Le Conseil des Droits de l'Homme conclut son débat de haut niveau

[GENEVE, 22 juin 2006] - Le Conseil des droits de l'homme a achevé ce matin le débat de haut niveau dans le cadre duquel il aura entendu, depuis l'ouverture de la session lundi dernier, les déclarations de 85 hauts responsables, en particulier des personnalités de rang ministériel et autres représentants gouvernementaux de haut rang. En fin de séance, le Conseil a entendu un représentant des institutions nationales des droits de l'homme et des représentants des organisations non gouvernementales.

Des déclarations ont été faites aujourd'hui par les Ministres des droits de l'homme du Sénégal, du Congo et du Togo, les Ministres des affaires étrangères de la Slovénie, de l'Indonésie, de l'Iran et des Philippines, ainsi que le Ministre délégué auprès du Ministère des affaires étrangères du Cameroun et la Vice-Ministre des affaires étrangères pour les affaires multilatérales du Venezuela. Le représentant de l'Union interparlementaire a également fait une déclaration.

Au cours du débat de haut niveau, nombre d'intervenants ont déclaré que la création du Conseil des droits de l'homme marquait un nouveau point de départ dans l'action menée par la communauté internationale en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Ils ont estimé qu'il était important que la nouvelle instance s'appuie sur les réussites de l'ancienne Commission. Ainsi, nombre d'intervenants ont souhaité, notamment, que soient conservés les mécanismes de plaintes qui permettent aux victimes de violations de droits de l'homme de faire entendre leurs voix et d'obtenir réparation. Le Conseil devrait également associer à ses travaux les entités de la société civile. Quant au système des procédures spéciales et aux mandats créés par l'ancienne Commission, ils devraient également trouver leur place dans les activités du nouveau Conseil. Il a toutefois été estimé que le Conseil ne devrait pas être habilité à adopter des résolutions visant des pays en particulier: l'objet du Conseil doit être d'accompagner et de promouvoir la mise en œuvre des droits de l'homme et non de réprimer, d'autres organes étant investis de cette fonction, comme la Cour pénale internationale, par exemple.

Plusieurs représentants ont estimé que le Conseil devrait intégrer à tous ses débats la question de la jouissance des droits économiques sociaux et culturels, une catégorie de droits qui avait été selon injustement ignorée par l'ancienne Commission au bénéfice des droits civils et politiques.

Pour ce qui est des innovations du Conseil, et notamment de l'examen périodique universel auquel seront soumis les États membres, plusieurs intervenants ont souligné que ce mécanisme devait être basé sur des informations objectives et fiables et s'appliquer de manière juste et équitable à tous les États membres en privilégiant le dialogue et la coopération, et en tenant compte de leurs besoins respectifs en termes de renforcement des capacités. Il a été proposé que le Conseil tienne
occasionnellement ses sessions dans un autre lieu que Genève afin d'échapper à la critique dont avait fait l'objet l'ancienne Commission selon laquelle ses débats étaient stériles car trop isolés et éloignés physiquement de la réalité des droits de l'homme.

À l'issue du débat de haut niveau, les représentants de la Turquie et de Chypre ont exercé le droit de réponse.

En fin de séance, le Conseil des droits de l'homme a entendu le représentant du Comité de coordination des institutions nationales des droits de l'homme, ainsi que quatre représentants choisis par les organisations non gouvernementales ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.

Cet après-midi à 15 heures, le Conseil doit adopter son ordre du jour et se pencher sur un projet de programme de travail.

Fin du débat de haut niveau

M. DIMITRIJ RUPEL, Ministre des affaires étrangères de Slovénie, intervenant au nom du Réseau de sécurité humaine, a rappelé que cette première session du Conseil se tient quelques jours seulement après le 60e anniversaire de la création de la Commission des droits de l'homme. La création du Conseil des droits de l'homme représente un pas important dans le renforcement du mécanisme des droits de l'homme. Il doit être efficace et transparent, a-t-il ajouté. M. Rupel a exprimé l'espoir qu'un nouveau processus soit entamé dans un état d'esprit de coopération. Nous nous efforcerons de contribuer au renforcement de cet idéal pour que le Conseil soit un instrument crédible car il a été créé pour défendre la vie humaine. Le Conseil doit aborder toute la gamme des droits de l'homme, y compris le droit au développement, dans tous les pays, grands et petits, riches et pauvres. C'est une lourde responsabilité. Le Réseau s'engage à encourager davantage la «responsabilité de protéger», a expliqué M. Rupel.

Poursuivant son intervention au nom de la Slovénie, M. Rupel a déclaré que la mise en œuvre des obligations internationales est de la responsabilité au premier chef des États eux-mêmes. Il a salué l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et a ajouté que la Slovénie a déjà entrepris les procédures pour signer dans un avenir proche ce protocole. La coopération doit être basée sur des droits de l'homme qui découlent de valeurs universellement partagées mais tout en tenant compte des différences historiques, religieuses et culturelles des peuples. M. Rupel a enfin annoncé qu'en Europe, il était nécessaire de travailler de manière très intensive dans les Balkans afin d'imposer les droits de l'homme à une population qui a connu la désagrégation.

MME MAME BASSINE NIANG, Ministre et Haut Commissaire des droits de l'homme et à la promotion de la paix du Sénégal, a déclaré que son pays, qui a été le premier à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a aboli la peine de mort en 2004 et s'est, depuis longtemps, activement engagé dans l'élaboration d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et les Pactes internationaux relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques. Le Sénégal s'apprête enfin à ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture.

Mme Niang a estimé que la Commission des droits de l'homme s'était somme toute bien acquittée de son mandat normatif. L'arsenal juridique qu'elle a constitué est en train d'être renforcé avec l'élaboration d'un projet de Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et d'un projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones. Ces acquis, outre l'ensemble des procédures spéciales, devraient être conservés dans le cadre du nouveau Conseil, même si les modalités de leur mise en œuvre pourraient appeler certaines adaptations. En recherchant les mesures à mettre en œuvre pour garantir le fonctionnement efficace du système des procédures spéciales, le Conseil gagnerait à s'appuyer sur les engagements souscrits par les États pour fustiger ou dissuader leur manque éventuel de coopération. C'est pourquoi le mécanisme d'évaluation universel qui constitue l'une des innovations majeures du nouveau système de promotion et de protection des droits de l'homme doit voir ses règles de fonctionnement et les modalités pratiques qui l'entourent rapidement définies. Enfin, Mme Niang a dit qu'il demeurait évident que le Conseil ne peut rester indifférent à la situation des droits humains dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine.

M. GABRIEL ENTCHA-EBIA, Garde des sceaux, Ministre de la justice et des droits humains du Congo, a déclaré que l'une des innovations majeures du Conseil est l'examen périodique universel auquel seront soumis les États membres. Ce mécanisme devra être basé sur des informations objectives et fiables et s'appliquer de manière juste et équitable à tous les États membres, en privilégiant le dialogue et la coopération et en tenant compte de leurs besoins respectifs en termes de renforcement des capacités. Le Congo a souscrit aux principales conventions internationales relatives aux droits de l'homme et a notamment adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il ne ménage aucun effort pour s'acquitter de ses obligations à l'égard des organes de traités des Nations Unies. Ainsi, le Congo a soumis son deuxième rapport périodique au Comité des droits de l'homme en mars 2000 et son rapport initial au Comité des droits de l'enfant en septembre 2006. Le Congo est par ailleurs activement engagé dans la promotion des droits es femmes et des droits des populations autochtones. À cet égard, le Ministre a lancé un appel aux États membres afin qu'ils adoptent le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

L'État de droit, le renforcement de la démocratie et la bonne gouvernance sont des impératifs indispensables à la pleine réalisation des droits de l'homme, a rappelé M. Entcha-Ebia. C'est pourquoi le Congo a mis en place un Ministère de la justice et des droits humains et des institutions telles que la Cour constitutionnelle, le Médiateur de la République ou encore le Conseil supérieur de la magistrature. En conclusion, le Ministre a estimé qu'il était temps de passer à la phase pratique de la mise sur pied du Conseil des droits de l'homme, en tenant compte des préoccupations exprimées par tous les États dans leurs discours.

M. HASSAN WIRAJUDA, Ministre des affaires étrangères de l'Indonésie, a déclaré qu'en ce moment historique, une nouvelle mission débute pour réaliser l'idéal des droits et des principes qui ont inspiré la création de la Commission des droits de l'homme en 1946. La Commission a produit de nombreux instruments juridiques en matière de droits de l'homme répondant aux besoins et le Conseil doit continuer à promouvoir l'élaboration de normes, a estimé M. Wirajuda. Le Conseil fait un travail de pionner en adoptant un système de surveillance représenté par le nouvel examen périodique universel qui place tous les États sur un pied d'égalité. Tous les États auront une responsabilité partagée s'agissant des droits de l'homme. Mais pour que les États puissent mettre en œuvre leurs obligations en matière de droits de l'homme, il faut davantage d'assistance technique et de services coopératifs, a souligné le Ministre. Il est donc logique que l'assistance technique devienne un aspect important du travail du Conseil. Et pour cela il faut renforcer les ressources, qu'elles soient humaines, financières ou matérielles.

Le Conseil doit permettre à tous les pays de développer leur potentiel, a poursuivi le ministre indonésien. Il doit être efficace face aux crises des droits de l'homme. Tous les États doivent pouvoir œuvrer ensemble de manière harmonieuse, a déclaré M. Wirajuda. Le Conseil doit devenir une meilleure instance que la Commission. Le Conseil ne devra pas fonctionner «hors contexte»: les facteurs externes auront un grand impact sur ses activités. Le Ministre a rappelé que les droits de l'homme sont étroitement liés à la démocratie et au développement. Dans le même esprit, sans environnement favorable, les normes adoptées par le Conseil seront dénuées de sens. Il faut aussi s'engager à promouvoir la démocratie et éradiquer la pauvreté. M. Wirajuda a ajouté qu'il fallait veiller à ce qu'une information sur les activités du Conseil soit largement diffusée. «Plus ses activités seront connues, plus il bénéficiera d'un appui mondial», a-t-il déclaré. M. Wirajuda a enfin proposé que le Conseil tienne occasionnellement ses sessions dans un autre lieu que Genève afin de ne pas subir la même critique faite à l'égard de la Commission où l'on jugeait souvent ses débats stériles car trop isolés et éloignés physiquement de la réalité des droits de l'homme. Pour conclure, le Ministre indonésien a dit espérer que les membres du Conseil seront à la hauteur de leur mission.

M. MANOUCHEHR MOTTAKI, Ministre des affaires étrangères de l'Iran, a déclaré que la Commission des droits de l'homme avait remporté des succès qu'il serait dangereux de vouloir nier. Elle a notamment réussi à construire un cadre d'instruments internationaux relatifs aux différents aspects des droits de l'homme. Il est vrai aussi que le système des procédures spéciales et les mandats créés par la Commission doivent trouver une place dans les activités du Conseil, dont les activités doivent cependant s'accompagner d'un véritable changement de culture au terme duquel toutes les populations du monde pourront, enfin, bénéficier sur un pied d'égalité de la protection du Conseil. M. Mottaki, après avoir relevé certains des problèmes de la Commission tels que sa partialité, sa politisation et les tentatives d'imposer certaines valeurs culturelles, a déploré que l'époque soit marquée par l'imposition d'un «uniculturalisme» selon lequel la légitimité et la valeur des structures de droits de l'homme sont mesurées en fonction de leur capacité à se placer au service des puissances hégémonistes. Cette tendance fait qu'aujourd'hui, dans une totale impunité, des centaines de milliers de personnes sont victimes de guerres illégitimes et illégales, que ce soit à Haditha ou à Gaza; ou détenues dans des prisons atroces et parfois inconnues, dans des lieux de détention éloignés, pour y être torturées - comme à Abughraib ou à Guantánamo. On doit se demander dans ces conditions si les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies ont vraiment rempli leur tâche, ou même simplement manifesté le moindre intérêt pour le redressement de ces violations massives des droits humains, tandis qu'ils réagissent de manière excessive à des prétendues violations des droits de quelques personnes isolées. Comment le système des droits de l'homme peut-il justifier de tels manquements, qui sont pourtant des manifestations claires de la manipulation politique dont a été victime la Commission, a demandé M. Mottaki?

Quoi qu'il en soit, a poursuivi le Ministre iranien des affaires étrangères, les droits de l'homme sont aujourd'hui entrés dans une nouvelle phase, caractérisée notamment par la constatation que la lutte contre le terrorisme ne doit pas justifier les violations des droits de cultures et de religions différentes et que le droit au développement doit être inscrit dans le système de protection international, sur un pied d'égalité avec les autres droits, et bénéficier des mêmes efforts pour sa définition et son application. D'une manière plus générale, le Conseil devrait être capable de s'adapter aux dynamiques positives et aux déterminants de la nouvelle ère dans laquelle sont entrées les relations internationales. Les mécanismes des droits de l'homme doivent être orientés vers la justice et la spiritualité, deux droits fondamentaux de l'humanité que les sociétés occidentales libérales ont échoué à faire respecter et dont les «droits de l'homme» doivent pleinement tenir compte. Par ailleurs, M. Mottaki a demandé au Conseil d'assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'occupation étrangère des territoires arabes ainsi que des violations des droits du peuple palestinien.

M. ALBERTO G. ROMULO, Secrétaire aux affaires étrangères des Philippines, a déclaré que le Conseil des droits de l'homme devait être une instance de coopération et de partenariat entre les États, abordant les questions relatives aux droits de l'homme sans arrière pensée politique. Le Conseil se doit en effet d'être le partenaire des États et plus particulièrement de ceux qui ont besoin d'une assistance internationale dans le domaine des droits de l'homme. Alors que le Conseil tient sa première session, il convient de n'épargner aucun effort pour doter la nouvelle instance des structures qui lui permettront de répondre aux attentes de la communauté internationale. À cet égard, il importe de conserver certaines acquis de la Commission, à savoir, les mécanismes de plaintes qui permettent aux victimes de violations de droits de l'homme de faire entendre leurs voix et d'obtenir réparation. Le nouveau Conseil devrait également s'appuyer sur es entités de la société civile et éviter de tomber dans les pièges de la politisation et de la sélectivité qui avaient limité l'efficacité de la Commission.

Venant à la situation dans son propre pays, le Ministre philippin a souligné que la Présidente de la République signera la semaine prochaine la loi portant abolition de la peine de mort. Les Philippines envisagent également de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques à brève échéance, ainsi que la Convention conte la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Secrétaire philippin aux affaires étrangères a par ailleurs indiqué que son pays entendait travailler activement sur la question essentielle des droits de l'homme des travailleurs migrants au sein du Conseil. En conclusion, le M. Romulo s'est dit convaincu que le Conseil jouerait un rôle déterminant dans la promotion et dans la protection des droits de l'homme et permettrait de réaliser l'objectif universel de respect des droits de l'homme de la famille humaine.

MME MASSAN LORETTA ACOUETEY, Ministre des droits de l'homme, de la démocratie et de la réconciliation du Togo, a déclaré que l'intérêt de plus en plus croissant de la communauté internationale pour les droits de l'homme est un fait indéniable. En effet, les droits de l'homme se sont imposés pour toute la communauté internationale comme une éthique universelle servant de critère d'appréciation des problèmes de tout ordre. C'est dire que le respect des droits de l'homme constitue la meilleure garantie de l'État de droit, de la démocratie et de la paix. C'est donc un processus total qui doit englober les modes de pensée et les comportements des hommes, a ajouté Mme Acouetey. Le Togo réaffirme solennellement son engagement à œuvrer dans ce sens. Les droits humains ne peuvent véritablement trouver leur application que par une réelle volonté politique de faire progresser l'État de droit et par une prise de conscience effective de l'ensemble de la population de ses droits et devoirs, condition sine qua non de l'exercice de la capacité citoyenne. Le gouvernement togolais a inscrit dans son programme d'action la réconciliation nationale comme priorité des priorités. «Il n'y a pas de meilleure voie que d'accepter de se regarder dans une authentique quête de la vérité en reconnaissant avec humilité les erreurs et les faiblesses du passé pour mieux préparer l'avenir», a déclaré la Ministre.

Pour améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays, le Gouvernement togolais a pris des mesures importantes qui concernent les différents domaines contribuant à garantir l'état de droit, a notamment indiqué Mme Acouetey. Ainsi, la justice fait l'objet d'un effort de modernisation avec l'appui du Programme des Nations Unies pour le développement; un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge permet à ce dernier de visiter tous les lieux de détention; des lois protégeant les femmes contre certaines violences liées à leurs droits successoraux, aux mariages forcés, aux mutilations génitales ont été adoptées, etc. L'édification d'un État de droit s'inscrit dans la durée. Elle a besoin d'une véritable éducation de toutes les couches sociales. Cet impératif ne peut se réaliser sans l'appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, a ajouté Mme Acouetey. Le Togo est donc déterminé à améliorer de façon notable sa situation des droits de l'homme. Il a d'ailleurs accepté le principe de l'établissement d'un Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme au Togo, a signalé la Ministre des droits de l'homme.

M. JOSEPH DION NGUTE, Ministre délégué auprès du Ministre des relations extérieures du Cameroun, a relevé que malgré les critiques dont elle fait encore l'objet, la Commission des droits de l'homme a doté la communauté internationale de la déclaration universelle des droits de l'homme et d'autres traités internationaux essentiels à la protection des libertés fondamentales. Elle n'a pas non plus ménagé ses efforts dans la surveillance des traités et a permis des avancées importantes dans la coopération technique, par exemple. Sous son impulsion, plusieurs pays, dont le Cameroun, se sont résolument engagés dans le mouvement vers la réalisation des droits humains et se sont volontiers pliés aux directives conçues par cet organe ainsi que par ses comités. Les droits de l'homme constituent véritablement l'âme des Nations Unies. La construction d'un espace viable pour l'épanouissement de cet idéal est une œuvre universelle et collective, à laquelle tous les États doivent prendre une part active.

C'est le cas au Cameroun, qui s'est engagé récemment à protéger et promouvoir les droits en agissant à différents niveaux: sensibilisation aux normes internationales de protection des droits de l'homme des magistrats et du personnel pénitentiaire; amélioration des conditions de détention; préparation d'un manuel des droits de l'homme pour les écoles et les lycées; création d'une Direction des droits de l'homme, d'une Chambre des comptes et du Conseil constitutionnel et, surtout, entrée en vigueur d'un nouveau Code de procédure pénale, qui crédibilise davantage les procédures judiciaires camerounaises. Par ailleurs, M. Ngute s'est félicité de la prise en compte des préoccupations d'un grand nombre d'États, notamment celle relative au droit au développement en tant que partie intégrante des droits de l'homme. Le Cameroun partage aussi et appuie la position de l'Union africaine sur l'ensemble des réformes à faire dans le cadre du Conseil des droits de l'homme. Le Cameroun pense que le renforcement des capacités du Haut Commissariat aux droits de l'homme doit s'appliquer non seulement aux structures des services centraux, mais également à celles qui sont sur le terrain, à l'instar du Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l'homme et la démocratie en Afrique centrale.

MME MARÍA PILAR HERNÁNDEZ DOMÍNGUEZ, Vice-Ministre des affaires étrangères pour l'Amérique du Nord et les affaires multilatérales du Venezuela, a déclaré que son pays estime que deux erreurs fatales ont provoqué l'échec de l'ancienne Commission, à savoir, l'utilisation de la question des droits de l'homme à des fins politiques particulières mais également la distinction absurde entre les droits civils et politiques d'une part et les droits économiques sociaux et culturels d'autre part, cette deuxième catégorie de droits ayant été injustement ignorée. Le Venezuela sera le premier à dénoncer fermement toute volonté de transformer le nouveau Conseil en un instrument au service de quelques pays industrialisés pour jeter le discrédit sur les pays du Sud. Nous devons en finir avec la politique de deux poids, deux mesures. Le Venezuela souhaite également insister sur le fait que si tous les droits de l'homme sont importants, il découle de la condition même d'être humain qu'il est plus essentiel de s'alimenter que de s'inscrire à un parti politique, qu'il est plus essentiel d'avoir un travail digne que de vivre dans une démocratie, de savoir lire et écrire que de jouir du droit à la liberté d'expression. C'est pourquoi certains droits sont plus importants que d'autres, les premiers étant en réalité les conditions d'existence des seconds. C'est pourquoi le Venezuela lance un appel aux membres du nouveau Conseil afin que la question des droits économiques, sociaux et culturels se voit accorder une place importante dans le cadre de l'ensemble de ses débats.

Le Venezuela souhaite par ailleurs insister sur la nécessité de préciser comme il se doit les compétences des différents organismes du système multilatéral pour sanctionner les violations des droits de l'homme. À cet égard, le Conseil ne devrait pas être habilité à adopter des résolutions visant des pays en particulier. L'objet de cette instance doit être d'accompagner et de promouvoir la mise en œuvre des droits de l'homme et non de réprimer. D'autres organes sont investis de cette fonction. Dans ce contexte, le Venezuela lance un appel à tous les États qui ne l'ont pas encore fait afin qu'ils ratifient le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

M. ANDERS B. JOHNSSON, Secrétaire général de l'Union inter-parlementaire -UIP, a déclaré que pour beaucoup de raisons, les parlementaires sont partenaires des droits de l'homme; notamment parce que les parlements ratifient les traités, transposent les dispositions internationales en lois nationales et que les parlements adoptent les budgets nationaux et qu'ils destinent à cet égard des fonds à des endroits cruciaux pour les droits de l'homme. M. Johnsson a annoncé que l' UIP pourrait aider le Conseil à recueillir des informations et s'assurer que chaque parlement reçoive le rapport de son pays et qu'il soit possible d'en débattre. L'UIP, en collaboration avec le Conseil, pourrait également s'assurer que les parlements effectuent un suivi au niveau national. Sur des questions particulières, le Conseil pourrait aussi accueillir des parlementaires pour la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l'homme. Le Conseil doit jouer un rôle plus actif pour les questions de démocratie, a estimé M. Johnsson. C'est un domaine où l' UIP a beaucoup travaillé et l'Union aimerait contribuer au travail du Conseil à cet égard. L' UIP est aussi convaincue que les différents organes des Nations Unies ont beaucoup à apprendre des parlements et de leurs modalités de travail, le Conseil pourrait bénéficier de cette expérience. Enfin, M. Johnsson s'est dit convaincu que la voie de la branche législative de l'État doit être davantage entendue dans les délibérations du Conseil des droits de l'homme.

Exercice du droit de réponse

Le représentant de la Turquie, en réponse à une déclaration faite hier par le représentant de Chypre, a déclaré que la partie chypriote grecque à Chypre a raté une occasion historique en 2004, quand elle a rejeté le plan des Nations Unies de règlement de la situation, plan appuyé aussi par l'Union européenne. Les arguments présentés par la délégation font partie d'une stratégie pour chercher un prétexte à son opposition au règlement pacifique et négocié de la situation à Chypre, a estimé le représentant turc.

Le représentant de Chypre a répondu que des violations patentes des droits de l'homme sont perpétrées à Chypre, dont 37% du territoire est occupé par la Turquie. Les résolutions 541 et 550 du Conseil de sécurité demandaient pourtant à tous les États membres des Nations Unies de ne pas reconnaître la partie occupée de Chypre, présentée par la Turquie comme un État séparé. Il est regrettable que la Turquie ait ainsi «pollué» la première session du Comité.

Le représentant de la Turquie a souligné que le problème, à Chypre, est la violation des droits des Chypriotes turcs par la partie grecque. Il a dénoncé l'intransigeance de cette dernière à accepter la négociation.

Le représentant de Chypre a regretté que la Turquie continue de politiser cette instance: la République de Chypre est clairement victime de l'agression turque et, depuis 1974, ce sont bien 30 000 soldats de ce pays qui stationnent sur l'île. Dans la vague de cette invasion, la Turquie a tenté d'imposer une véritable purification ethnique. Mais il n'y a qu'un seul peuple chypriote, composé de deux communautés.

Intervention d'un représentant des institutions nationales des droits de l'homme

M. JAVIER MOCTEZUMA BARRAGAN, du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme, a déclaré que les institutions nationales des droits de l'homme sont un moyen avéré par lequel les États peuvent agir avec davantage d'efficacité en vue de garantir les droits de l'homme sur leurs territoires respectifs. Il a rappelé que les institutions nationales ont vocation à promouvoir les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme au niveau national et à protéger les droits qui en découlent. Dans ce contexte, le Comité international de coordination de ces institutions est favorable au maintien des procédures spéciales qui sont d'importants instruments de protection et permettent aux victimes de faire entendre leurs voix. Les institutions nationales peuvent également apporter une contribution importante au mécanisme d'examen périodique universel en fournissant des informations sur la façon dont les États s'acquittent de leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme et également en assurant le suivi de la mise en œuvre des recommandations du Conseil.

Interventions de représentants désignés par les organisations non gouvernementales

M. ARNOLD TSUNGA a déclaré que la création d'un espace tel que le nouveau Conseil reflète l'esprit positif dans lequel les défenseurs des droits de l'homme œuvrent pour les droits de tous les hommes et toutes les femmes. Le travail normatif en matière de droits de l'homme ne peut être effectué par des États qui refusent d'assumer leurs engagements. Le défi reste donc celui de la mise en ouvre des droits de l'homme et le Conseil devra jouer un rôle pionnier dans ce domaine. L'application d'un mécanisme d'examen périodique efficace est important et le Conseil aurait intérêt à conserver les meilleurs mécanismes hérités de la Commission. Le Conseil doit s'inspirer des principes d'universalité et d'interdépendance entre tous les droits de l'homme, surtout quand certains auteurs des violations s'abritent derrière le prétexte de la défense d'autres droits, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. Le Conseil doit aussi traiter le problème du VIH/sida, qui constitue un obstacle majeur à la réalisation des droits humains. Il doit aussi se prononcer fermement contre les violations massives des droits de l'homme, et prendre position face aux situations d'urgence. Le Conseil doit appuyer l'action des défenseurs des droits de l'homme sur le terrain, souvent en butte à des persécutions. Les droits de l'homme sont américains, asiatiques, africains, européens; ils n'appartiennent à aucun gouvernement et s'appliquent à tous sans distinction.

MME NATACHA KANDIC s'est félicitée des innovations du Conseil des droits de l'homme, et principalement du mécanisme de l'examen périodique universel. Mme Kandic a dit espérer que le Conseil aura un rôle plus actif dans certains domaines, et notamment dans la surveillance des situations post-conflit. Le Conseil doit également contribuer à la protection des défenseurs des droits de l'homme. Pour cela, la coopération entre le Conseil, les organisations non gouvernementales et les institutions qui se consacrent à la promotion des droits de l'homme est essentielle. Mme Kandic a enfin déclaré que les défenseurs des droits de l'homme apporteront également leur appui au Conseil qui doit innover dans ses méthodes de travail.

MME SUNILA ABEYSEKERA a salué de la création d'un Conseil des droits de l'homme et du fait qu'il soit principalement axé sur la question de la mise en œuvre de ces droits. Elle s'est également réjouie des engagements souscrits par les gouvernements d'Asie en matière de droits de l'homme, soulignant toutefois qu'il existait un écart important entre les promesses et la réalité sur le terrain, marquée par les souffrances des victimes des droits de l'homme. À cet égard, elle a appelé de ses vœux la mise en place de mécanismes régionaux permettant aux victimes de violations de leurs droits de l'homme d'exercer des recours et d'obtenir réparation. Elle s'est dite impatiente de travailler avec le nouveau Conseil pour relever les défis auxquels sont confrontés les pays de sa région en matière de droits de l'homme, tels que ceux de la traite des êtres humains, de la migration, de la discrimination ou encore, des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Elle a par ailleurs invité le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de créer les structures par lesquelles les contributions des défenseurs des droits de l'homme et les organisations nationales et régionales pourraient bénéficier au Conseil, notamment du point de vue de l'examen périodique universel.

MME MARTA OCAMPO DE VÁSQUEZ a évoqué la disparition d'une partie de sa famille, et notamment de sa fille, pendant la dictature militaire en Argentine, dans les années 1970, puis son action au sein du mouvement des «Mères de la Place de mai» et ensuite des «Grands-mères de la Place de mai», à la recherche de son petit-fils, également disparu. Le travail de ces associations est toujours aussi important, malgré le temps passé, et elles continueront de lutter jusqu'à l'adoption par les Nations Unies de la Convention internationale sur la disparition forcée. Les familles et les organisations non gouvernementales attachent aussi une grande importance à la lutte contre l'impunité qui est une caractéristique essentielle de ces disparitions forcées et c'est pourquoi les organisations non gouvernementales s'efforcent de faire appliquer pleinement la loi dans les pays concernés. Les familles touchées, qui refusent la vengeance et la violence, ne demandent que la justice et la paix, et souffrent de l'absence de tout recours juridique possible. C'est pourquoi cette Convention est tellement importante à leurs yeux et il est à espérer que les membres du Conseil s'attacheront à la concrétiser.

Informations supplémentaires

pdf: http://www.unhchr.ch/huricane/huricane.nsf/view01/D35720EAB34C5922C12571...

Libellés : 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.