LA VIOLATION DES DROITS DE L’ENFANT : Pratiques néfastes fondées sur la tradition, la culture, la religion ou la superstition

Summary: Chaque année, des milliers d'enfants meurent dans le monde entier tandis que l’enfance et le développement de millions d'autres sont marqués par des pratiques préjudiciables perpétrées par des parents, des proches, des leaders religieux et communautaires et d'autres adultes.

Toutes les violations des droits des enfants peuvent légitimement être décrites comme des pratiques néfastes, mais la caractéristique commune des violations décrites dans ce rapport, c'est qu'elles sont fondées sur la tradition, la culture, la religion ou la superstition et sont perpétrées et ouvertement tolérées par les parents de l'enfant et les adultes important au sein de sa communauté. En effet, ces pratiques bénéficient souvent d'un soutien majoritaire au sein de communautés, voire d’États entiers.

De nombreuses pratiques parmi celles identifiées impliquent une discrimination flagrante et illégale contre des groupes d'enfants, y compris la discrimination entre les sexes, et en particulier la discrimination contre les enfants handicapés. Certaines sont basées sur la tradition et/ou la superstition, certaines sur des croyances religieuses, d'autres sur de fausses informations ou croyances quant au développement de l'enfant et à la santé. Beaucoup impliquent uneextrême violence physique et une douleur entrainant, parfois intentionnellement, la mort ou des blessures graves. D'autres impliquent une violence psychologique. Toutes sont une atteinte à la dignité humaine de l'enfant et violent des normes internationales relatives aux droits de l’Homme universellement reconnues. 

Le Conseil International des ONG sur la violence contre les enfants est convaincu que la légalité et l'acceptation sociale et culturelle persistantes d'une large panoplie de telles pratiques dans de nombreux États illustre un échec dévastateur des mécanismes internationaux et régionaux des droits de l'Homme à remettre en cause et provoquer l’interdiction et l'élimination de ces pratiques. Une analyse et une action complètes basées sur le droit des enfants sont désormais nécessaires. Par-dessus tout, il doit y avoir une affirmation de l'obligation immédiate de chaque Etat d'assurer à tous les enfants le droit au respect de leur dignité humaine et à l'intégrité physique. Les pratiques néfastes fondées sur la tradition, la culture, la religion ou la superstition sont souvent perpétrées contre des enfants très jeunes ou des nourrissons clairement dépourvus de la capacité de consentir ou de refuser leur consentement. Des présomptions concernant l’autorité parentale ou le droit des parents sur leurs propres enfants permettent la perpétration d'un grand nombre de ces pratiques, la plupart directement par les parents, certaines par d'autres tiers avec le consentement supposé ou avéré des parents. Pourtant, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CDE), ratifiée par presque tous les États, favorise le remplacement de la notion de "droits" parentaux sur les enfants par celle de "responsabilités" parentales, veillant à ce que l'intérêt supérieur de l'enfant soit la "préoccupation de base" des parents (article 18).

La Convention confirme également le droit de l'enfant à la liberté de culte (article 14). Les enfants ne naissent pas dans une religion. Tout individu a droit à la liberté de culte. Ainsi, les parents et autres adultes ne peuvent citer leurs croyances religieuses pour justifier la perpétration des pratiques néfastes sur l'enfant avant qu'il ou elle n’ait la capacité de donner son consentement éclairé. Le droit de l'enfant à la vie, à la survie et au développement optimal et le droit à la santé et aux services de santé place sur l’État le devoir actif de s’assurer que les parents disposent d'informations correctes sur la santé des enfants et le développement. Ces informations permettront aux parents d'assumer leurs responsabilités sans nuire à leurs enfants, que ce soit par l'administration de traitements néfastes ou par la rétention de traitements nécessaires et éprouvés. Lorsque les parents manquent à leurs devoirs vis à vis de leurs enfants, les Etats doivent intervenir.

Les pratiques traditionnelles ou culturelles nocives préoccupent l'Organisation des Nations Unies depuis son origine, et ont d'abord été soulignées dans une résolution de l'Assemblée générale datant d’il y a plus de 50 ans. La Commission des Droits de l'Homme, créée en 1946, a adopté sa première résolution sur « les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants en 1984. Un Rapporteur Spécial sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des fillettes a été nommé en 1988. De nombreux organismes des Nations Unies et d’institutions spécialisées se sont attelés aux pratiques traditionnelles néfastes, notamment le HCDH, l'ONUSIDA, le PNUD, la CEA, l'UNESCO, le FNUAP, le HCR, l'UNICEF, ONU Femmes et l'OMS.

La plupart des informations, des débats et des actions de grande envergure sur les pratiques néfastes ont mis l'accent sur certaines pratiques répandues touchant principalement les jeunes filles et les femmes, en particulier les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage des enfants. Ces pratiques constituent des violations systématiques et graves des droits de millions d'enfants, et la focalisation internationale et fondée sur les droits a certainement débouché sur une plus grande visibilité de ces pratiques. Mais l’interdiction et l'élimination universelles semblent encore lointaines. Un communiqué de 2008 de 10 agences, de ou liées à, l'ONU sur "L'élimination de la mutilation génitale féminine", estime par exemple que trois millions de filles sont à haut risque de subir des MGF chaque année en Afrique, et qu'entre 100 et 140 millions de filles et de femmes dans le monde ont été soumises à une certaine forme de MGF.

L'introduction du rapport de 2006 de l'Étude du Secrétaire Général sur la violence contre les enfants constate : « Dans toutes les régions, en contradiction avec les obligations en matière de droits de l'homme et les besoins de développement des enfants, la violence contre les enfants est approuvée socialement, souvent légale et autorisée par l'Etat." Le rapport a demandé instamment que l'Etude des Nations Unies marque un tournant, "la fin de toute justification par les adultes de la violence contre les enfants, que ce soit sous le prétexte de "tradition" ou sous couvert de "discipline". Il ne peut y avoir aucun compromis dans la lutte contre la violence à l’égard des enfants [...]."

L'étude de l'ONU ne bénéficiait pas des ressources nécessaires pour mener une recherche détaillée sur les pratiques néfastes affectant les enfants et fondées sur la tradition, la culture, la religion ou la superstition. Ce point a été soulevé, y compris pendant les neuf consultations régionales de l’Etudes des Nations Unies, et le rapport recommande explicitement l'interdiction « quel qu’en soit le contexte, de toutes les formes de violence à l’encontre des enfants, y compris tous les châtiments corporels, pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mariages précoces ou forcés, les mutilations génitales féminines et les crimes dits  "d’honneur", [...]." Il propose également que « les États et la société civile s'efforcent de transformer les attitudes/États d’esprit qui tolèrent ou banalisent la violence contre les enfants, y compris les stéréotypes sexistes et la discrimination, l'acceptation des châtiments corporels et les pratiques traditionnelles néfastes... " (A/61/299, recommandations générales 2 et 4, par. 97 et 100).

Mais le « tournant » n'est guère arrivé pour les enfants. Ils attendent encore une enquête globale rigoureuse couvrant toutes les régions et tous les États afin d'identifier l'ensemble des pratiques néfastes qui violent les droits des filles et des garçons, y compris les pratiques émergentes ou nouvellement visibles et les autres pratiques propagées par le biais de la migration. Il est essentiel que les pratiques individuelles et les droits particuliers qu'elles enfreignent soient identifiés, rendus visibles et condamnés sans ambiguïté dans toutes les sociétés au sein desquelles elles se produisent.

Le Conseil International des ONG a pour mandat d'assurer le suivi des recommandations de l'Étude des Nations Unies. Ce bref rapport a pour but de compléter d'autres actions actuellement en cours au sein des Nations Unies, axées sur les pratiques néfastes et les enfants et qui aboutiront, nous l’espérons, à une action plus efficace. Le Représentant Spécial du Secrétaire Général sur la violence contre les enfants, Marta Santos Pais, a tenu une consultation internationale d'experts sur la question en juin 2012 à Addis-Abeba. Le Conseil International des ONG y était représenté et avait préparé un rapport. Deux organes de traités des Nations Unies, le Comité des Droits de l'Enfant et le Comité pour l'Elimination de la Discrimination à l'égard des Femmes (CEDAW), collaborent actuellement à l'élaboration d'une Observation Générale/Recommandation Générale sur les pratiques néfastes.

Le Conseil International des ONG estime que l'acceptation juridique et sociale persistante de ces violations et la lenteur des progrès en vue de les identifier et de les remettre en question de façon effective sont symptomatiques du statut inférieur des enfants, considérés dans les sociétés à travers les régions du monde en tant que biens plutôt qu’en tant d’individus et titulaires de droits. Le mantra de l'Étude des Nations Unies, cité à plusieurs reprises, est le suivant : " Aucune violence à l’encontre des enfants ne peut se justifier ; toute violence à l’encontre des enfants peut être prévenue. " Malheureusement, de nombreux d'adultes en sont encore à justifier la violence, même extrême, à la fois physique et mentale, sur des bases erronées de tradition, de culture ou de religion.

Le rapport examine tout d'abord la définition et la portée des pratiques traditionnelles néfastes, culturelles et religieuses violant les droits des enfants. La section 3 décrit le contexte des droits de l’Homme pour leur interdiction et leur élimination. La section 4 évoque les pratiques identifiées par le biais de témoignages publiés par le Conseil International des ONG au début de 2012 et via une recherche documentaire supplémentaire. Il fournit également quelques exemples de mesures juridiques et autres déjà prises et visant à remettre en question et à éliminer ces pratiques. La section 5 fournit des recommandations concernant l'action d’États, de l'ONU et d’agences liées à l'ONU, d’ONGI, d’ONG, d’institutions nationales des droits de l'Homme et d'autres.

pdf: http://www.crin.org/docs/La_violation_des_droits_de_l’enfant.pdf

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