CRINmail 140:
Dans ce numéro
A la une : Enfants réfugiés et demandeurs d'asile
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Etats Unis : situation critique pour les mineurs non accompagnés
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Australie : santé mentale des enfants détenus
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France : avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme
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Europe : incapacité à identifier les migrants disparus
Actualités
A la une : enfants réfugiés et demandeurs d’asile
Les exemples récents de violations des droits des enfants migrants ne manquent pas. L'actualité, en particulier aux Etats-Unis, a conduit le Président du Comité des Nations Unies pour la protection des droits des travailleurs migrants à appeler à mettre fin à la détention des enfants sur la base de leur statut d'immigrant. Aux Etats-Unis, mais aussi en Australie et en France, pour ne citer que les affaires qui font l'actualité, les états échouent à protéger ces enfants, parfois non accompagnés, toujours vulnérables.
Etats-Unis : Plus de 50 000 enfants non accompagnés sont arrivés de pays d’Amérique centrale depuis octobre dernier. 7 000 d’entre eux étaient détenus début juillet dans des centres de détention proches de la frontière. La situation humanitaire à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique devient très préoccupante, et le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon a appelé à prendre les mesures nécessaires pour protéger «les mineurs non accompagnés, y compris des enfants de moins de sept ans, [qui] effectuent un voyage dangereux, souvent avec la complicité de réseaux de passeurs sans scrupules qui les exploitent et les exposent à des abus ».
Navy Pillai, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a de son côté dénoncé le projet de Washington de renvoyer ces mineurs non-accompagnés vers leur pays d’origine. La chambre des représentants a en effet voté une loi facilitant l’expulsion des mineurs clandestins.
Par ailleurs, un groupe d’organisations a déposé une plainte collective contre le gouvernement américain qui ne fournit pas d’avocat à ces enfants, les laissant souvent comparaître sans assistance devant les Cours de justice.
Australie : La Commission australienne des droits de l’homme enquête cette semaine sur la santé mentale des enfants clandestins. Plus de 650 mineurs sont actuellement détenus sur le sol australien en attendant l’étude de leur demande d’asile. Une pédiatre qui s’est entretenue avec plus de 200 familles détenues dans les îles Christmas décrit des enfants traumatisés, avec des pensées suicidaires ou qui s'automutilent. Pour le psychiatre Peter Young, ancien responsable des centres de rétention, « les conditions sont tellement dures, que quels que soient les soins, on ne peut pas garantir leur santé mentale. » Lire l’article.
Par ailleurs, 153 demandeurs d’asile du Sri Lanka, dont au moins 50 enfants, ont été détenus pendant plusieurs semaines sur un bateau en haute-mer, en attendant leur expulsion. Lors de leur détention en mer, les autorités australiennes ont tenté de les forcer à embarquer sur des bateaux de sauvetage pour rejoindre les côtes indiennes, se contentant d’apprendre à 9 adultes et 2 enfants à piloter ces embarcations. Le gouvernement a finalement accepté de débarquer ces demandeurs d’asile sur le sol australien, pour ensuite les transférer vers le centre de détention de Nauru, sans en informer leur avocat.
France : Le Centre Primo Levi, qui accueille et soigne les victimes de tortures et de violences politiques réfugiées en France a publié un manifeste sur l’accueil des enfants victimes de torture, à l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin dernier.
Par ailleurs, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a publié fin juin un avis sur la prise en charge des jeunes isolés non accompagnés. L’avis dénonce un climat de suspicion généralisée et se prononce contre les tests osseux pour déterminer l’âge des jeunes. Il recommande d’établir un principe de « présomption de minorité, elle-même fondée sur deux présomptions : la présomption de validité des documents produits et celle de la légitimité de leur détenteur ».
L’avis prône également une meilleure justiciabilité des refus de prises en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. En 2011, le Conseil d’Etat avait en effet rejeté la requête d’un jeune non accompagné se disant mineur. Le Conseil d’Etat avait argumenté qu’un mineur non-émancipé n’avait pas la capacité pour agir en justice, alors que cette minorité était paradoxalement contestée par les autorités publiques locales. En mars 2014, cette jurisprudence a été allégée, et le Conseil d’Etat reconnaît désormais la possibilité pour un mineur, dans certains cas, de saisir le juge de référés pour obtenir une mesure provisoire de protection d’une liberté fondamentale (voir paragraphe 32 de l’avis de la CNCDH). Lire l’avis de la CNCDH.
Europe : Des chercheurs de l’université de York ont publié un document d’information sur la manière dont l’Europe pourrait mieux gérer les décès et disparitions de migrants qui traversent la Méditerranée. L’Europe ne dispose en effet à l’heure actuelle d’aucun système pour identifier les corps des migrants, laissant leurs familles dans l’incertitude quant à leur sort. Simon Robins, l’un des auteurs du document, souligne que l’identification des corps est un « impératif, et une responsabilité morale et légale ». Le Comité International de la Croix Rouge sollicite l’allocation de ressources à l’identification des migrants décédés en mer, mais pour l’heure, aucun mécanisme n’a été mis en place. Lire l’article Lire le document (en anglais).
Actualités
Travail des enfants
La Bolivie a autorisé le travail des enfants à partir de 10 ans. Cette modification de la loi était réclamée par le syndicat des enfants travailleurs, l’Unastbo, mais est vivement critiquée par de nombreuses institutions opposées au travail des enfants, dont l’UNICEF et l’Organisation Internationale du Travail. Le nouveau code de l'enfant et de l'adolescent prévoit qu’« exceptionnellement, les services de défense de l'enfance [puissent] autoriser les enfants et adolescents de 10 à 14 ans à travailler à leur compte et les adolescents de 12 à 14 ans à travailler pour une tierce personne, à la condition que cette activité ne nuise pas à leur droit à l'éducation et qu'elle ne soit pas dangereuse ». Le gouvernement justifie la mesure en expliquant qu’elle permettra une meilleure protection des enfants travailleurs. Ceux-ci bénéficieront du même salaire et des mêmes droits sociaux que les adultes, et verront leur journée de travail limitée à 6 heures. Lire l’article.
Justice des mineurs
Un rapport du département de la justice aux Etats-Unis fait état de l'extrême violence qui règne dans les centres de détention pour mineurs à New York. Les gardiens soumettent les adolescents à un «usage croissant de force excessive et inutile», et utilisent l'isolement de manière abusive, en particulier pour les détenus atteints de troubles mentaux. Le procureur de Manhattan Preet Bharara a déclaré : «La conclusion en bout de ligne est celle-ci : selon notre enquête, pour les détenus adolescents, Rikers Island n'a plus sa raison d'être». Lire l'article. Lire le rapport (en anglais).
Droits LGBT
En Ouganda, la loi anti-homosexualité adoptée en février dernier a été annulée par la Cour constitutionnelle, qui a estimé que le quorum lors du vote du Parlement n'avait pas été atteint. Cette loi prévoyait notamment l'obligation de dénoncer les homosexuels et la répression de la « propagande homosexuelle ». Le Secrétaire général de l'ONU a salué une « victoire du droit ». Cependant, les relations homosexuelles en Ouganda restent interdites, et sont toujours passibles de l'emprisonnement à vie. Lire l'article.
Accès à l'éducation
En France, l'ONG European roma rights centre (ERRC) a mené l’enquête dans six bidonvilles sur l'accès à l'éducation des enfants de la communauté rom. On savait déjà que seul un tiers des enfants vivant dans des camps de fortune étaient scolarisés. L'enquête d'EERC révèle que 60 % des cas de non scolarisation sont dus à l’obstruction administrative des maires, qui prétextent généralement l’absence de lien avec la commune, faute d’adresse précise. Les évacuations par les forces de l'ordre sont également en cause, même si la jurisprudence pourrait évoluer suite à la décision du tribunal de Bobigny de ne pas évacuer un camp où 90% des enfants étaient scolarisés. Lire l'article. Lire le communiqué de presse de l'ERRC. Voir la vidéo : des enfants roms parlent de l'accès à l'éducation en France (ERRC).
Conflits armés
Le rapport annuel du représentant spécial sur les enfants et les conflits armés a été publié début juillet. Il documente « les cas d’enfants recrutés et utilisés par sept armées nationales et 50 groupes armés qui font la guerre en République centrafricaine, au Soudan du Sud, en Syrie, et dans 11 autres pays » a déclaré Leila Zerrougui, la Représentante spéciale.
Le Tchad n’y est plus listé comme pays recrutant des enfants dans les forces armées, pour la première fois depuis 5 ans. Cependant l’ONG Child Soldiers International insiste sur le fait que les efforts doivent se poursuivre pour assurer que ces progrès soient durables, et rappelle que les enfants Tchadiens risquent toujours d’être recrutés illégalement dans les forces armées. L’organisation a publié, en partenariat avec l’UNICEF, un livret de sensibilisation en français.
Territoires Palestiniens Occupés : Le 8 juillet dernier, l’armée Israélienne lançait l’opération « Bordure protectrice », dans le but de détruire les tunnels utilisés par les groupes armées palestiniens en bordure de la bande de Gaza. Après un mois de conflit, Israël a retiré ses troupes et un cessez-le-feu est en vigueur depuis le 5 août. La population civile de Gaza, et en particulier les enfants, a été la première victime de ce conflit meurtrier. Des écoles gérées par les Nations Unies et qui servaient de refuge à des civils, ont été la cible de trois attaques en 10 jours, faisant plusieurs dizaines de victimes. Parmi les 1 867 palestiniens tués depuis le 8 juillet, il y aurait 400 enfants de moins de moins de 14 ans. Lire l’article Gaza, les enfants du malheur, sur Libération.fr. Cinq actions simples pour aider Gaza (en anglais).
République Centrafricaine : Des femmes et des filles réfugiées à Bambari accusent des soldats de la Misca (La Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique) de violences sexuelles. Les soldats utiliseraient leur fonction et l’extrême vulnérabilité des réfugiées pour les exploiter sexuellement. Lire l’article.
République démocratique du Congo (RDC) : Les Nations Unies ont publié un rapport sur le sort des enfants en temps de conflit armé en RDC. Le rapport indique que le recrutement d’enfants dans les forces armées est demeuré endémique entre 2010 et 2013, mais salue l’adoption d’un plan d’action en 2012, qui a permis la libération de centaines d’enfants. Lire l’article.
En juillet, le président Joseph Kabila a également nommé Mme Jeannine Mabunda Lioko Mudiayi comme Conseillère Spéciale du Chef de l'Etat en matière de lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d'enfants.
Deux émissions de radio, l’une sur France culture, l’autre sur Radio Okapi, ont été récemment consacrées aux enfants recrutés comme soldats en RDC.
Projets de lois
Au Sénégal, un projet de loi sur l’établissement d’un Défenseur des enfants sera prochainement soumis à l’examen du Conseil des ministres, a promis Mouhamadou Moustapha Séye, directeur des droits humains au Ministère de la justice. De plus, il a annoncé que le groupe de travail établi en avril 2014 pour élaborer un projet de Code de l’enfant avait commencé ses travaux. Lire l’article.
La Côte d’Ivoire a échoué à adopter un projet de loi sur la protection des employés de maison. Le projet de loi avait été adopté en commission, mais a finalement été retiré avant son examen en séance plénière de l’Assemblée nationale. La raison invoquée par les auteurs du projet est le besoin d’harmoniser certaines dispositions. Cette proposition de loi prévoit en l’état actuel une protection juridique pour le personnel de maison, un salaire minimum et une protection sociale.
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Le dernier mot
«Les gouvernements semblent trouver le concept de sexe problématique. Ce qui tue le plus, c’est le silence des adultes, et leur déni systématique de cette réalité humaine : le voyage de l’enfance à l’âge adulte est un voyage d’éveil à la sexualité et de formation de l’identité. Aujourd’hui, on observe que beaucoup d’adolescentes sont dans une situation où elles sont en âge d’être enceintes, mais pas en âge d'obtenir une contraception; beaucoup d’adolescents sont en âge de se marier, mais pas en âge de passer le test du VIH sans le consentement de leurs parents. »
Kate Gilmore, directrice adjointe du Fond des Nations unies pour la population
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