Soumis par Louise le
La famille est attaquée, ou du moins, c’est ce que Family Watch International voudrait nous faire croire. Cette organisation a rejoint les soutiens d’une résolution du Conseil des droits de l’homme adoptée le 21 juin dernier intitulée “protection de la famille : le rôle de la famille en faveur de la protection et de la promotion des droits des personnes âgées”.
Formulé ainsi, qui pourrait bien vouloir s’y opposer? Il y a en effet des questions de droits de l'homme qui concernent les personnes âgées, et beaucoup d'entre elles se posent dans le cadre de la famille. Les personnes âgées ont souvent besoin de soins et de soutien et beaucoup choisissent de rester avec leur famille plutôt que de vivre en institution. Il est donc important que leurs droits à la santé, à la vie privée et à la dignité soit respectés dans l'environnement familial. Le Conseil des droits de l'Homme doit certainement se saisir de cette question, mais la résolution présente d’importantes zones d’ombre. Elle n'aborde pas convenablement la particulière vulnérabilité des personnes âgées face à des abus et négligences qui passent inaperçus parce qu'ayant lieu dans la sphère privée, au sein des familles.
Ce manquement est suffisant pour soulever des préoccupations, mais un courant plus insidieux a imprégné les négociations. La résolution est la dernière tentative en date de proposer une définition restrictive de la famille, qui exclut les enfants vivant au sein de familles qui ne correspondent pas au stéréotype du couple de parents hétérosexuels mariés avec des enfants. Les enfants ont tous les mêmes droit, qui que soient leurs parents, et quelle que soit la manière dont ils choisissent de vivre. Les tentatives pour protéger une conception traditionnelle de la “famille” ne peuvent qu'être discriminatoires envers les enfants qui ne retrouvent pas leur famille dans cette norme. L'hostilité à l'expression “différentes formes de familles”, au cœur des négociations, est une hostilité aux droits des enfants qui se trouvent être nés dans des familles moins traditionnelles.
L'accent mis sur “la famille” dans ce contexte plutôt que sur les individus dans la famille est aussi une méconnaissance de la nature des droits de l’homme. Selon le droit international des droits de l’homme, la “famille” ne détient pas de droits, seuls ses membres individuels en ont.
Traiter l'unité familiale comme un tout dévie l'attention loin des individus et marginalise encore ceux qui sont déjà marginalisés : les enfants, les femmes, aussi bien que les personnes âgées.
Family Watch International a ignoré des défauts du texte et mené une campagne très organisée ciblant les États impliqués dans ces négociations. Ils ont écrit une lettre pour réfuter les “affirmations mensongères” des organisations de protection des droits de l'homme qui avaient soulevé les risques de cette résolution. Mais au lieu de mettre la question en lumière, la lettre mentionne à peine les droits de l'homme qui sont en jeu et, lorsqu'elle le fait, paraît dénaturer volontairement les critiques et préoccupations.
Personne ne prétend que les droits individuels pâtiraient nécessairement de la protection de la famille (par opposition à ses membres) - quoi que cela veuille dire. Les détracteurs de la résolution veulent simplement dire que tenter de protéger certains types de famille est préjudiciable pour les droits individuels des enfants qui constatent que la famille dans laquelle ils vivent n’appartient pas à un de ces types de familles.
De la même manière, personne ne dit catégoriquement que la résolution permettra à l’entourage familial d’abuser de membres de la famille vulnérables, mais plutôt que le passage d’une protection de l’individu au sein de la famille à la protection de la famille en tant que telle risque de cacher ou masquer les abus. On estime qu’un milliard d’enfants à travers le monde subissent des violences régulières à la maison.
Les arguments de FWI deviennent plus énigmatiques quand l’organisation affirme que la famille doit être protéger des effets d’une grande variété de maux, de la consommation de drogues et de pronographie à la migration et la séparation familiale. Personne ne peut contester que des problèmes graves peuvent avoir des conséquences terribles pour les individus au sein d’une famille, et leurs relations les uns avec les autres, pas plus que l’on ne saurait contester que ces questions concernent les droits humains de ces individus. Mais ce que pourrait apporter une protection additionnelle accordée à “la famille” est loin d’être clair. Quelle différence entre le droit à la réunification entre les membres d’une même famille, et le droit d’une famille à être réunie ? Le seule réponse possible est que FWI ne s’intéresse qu’à la protection de certains types de familles.
Le rôle du Conseil des droits de l’homme est de promouvoir le respect universel pour la protection des tous les droits humains et libertés fondamentales pour tous, sans distinction. Le glissement opéré par le Conseil de “membres de la famille” à “la famille” est discriminatoire et constitue un renoncement à son mandat. Les individus membres d’une famille sont titulaires de droits en droit international des droits de l’homme, ce qui n’est pas le cas de l’unité familiale.
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Nous constatons que de plus en plus de groupes et organisations utilisent le vocabulaire des droits de l’enfant pour excuser ou justifier des violations des droits de l’homme et pour camoufler des opinions xénophobes, misogynes, homophobes, racistes ou nationalistes. Sous prétexte de protéger les enfants, la famille ou la sécurité nationale, les contestations sont réprimées, les manifestations sont interdites, et la discrimination contre les femmes, les enfants et les personnes LGBT est perpétuée. Les droits de l’enfant ne sont pas une bonne action. Ce sont des droits inscrits dans le cadre du droit international des droits de l’homme, et nous continuerons de dénoncer ceux qui les fragilisent. Il est temps de remettre les droits au cœur du débat.