Bulletin n°189

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18 Octobre 2017 subscribe | subscribe | submit information
  • Bulletin n° 189

    Dans ce numéro

     

    Actualités des droits de l'enfant en justice

     

    Peuples autochtones

    Le gouvernement canadien et les victimes ontariennes de la rafle des années 1960 sont parvenus à une entente pour régler la procédure collective relative à la politique menée par le Canada dans les années 60 qui enlevait des enfants autochtones à leur famille pour les confier à des non-Autochtones au Canada, aux États-Unis et en Europe. Le gouvernement indemnisera des milliers de victimes à hauteur de 25 000 à 50 000 dollars, et allouera 100 millions de dollars à des initiatives de réconciliation. En février dernier, après huit ans de procédure, la Cour supérieure ontarienne avait estimé que le gouvernement fédéral avait failli à son devoir d’aider les enfants à conserver leur identité autochtone. D’autres poursuites similaires ont lieu dans d’autres parties du pays.

    Toujours au Canada, les départs de membres de la Commission qui  enquête sur les disparitions et assassinats de femmes et de  filles autochtones se multiplient. L’un des motifs invoqués pour ces démissions de protestation est la structure « coloniale » de l'enquête. La grande chef de la Première Nation Keewatinowi Okimakanak a appelé la Commissaire en chef à démissionner, expliquant que les familles des membres des disparus veulent un redémarrage complet de l'enquête.  

    Violences sexuelles

    En Inde, la Cour Suprême a rendu une décision assimilant à un viol les rapports sexuels avec une mineure, même quand celle-ci est mariée à l’agresseur. L’Inde, où le mariage est autorisé à partir de 15 ans, compte 23 millions de mineures mariées.

    En France, un homme ayant eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans n’est pas poursuivi pour viol (qualification qui requiert un acte de pénétration commis par violence, contrainte, menace ou surprise), mais pour « atteinte sexuelle sur mineur » (sans violence, contrainte, menace ni surprise). Le Parquet a donc considéré qu’en l’absence de résistance,  la victime était consentante. La jurisprudence en France considère que le « très jeune âge » d’un enfant peut impliquer qu’il y a nécessairement « contrainte ou surprise », mais la loi ne prévoit pas d’âge en dessous duquel cela serait systématiquement le cas. Des associations demandent la mise en place d’une « présomption d’absence de consentement pour les jeunes mineurs victimes de viol ou d’agression sexuelle ». Une sénatrice a déposé une proposition de loi en ce sens.

    Santé et environnement

    Dans la région du Portugal frappée par des incendies dans lesquels 60 personnes sont décédées, des enfants lèvent des fonds pour introduire un recours en justice contre les pays européens pour leur incapacité à agir contre le changement climatique. Ce recours, soutenu par le Global Legal Action Network, devrait être introduit auprès de la Cour européenne des droits de l’homme contre plusieurs gouvernements. Il est normalement nécessaire d’épuiser les recours internes avant de s’adresser à la Cour, mais dans ce cas, les requérants souhaitent soumettre l’affaire directement à la Cour, arguant qu’une solution ne peut être trouvée qu’à un niveau international.

    En France, une mère de famille souhaite attaquer Monsanto en justice, accusant un pesticide d’être responsable de l’état de santé de son fils. Elle avait été exposée au glyphosate pendant sa grossesse. Elle devra cependant prouver le lien entre le composant chimique et les malformations des systèmes respiratoire et digestif de l’enfant. Au même moment, le vote sur la réautorisation pour dix ans en Union Européennede ce désherbant a été repoussé pour la troisième fois, dans un contexte de pressions de la part du groupe Monsanto, et d’accusations de partialité pesant sur une étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui avait conclu que le composant ne devrait pas être classé comme cancérigène.

    Filiation

    Au Maroc, la cour d’appel de Tanger a invalidé une décision de première instance, considérée comme historique, qui avait reconnu la filiation parentale d’une enfant née hors mariage sur la base d’un test ADN. La décision n’équivalait pas pour autant à une reconnaissance de paternité, qui nécessite en droit marocain un lien conjugal. Le père n’avait donc pas été condamné à verser une pension, mais des dommages sur la base de la responsabilité délictuelle. Il s’agissait d’un raisonnement permettant de contourner une législation discriminatoire pour les enfants nés hors mariage, mais la cour d’appel n’a pas voulu confirmer une décision aussi « révolutionnaire ». La mère a annoncé qu’elle se pourvoyait en cassation.

    En France, une cour d’appel a autorisé à maintenir le double lien de filiation d’une enfant née d’une relation entre une femme et son demi-frère, en basant son raisonnement sur l’intérêt de l’enfant. Le Code civil français prévoit normalement que lorsqu’il existe entre les deux parents un lien de parenté qui empêche le mariage, la filiation ne peut être établie qu'à l’égard d'un des parents. Dans ce cas, la filiation maternelle, ayant été établie en second, avait été annulée suite à la découverte du lien de parenté entre les deux parents de l’enfant, qui ignoraient qu’ils étaient nés de la même mère. Suite à l’appel formé par la mère de l’enfant, la cour a décidé que dans les circonstance de l’espèce, l’annulation du lien de filiation maternelle aurait des conséquences dommageables sur la construction de l’identité de l’enfant, et que par conséquent l’intérêt supérieur de l’enfant exigeait de maintenir ce lien.

    Terrorisme et justice des mineurs

    Au Nigéria, les premiers procès collectifs de présumés membres de Boko Haram ont débuté, les audiences se tenant à huis clos dans le plus grand secret. Ces audiences ont jusque là permis de condamner 45 personnes, d’en relaxer 468 (tout de même enjointes de suivre un programme de déradicalisation) et d’officialiser la détention provisoire de trois cent suspects. Mais des milliers de personnes, dont des mineurs, attendent toujours d’être entendues par la justice, et sont détenues sans avoir eu accès à un avocat. En huit ans, seules 13 personnes ont été jugées et neuf condamnées, selon des chiffres officiels.

    Une nouvelle mesure contre le terrorisme en Australie pourrait permettre de détenir pendant deux semaines des enfants à partir de l’âge de 10 ans. La mesure fait partie d’un accord entre le gouvernement fédéral et les états pour créer de nouvelles infractions liées au terrorisme, ainsi qu’une base de données commune à toutes les juridictions australiennes pour identifier les suspects d’un large spectre d’infractions pénales. Le gouvernement a présenté ces mesures comme un moyen de lutter contre la menace terroriste, notamment contre les enfants recrutés par des organisations terroristes. Des membres de la société civile, des professionnels du droit et des membres de l’opposition se sont élevés contre cet accord.

    Peine de mort

    Aux États-Unis, un homme qui était en prison depuis l’âge de 15 ans a été exécuté. Les condamnations à mort de personnes mineures au moment des faits sont prohibées, mais dans ce cas, la condamnation à mort a été prononcée pour des faits commis en prison à l’âge de 20 ans.

    En Iran, un adolescent de 17 ans doit être exécuté le 19 octobre prochain, alerte Amnesty International. Il a été arrêté en 2016 et reconnu coupable de meurtre et de viol six mois plus tard, après qu’un tribunal pénal de Téhéran a conclu qu’il avait atteint la « maturité psychologique ». Ce même tribunal a considéré que ce raisonnement était conforme à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, dont l’article 37 stipule pourtant : « Ni la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ».

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    Les droits de l'enfant aux Nations unies

     

    Actualités

    Conseil de sécurité

    L’Arabie saoudite a finalement été ajoutée à la liste noire des parties à des conflits ayant commis des violations graves des droits de l’enfant. Celle-ci est publiée chaque année en annexe du rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, dont l’édition 2016 a été présentée début octobre au Conseil de sécurité. L’année dernière, l’Arabie saoudite avait brièvement figuré sur la liste avant d’en être retirée sous la pression de Riyad. Cette année, le pays figure bien sur la liste, mais dans la catégorie des pays prenant des mesures pour éviter les attaques contre les enfants, ce qu’Amesty International a qualifié de minimisation des crimes de la coalition. Le rapport traite des graves violations auxquelles les enfants ont fait face dans les situations de conflit en 2016, perpétrées par toutes les parties, forces nationales et groupes armés non étatiques.  

    Virginia Gamba, La Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés a déclaré dans un communiqué que des enfants de pays tels que l’Afghanistan, la République démocratique du Congo, l’Irak, la Somalie, le Soudan du Sud, la Syrie et le Yémen ont subi un niveau choquant de violations. Dans 20 pays, au moins 4 000 violations vérifiées ont été commises par des forces gouvernementales et plus de 11 500 par des groupes armés non étatiques. Au moins 1 340 enfants au Yémen, et 1 299 en Syrie ont été tués ou mutilés. Le rapport fait également état de 851 cas vérifiés de recrutement d’enfants en Syrie(le double par rapport à 2015), et de 1 915 cas en Somalie.

    Transparence dans le traitement des affaires d'abus sexuels

    Lors d’une Réunion de haut niveau sur la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles, le Secrétaire général a présenté Jane Connors, la Défenseure des droits des victimes récemment nommée. Ce poste a été créé pour développer « des mécanismes et des politiques à l'échelle du système afin de promouvoir des processus fiables tenant compte des différences entre les sexes et du cas des enfants et permettant aux victimes et aux témoins de déposer des plaintes ».

    Ces mesures sont annoncées alors que la mission de l’ONU en Centrafrique a reçu de nouvelles allégations d’abus sexuels sur mineur commis par des casques bleus.

    Conseil des droits de l’homme

    Le Conseil des droits de l’homme a tenu sa 36ème session du 11 au 29 septembre. Nous présentons brièvement ci-dessous certains des rapports présentés et des résolutions adoptées concernant les droits de l’enfant. Vous trouverez plus d’informations dans notre bulletin consacré aux Nations unies (en anglais). Tous les rapports qui ont été présentés lors de cette session sont disponibles à cette adresse. Vous pouvez également consulter les résolutions adoptées.

    Mineurs étrangers non accompagnés

    Une résolution, appelant les États à « toujours donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant, en particulier en ce qui concerne les enfants en transit ou qui passent des frontières, notamment lors de l’élaboration de politiques relatives à l’intégration, au retour ou au regroupement familial, de procéder à des évaluations de l’intérêt de l’enfant individualisées et approfondies pour cerner les besoins de protection des enfants et des adolescents migrants » a été adoptée sans vote.

    Par ailleurs, le rapport final du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme a examiné la question des procédures de détermination de l’âge dans l’Union européenne, qu’il a jugées « souvent intrusives et peu fiables », et « souvent systématiques, sans égard pour la dignité ou les droits de l’enfant et contrairement au principe selon lequel cette procédure ne devrait être appliquée qu’en dernier ressort ».

    Substances toxiques et droits de l’homme

    Baskut Tuncak, le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux a présenté des lignes directrices sur les bonnes pratiques dans son rapport au Conseil des droits de l’homme. Il a rappelé que les droits des enfants sont toujours gravement menacés, et que les États ont l’obligation de prévenir l’exposition à des pollutions toxiques pendant l’enfance. Les lignes directrices montrent comment les États peuvent adapter leur législation, leurs politiques et leurs pratiques à leur propres circonstances. Par ailleurs, le mandat du Rapporteur a été prolongé de trois ans.  

    Droit des peuples autochtones

    Lors du débat annuel sur les droits des peuples autochtones, Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme a déclaré que beaucoup d’enfants issus de peuples autochtones vivent en marge de la société, sans opportunités ni protection. La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli, a présenté un rapport sur sa visite en Australie. Le rapport fait état de violations massives des droits des enfants aborigènes en détention.

    Yémen

    Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté une résolution autorisant une enquête sur les allégations de crimes de guerre au Yémen. Des experts internationaux et régionaux devraient être nommés d’ici la fin de l’année pour enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme commises par toutes les parties depuis le début du conflit en septembre 2014. Après plusieurs jours de négociations, le Conseil a ainsi retenu une solution intermédiaire entre la proposition des pays européens (création d’une commission d’enquête internationale) et celle des pays arabes (simple mission d’assistance à la commission nationale).

     

    La Francophonies aux Nations unies en bref 

    Ratification
    La République centrafricaine a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.


    Procédures spéciales
    - Le groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes se rendra au Tchad du 4 au 14 décembre 2017.        

    Organes des traités

    Sessions récentes 
    - Le Comité des droits de l’enfant a examiné les rapports de la Guinée sur le Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et sur le Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés lors de sa 72ème session en septembre dernier. Lire le communiqué. Les observations finales du Comité sont disponibles sur la page de la session.
    - Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport initial du Gabon lors de sa 13ème session. Les observations finalesappellent notamment l’Etat partie à réprimer pénalement la soustraction d’enfants et la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant de la véritable identité des enfants.

    Sessions à venir
    - Le Comité des droits de l’homme examine les rapports du Cameroun, de la République Démocratique du Congo et de Maurice lors de sa 121ème session qui se tient du 16 octobre au 10 novembre 2017.
    - Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes examinera les rapports du Burkina Faso et de Monacolors de sa 68ème session, qui se tiendra du 23 octobre au 17 novembre 2017.
    - Le Comité contre la torture examinera les rapports du Cameroun, de Maurice et du Rwanda lors de sa 62ème session qui se tiendra du 6 novembre au 6 décembre. Il adoptera la liste de points à traiter pour l’examen du rapport de la Mauritanie, et la liste de points à traiter avant soumission du rapport pour la Suisse.

    Dates limites des contributions de la société civile pour les pays francophones 

    29 janvier 2018 :
    - contributions pour la liste de points à traiter avant soumission du rapport, pour l’examen d’Andorre par le Comité contre la torture, lors de sa 63ème sessionPlus d’informations.
    - contributions pour l’examen des rapports du Luxembourg par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lors de sa 69ème session.
    19 février 2018 : contributions pour l’examen des rapports de laRépublique centrafricaine et du  Niger par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels lors de sa 63ème sessionPlus d’informations.
    1er mars 2018 : contributions pour la pré-session du Comité des droits de l’enfant concernant l’examen de la Belgique.
    13 mars : contributions pour la pré-session du Comité des droits économiques, sociaux et culturels concernant l’examen du Cameroun et de MauricePlus d’informations.
    26 mars 2018 : contributions pour l’examen du rapport du Sénégal par le Comité contre la torture, lors de sa 63ème sessionPlus d’informations.
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    Annonces

     

    Appels à contribution

    Appel à projet

    Opportunité de financement de l’Union Européenne sur la violence contre les enfants, pour des projets nationaux ou transnationaux, ouverts à des candidats des pays membres de l’UE et d’Islande.
    Plus d’informations
    Date limite : 14 novembre 2017

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    Le mot de trop...

    ECôte d’Ivoire la question du nom donné aux jeunes mineurs membres des gangs violents fait l’objet de nombreuses tribunes d'opinion. Le terme « microbes » est communément utilisé, mais récemment, les défenseurs des droits de l’enfant, suivis par le gouvernement, ont tenté d’imposer l’expression « enfants en conflit avec la loi », déclenchant un vif débat entre les partisans de l’une et de l’autre dénomination.

    Cette habitude de déshumaniser par le langage n’est pas spécifique à la Côte d’Ivoire. En France, on se souvient d’hommes politiques parlant  de « sauvageons » et  de « racaille » pour désigner des jeunes en conflit avec la loi - ou présentés comme tel. Les forces de police parlent désormais d’« évincer les nuisibles » des rues où des jeunes se rassemblent. Comme au Congo Brazzaville, l’objectif annoncé est d’« éradiquer » le phénomène.

    Dans certains cas, ces groupes de jeunes commettent des actes extrêmement violents, dans d’autres, ils ne font rien d’autre qu’être là, dans leur quartier. Quel que soit le degré de violence réel, perçu ou ressenti, la déshumanisation par le vocabulaire utilisé par les autorités ou l’opinion publique se double malheureusement souvent de violations des droits de l’homme, par les autorités ou la population, parfois graves.

    Et pendant que les querelles sémantiques continuent en Côte d’Ivoire, rares sont ceux qui dénoncent la stigmatisation de ces enfants, et les violences dont ils sont eux-mêmes victimes en représailles.

    Il serait peut-être plus simple d’appeler un enfant, enfant

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