COTE D’IVOIRE : Grosses incertitudes pour des milliers d’élèves

Summary: Les autorités ivoiriennes ont décidé - pour éviter une année blanche aux élèves - de re-découper l’année académique en deux semestres au lieu des trois trimestres habituels, tout en reportant à plus tard les examens scolaires prévus initialement dans un mois.

(Abidjan, le 18 mai 2011) - Ces mesures ne garantissent toutefois pas le sauvetage de l’année scolaire 2010-2011 en cours, estiment certains acteurs de l’éducation en Côte d’Ivoire.

En effet, malgré l’appel à la reprise des cours, lancé à la mi-avril par le gouvernement, une vingtaine d’écoles primaires et secondaires, selon le ministère de l’Education nationale, restent encore fermées à Abidjan, notamment à Yopougon et Abobo, deux quartiers au nord de la capitale économique ivoirienne, mais aussi à l’intérieur du pays.

Les écoles de ces deux quartiers ont subi de gros dégâts lors des récents combats entre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) proches du nouveau président Alassane Ouattara et les forces fidèles au président déchu, Laurent Gbagbo, pendant la crise ayant suivi l’élection présidentielle du 28 novembre 2010.

Dans les écoles en bon état, tous les enseignants n’ont pas encore regagné leur poste. D’autres établissements, comme le Collège Lemania de Cocody-II Plateaux (ouest d’Abdjan), qui accueille normalement plus de 3.000 élèves, est toujours occupé par les combattants des FRCI et des déplacés de guerre depuis près trois mois, a constaté IPS. Ce qui a conduit à la fermeture de l’établissement.

Par ailleurs, le ministère fait état d’un manque de mobiliers dans les classes dans 80 pour cent des établissements disponibles.

Dans un rapport intitulé "Urgence", publié le 16 mai, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) souligne que "de nombreuses écoles ont été fermées pendant plusieurs mois, privant plus de 800.000 enfants d’accès à l’éducation. Les écoles sont à présent en train de rouvrir, mais jusqu’à présent, seulement 400.000 enfants sont revenus en classe".

"Il y a non seulement des problèmes de logistique, mais il y a surtout l’insécurité qui règne. Car il ne faut pas ignorer que de nombreux enseignants ont toujours affiché à l’école, comme en dehors, leur soutien politique au régime déchu", déclare Victor Kouamé, professeur de lettres modernes à Abidjan. "Il y en a qui sont la cible de règlements politiques et qui préfèrent se mettre à l’abri", révèle-t-il à IPS, ajoutant que d’autres ne reviennent pas encore l’école parce que leurs maisons ont été saccagées et pillées.

Selon Germaine Blé, une mère de quatre élèves, l’autre grosse difficulté est la question des multiples déplacements auxquels environ 50.000 élèves ont été confrontés pendant la crise. En effet, en raison des conflits interethniques dans l’ouest et des combats à Abobo, des familles étaient contraintes de se déplacer vers des zones sécurisées. Et le gouvernement Gbagbo avait demandé aux élèves de s’inscrire dans les établissements de leur ville d’accueil.

"Même s’il faut attendre deux ans avant de renvoyer mes enfants à l’école, je le ferai. Sinon, je ne peux plus continuer à leur faire changer d’école chaque fois", a affirmé François Boni Blé, la mari de Germaine.

De son côté, Moussa Kamagaté, élève en classe de terminale au Lycée moderne de Treichville, (sud d’Abidjan), ne semble plus croire à un avenir sur les bancs. "Les universités sont fermées; alors comment allons-nous être orientés après le baccalauréat, quand on sait que les bacheliers de l’année dernière n’ont pas encore été orientés?", s’interroge-t-il.

A l’intérieur du pays, il y a aussi un retard au démarrage des cours. "Nous n’avions pas repris parce qu’on ne savait pas qui faisait quoi dans la zone. Alors, il y a eu une réunion avec les responsables des FRCI. L’école a donc partiellement repris ce lundi (16 mai) avec une présence de 60 pour cent des élèves et autant d’enseignants", rapporte Rolande N’dri, enseignante dans une école primaire de Ouragahio, dans l’ouest du pays.

"Nous avons accusé un gros retard dans les programmes sur les autres écoles et c’est dommage. Avec la grande saison des pluies qui s’annonce, nous craignons que des parents ne viennent chercher leurs enfants pour les travaux champêtres", dit-elle à IPS.

Si la situation est très complexe dans le sud, elle est loin d’être reluisante dans les zones du centre, nord et ouest (CNO) de Côte d’Ivoire. Des problèmes demeurent, même si un rapport, publié le 11 mai par l’UNICEF et l’ONG internationale 'Save the Children', montre que 85 pour cent des écoliers de ces zones sont de retour en classe.

Le rapport souligne que plusieurs défis restent à surmonter du fait qu’un tiers des enseignants sont toujours absents. De plus, 80 pour cent des écoles publiques dans ces zones n’ont pas de tables et de chaises pour les élèves, tandis qu’environ 75 pour cent n’ont pas de latrines.

"Il est encourageant de voir la plupart des écoliers retourner en classe en zones CNO. Mais nous devons maintenant nous occuper des 83.000 enfants (nouvellement) inscrits à l’école et qui n’ont toujours pas repris les cours", admet le ministre de l’Education nationale, Kandia Camara.

Dramane Tuo, inspecteur de l’enseignement primaire à Abidjan, a déclaré: "Il est clair que si les cours continuent et que des examens sont programmés, ce sont des milliers d’enfants qui n’auront pas la chance d’être évalués. Et d’autres aussi seront tentés d’abandonner les classes".

"Déjà au nord, il y a eu deux années perdues pour certains élèves entre 2002 et 2004", suite à la rébellion de 2002, rappelle Tuo. "Il faut désormais trouver un système de mise à niveau afin de permettre un équilibre avec ceux du sud qui sont en passe d’en perdre une. Parce qu’à la vérité, il sera difficile de sauver cette année scolaire pour une grande partie de ces enfants", ajoute-t-il.

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6526

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