enfants légitimes et les enfants nés hors mariage et recueillis de la kafala. Il avait l’impression que l’enfant était considéré comme un objet et demanda quelles étaient les mesures pour garantir sa protection. La délégation dit qu’il y avait une harmonisation entre le Code de la Nationalité et les droits de l’enfant et qu’il n’y avait aucune discrimination entre les enfants légitimes et ceux dans la kafala. Le gouvernement était en train de déterminer les moyens scientifiques pour prouver la filiation.

 

Le Comité demanda pourquoi les enfants nés hors mariage étaient mis dans une institution. La délégation expliqua que ces enfants étaient souvent abandonnés car ils étaient perçus comme un scandale social. Il y a 35 centres pour enfants, et un système administratif qui permet à la mère de reprendre l’enfant après deux mois ou de déclarer officiellement l’abandon. Dans ce dernier cas, le nom de la mère est enregistré. Il y a des centres spécialisés pour les enfants de 0 à 6 ans et d’autres pour ceux de 6 à 18 ans. Le Comité demanda si les mères célibataires bénéficiaient d’aides financières. La délégation répondit qu’il n’y avait pas de législation mais que ça serait une possibilité. Il y a trois centres d’accueil pour les femmes vulnérables qui fournissent une aide financière et morale.

 

Le Comité demanda ce qu’il se passait si les kafels divorçaient. La délégation expliqua que c’était toujours la mère qui « héritait » de l’enfant en cas de divorce ou de décès. Dans le cas d’une révocation de la kafala, l’enfant allait dans une institution. Le Comité demanda s’il y avait la possibilité de recueillir l’enfant à l’étranger. La délégation répondit que la kafala était possible dans d’autres pays musulmans.

 


Les jeunes filles

 


Le Comité exprima son inquiétude concernant la discrimination entre les filles et les garçons. La délégation souligna qu’il n’y avait aucune discrimination entre eux au niveau de l’éducation nationale (il y a 57 pourcent de filles).

 

Le Comité s’interrogea sur l’âge de mariage des jeunes filles. La délégation expliqua que le nouveau Code de la Famille augmenterait l’âge de mariage à 17 ans et nécessiterait un dossier médical avant le mariage et la présence d’un protecteur pour les filles ayant moins de 19 ans.

 


Les enregistrements de naissances

 


Le Comité réitéra la nécessité d’enregistrer toutes les naissances et nota les difficultés concernant les enfants nomades. Il constata que le délai pour l’enregistrement, sous peine de sanctions, était trop court et demanda que ce soit gratuit. La délégation répondit que le système d’enregistrement était assez performant et qu’il était gratuit. Il y avait la possibilité de sanctions, mais c’était plutôt au niveau de l’incitation, pour que les enfants puissent bénéficier des mesures essentielles pendant les premiers jours de leur vie.

 


L’éducation

 


Le Comité s’est informé sur l’impact du nouveau système éducatif pour mieux préparer les nouvelles générations. Il souligna l’importance de créer un climat de tolérance, de justice et de non-discrimination, et demanda si la réforme était durable. La délégation expliqua qu’une éducation à la citoyenneté, civique et religieuse, avait été instaurée dans les programmes scolaires et qu’elle abordait le contenu de la CDE. Le gouvernement travaillait aussi avec l’Union Européenne, le CICR et l’UNICEF afin d’établir une éducation globale. Ce programme étant récemment introduit, les effets n’en sont pas encore clairs. La délégation souligna que 20 pourcent du budget de l’Etat était consacré à l’éducation.

 

Le Comité s’est informé sur l’éducation religieuse, et demanda s’il y avait un programme de modernisation des écoles religieuses. La délégation expliqua qu’il n’y avait pas d’écoles religieuses et que l’enseignement religieux avait lieu dans les écoles publiques. Tous aspects contre les valeurs universelles avaient été éliminés.

 

Le Comité avait aussi des questions à propos de l’école obligatoire et le nombre d’enfants qui ne terminaient pas leurs études. La délégation clarifia que l’école était obligatoire jusqu’à 15 ans et que la proportion d’abandons n’était pas élevée.

 

Le Comité s’est informé sur la qualité de l’éducation, surtout pour les enfants en bas âge, et la formation des enseignants. La délégation constata que 100 000 enfants (près de 20 pourcent) suivaient l’éducation publique préscolaire en 2005 et que ce pourcentage augmenterait jusqu’à 80 pourcent dans les années à venir (le dernier 20 pourcent étant pour l’assistance des groupes communautaires, religieux, etc.) La délégation nota qu’il y avait des programmes de solidarité scolaire pour aider les familles nécessiteuses afin de réduire le problème de la déperdition, surtout chez les filles. Il y avait aussi des programmes qui ciblaient des régions spécifiques pour éviter les disparités et un programme de transport avec 1600 voitures pour transporter les enfants aux écoles et cantines. De plus, il est possible de suivre une formation par correspondance. La formation des enseignants est au niveau universitaire. En 2005, il y avait 10 000 enseignants détenteurs d’une licence.

 

Le Comité s’est informé sur les réformes de la cantine et du nombre de bénéficiaires. La délégation expliqua qu’il y avait un budget réservé par l’Etat pour les cantines scolaires. Les régions difficiles avec des populations aux moyens limités sont prioritaires. Le budget pour l’alimentation a doublé et le nombre de bénéficiaires a augmenté jusqu’à deux millions.

 


La santé

 


Le Comité demanda quelles étaient les mesures pour réduire les taux de mortalité maternelle et infantile. La délégation nota qu’un système de santé complètement gratuit avait été développé. Elle constata que les taux de mortalité maternelle et infantile avaient été sensiblement réduits depuis les années soixante.

 

Le Comité s’est informé sur l’accès à la contraception et les disparités entre les zones rurales et urbaines. La délégation expliqua qu’il y avait accès à la planification familiale et aux préservatifs en pharmacies, et que la différence entre les zones était moins d’un pourcent.

 

Le Comité demanda s’il y avait un programme prévu pour la lutte contre le SIDA. Le problème de VIH/SIDA n’étant pas très grave. Cependant, il y a quand même une approche nationale qui a été mise en place très tôt, en plus d’une coopération entre les départements ministériels et les ONG afin d’assurer la prévention, la diminution des risques et l’accès gratuit à la tri-thérapie.

 


Les enfants handicapés et retardés

 


Le Comité s’est informé sur la situation des enfants handicapés et les mesures qui existaient pour les aider, et exprima son inquiétude à propos de l’accès aux services publics, l’utilisation des moyens de transport et l’accès à l’école. La délégation constata qu’il y avait 250 institutions spécialisées, financées par le gouvernement. Un réseau de 110 instituts qui prend en charge les enfants handicapés et près de 80 centres pour les enfants retardés. Il y a 17 écoles pour les malvoyants et beaucoup de ces enfants ont passé le baccalauréat et obtenu de très bons résultats. Les enfants handicapés reçoivent des cartes d’accès gratuit aux transports en commun. La délégation souligna que ces enfants handicapés avaient un suivi individualisé tout en ayant la même éducation que les autres enfants. Il y a un fond de solidarité pour les enfants et un comité de santé qui enregistre tous les besoins des enfants (et des adultes) handicapés. Le 4 mars est devenu la journée nationale pour les handicapés. La délégation nota que les ONG nationales et internationales ont joué un rôle positif, par exemple en achetant des chaises roulantes.

 


Conclusion

 


Les rapporteurs remercièrent la délégation et reconnurent le progrès réalisé, mais ils soulignèrent quelques préoccupations persistantes. Ils notèrent surtout le problème des déclarations interprétatives et la nécessité d’un plan d’action national beaucoup plus cohérent. De plus, ils constatèrent que le budget pour les secteurs sociaux devrait être approfondi; que le système de collecte de données devrait être amélioré; que la coopération avec la société civile et les ONG devrait être augmentée; qu’il fallait trouver des solutions pour réduire la violence, surtout dans les institutions; qu’il fallait tenir compte des droits des enfants sahraouis et amazighes; et que les efforts pour la réduction de la mortalité maternelle, prénatale et infantile devraient continuer.

 

L’Ambassadeur réaffirma que la société algérienne était en pleine transformation. Il trouva l’échange des points de vue très enrichissants et reconnu qu’il restait beaucoup a faire. Il réaffirma l’importance des grandes valeurs internationales et la volonté politique du gouvernement d’atteindre ces objectifs.

 

 

Préparé par le Groupe des ONG pour la Convention relative aux Droits de l’Enfant/Liaison Unit

 

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