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Summary: « Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sont détenus contre leur gré dans des centres de travail forcé gérés par le gouvernement au Vietnam. Puisqu’il ne s’agit pas d’un vrai traitement pour les drogués, ces centres doivent être fermés et les personnes détenues doivent être libérées. » Joe Amon, directeur de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch (Bangkok, le 7 septembre 2011) – Les personnes détenues par la police au Vietnam pour utilisation de drogue sont détenues sans procédure régulière pendant des années, contraintes à travailler pour un salaire faible ou inexistant, et subissent la torture et la violence physique, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les centres de détention pour drogués gérés par le gouvernement, mandatés pour « traiter » et « réhabiliter » les utilisateurs de drogues, ne sont rien de plus que des camps de travail forcé, où ces personnes travaillent six jours par semaine dans le traitement de noix de cajou, la couture de vêtements ou la fabrication d'autres articles. Le rapport de 121 pages, « The Rehab Archipelago : Forced Labor and Other Abuses in Drug Detention Centers in Southern Vietnam » (« L'Archipel de la réhabilitation : Le travail forcé et autres exactions dans les centres de détention pour drogués dans le sud du Vietnam »), documente les expériences de personnes confinées dans 14 centres de détention sous l'autorité du gouvernement d’Hô-Chi-Minh-Ville. Le refus de travailler, ou la violation des règles du centre, entraîne des sanctions qui dans certains cas sont des actes de torture. Quynh Luu, un ancien détenu qui a été capturé en essayant de s'échapper d’un centre, a décrit sa punition : « D'abord ils m’ont frappé sur les jambes pour que je ne puisse plus m’enfuir ... [Ensuite] ils m'ont frappé avec une matraque électrique [et] m'ont gardé dans la salle de torture pendant un mois. » « Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sont détenus contre leur gré dans des centres de travail forcé gérés par le gouvernement au Vietnam », a déclaré Joe Amon, directeur de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch. « Puisqu’il ne s’agit pas d’un vrai traitement pour les drogués, ces centres doivent être fermés et les personnes détenues doivent être libérées. » Le soutien des bailleurs de fonds internationaux aux centres, ainsi qu’au ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales du gouvernement vietnamien, qui les supervise, peut avoir l'effet pervers de permettre au gouvernement de continuer à détenir les utilisateurs de drogues séropositifs, selon Human Rights Watch. Selon la loi vietnamienne, les détenus séropositifs ont le droit d'être libérés si les centres de détention pour drogués ne peuvent pas fournir les soins médicaux adéquats. Le système vietnamien de centres de travail forcé pour les utilisateurs de drogues trouve son origine dans les camps de « rééducation par le travail » pour les utilisateurs de drogue et les travailleurs du sexe établis suite à la victoire du Nord-Vietnam en 1975. Les centres ont reçu un soutien politique renouvelé dans le milieu des années 90 lors d'une campagne gouvernementale visant à éradiquer les soi-disant « maux sociaux », notamment l'usage de drogues. Avec la modernisation de l'économie du Vietnam, le système s’est développé. En 2000, il y avait 56 centres de ce type dans tout le Vietnam ; au début de 2011, il y en avait 123. Les gens sont souvent détenus dans les centres de détention après que la police les enferme ou que des membres de famille les proposent comme « volontaires » pour la détention. Dans quelques cas, les individus se portent eux-mêmes volontaires, croyant que les centres offrent un traitement efficace contre la toxicomanie. D'anciens détenus ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient été envoyés dans des centres sans audience légale ni procèsformels, et sans avoir pu voir d’avocat ni de juge. Ils ont expliqué qu'ils n'étaient au courant d’aucun moyen de révision ou d'appel de la décision de les détenir. Les détenus qui sont entrés de manière volontaire ont indiqué qu'ils n'étaient pas libres de partir et que leur détention avait été arbitrairement prolongée par la direction du centre ou par des changements dans la politique du gouvernement. Des détenus ont expliqué avoir effectué des tâches subalternes pour de longues périodes dans le traitement de noix de cajou, l'agriculture, la couture de vêtements et de sacs à provisions, travaillé dans la construction et la fabrication de produits en bois, en plastique, en bambou et en rotin. Kinh Mon, un ancien détenu, a déclaré à Human Rights Watch : « J'ai fait du décorticage de noix de cajou pendant trois ans. J'ai travaillé durant des périodes allant desix heures et demieà huit heures par jour pour remplir mon quota. Le liquide provenant des noix de cajou a brûlé ma peau. » Certains détenus travaillent pendant des années sans salaire. D'autres sont payés une fraction du salaire minimum, et la direction du centre déduit de leur salaire la nourriture, l'hébergement et les soi-disant « frais de gestion ». À la fin de leur détention, ont déclaré certains détenus, leurs familles ont dû payer aux centres des sommes dues par les détenus, selon ce que prétendaient les responsables du centre. Depuis 1994, les bailleurs de fonds internationaux ont travaillé avec ces centres sur le « renforcement des capacités », notamment la formation du personnel des centres dans les formes de traitement de toxicomanie et de soutien pour les interventions contre le VIH. La prévalence du VIH parmi les détenus est inconnue, mais selon diverses estimations elle serait de 15 à 60 pour cent. La plupart des centres n’offrent pas de traitement antirétroviral ni même de soins médicaux de base. Certains ex-détenus ont fourni à Human Rights Watch les noms des entreprises qui auraient eu des produits traités dans les centres. Cependant, le manque de transparence ou de toute liste accessible au public des entreprises qui ont des contrats avec ces centres de détention gérés par le gouvernement a rendu difficile la corroboration de l'implication des entreprises. Souvent, les détenus ne connaissaient pas la marque ou la société propriétaire des produits sur lesquels ils travaillaient. Human Rights Watch a indiqué mener une enquête sur les entreprises qui pourraient avoir passé des contrats avec les centres de détention. Parmi les entreprises dont certains détenus ont affirmé qu'ils étaient obligés de traiter les marchandises figuraient deux entreprises vietnamiennes, Long Son JSC, une société de transformation de noix de cajou, et Tran Boi Production Co. Ltd, qui fabrique des produits en plastique. Human Rights Watch a adressé plusieurs courriers à ces deux entreprises pour obtenir leurs commentaires, mais aucune des deux sociétés n’a répondu. Au cours de la dernière décennie, des rapports des médias vietnamiens ont identifié aussi bien Son Long JSC que Tran Boi Productions Co. Ltd comme recourant aux détenus de centres de détention pour fabriquer des produits. En 2011, le directeur d'un centre de détention a déclaré à un journaliste étranger, que Human Rights Watch a rencontré, que Son Long JSC supervisait le traitement de noix de cajou au sein de son centre. « Le travail forcé n'est pas un traitement, et faire du profit n’est pas de la réhabilitation », a ajouté Joe Amon. « Les bailleurs de fonds doivent reconnaître que le renforcement des capacités de ces centres perpétue l'injustice, et les entreprises devraient s'assurer que leurs sous-traitants et fournisseurs n’utilisent pas de marchandises provenant de ces centres. » Human Rights Watch a appelé le gouvernement du Vietnam à fermer ces centres de façon permanente et à mener une enquête immédiate, approfondie et indépendante sur la torture, les mauvais traitements, la détention arbitraire et autres exactions dans les centres de détention pour drogués. Le gouvernement devrait également rendre publique une liste de toutes les entreprises qui ont des contrats avec les centres de détention pour le traitement ou la fabrication de produits. Les bailleurs de fonds, et leurs agences de mise en œuvre, devraient revoir leur assistance aux centres de détention et veiller à ce qu'aucun financement ne soutienne des politiques ou des programmes qui violent le droit international des droits humains. Les entreprises travaillant avec des centres de détention pour drogués au Vietnam, notamment par le biais de sous-traitants, devraient mettre fin immédiatement à de telles relations, a déclaré Human Rights Watch. « Les personnes dépendantes de la drogue au Vietnam doivent avoir accès à un traitement volontaire, à base communautaire », a conclu Joe Amon. « Au lieu de cela, le gouvernement les enferme, des sociétés privées exploitent leur travail, et les bailleurs de fonds internationaux ferment les yeux sur la torture et les exactions auxquelles ces personnes sont confrontées. » --------------------------------- Témoignages de personnes interrogées pour « l’Archipel de la réhabilitation » : Les gens ont refusé de travailler, mais ils ont été envoyés à la salle de discipline. Là, ils ont travaillé de longues heures avec un travail plus épuisant et s’ils rechignaient, ils étaient battus. Personne n’acomplètement refusé de travailler. J'avais un quota de 30 kilos [de noix de cajou] par jour et travaillais jusqu'à ce qu'ils soient faits. Si vous refusiez de travailler, vous étiez envoyé à la salle de punition et après un mois [là-bas] vous acceptiez de travailler à nouveau. Le travail était obligatoire. Nous fabriquions des meubles en bambou, des produits en bambou, et des pailles en plastique. Nous étions payés à l'heure pour travailler huit heures par jour, six jours par semaine. Sur le papier, j'ai gagné 120 000 [VND] par mois, mais ils l’ont pris. Le personnel du centre a dit que cela couvrait notre nourriture et nos vêtements. Si nous nous opposions au personnel, ils nous frappaient avec une matraque en bois d’un mètre, à six faces. Les détenus avaient les os des bras et des jambes cassés. C’était la norme à l'intérieur. [La cellule d'isolement] était d'environ deux mètres sur deux, avec un petit siège et une petite fenêtre. Un trou pour les toilettes donnait à l'extérieur. Vous pouviez y être maintenu seul d’un à quatre mois. Personne ne refusait de travailler en ne se présentant pas au travail. Tout le monde travaillait, même les enfants.
J'ai été pris par la police dans une rafle de toxicomanes .... Ils m'ont emmené au poste de police dans la matinée et le soir même je me trouvais au centre pour drogués. ... Je n'ai vu aucun avocat, aucun juge.