Soumis par crinadmin le
Dans plusieurs pays d’Europe, certains Roms sont apatrides, ce qui redouble les difficultés auxquelles ils doivent faire face. En effet, l’apatridie rend la vie encore plus difficile à ces personnes déjà stigmatisées et exposées à une multitude de problèmes graves liés à la discrimination. La situation est pire encore pour les migrants. Beaucoup de Roms n’ont pas de papiers d’identité, ce qui les prive de l’accès à des droits aussi fondamentaux que l’éducation et les services de santé, et accentue le risque, pour eux, de rester apatrides. En réalité, d’après des estimations, des milliers de Roms n’ont pas d’existence administrative du tout. Souvent, ils n’ont jamais obtenu de certificat de naissance et ne peuvent pas surmonter les obstacles administratifs lorsqu’ils essaient d’être reconnus par l’Etat. Ni la protection sociale la plus élémentaire, ni l’intégration ne font partie de leur vie. Ce problème est largement méconnu. Bien sûr, il est difficile d’établir des faits dans ce domaine mais les pouvoirs publics ne se donnent pas suffisamment la peine de recueillir des données utiles en ce qui concerne l’étendue et la nature de cette marginalisation systématique. Le Comité européen des Droits sociaux a répété bien des fois qu’il incombe aux Etats de prendre la mesure de l’exclusion des groupes vulnérables tels que les Roms, y compris par des moyens statistiques. L’évolution politique de ces dernières années a rendu les Roms d’Europe encore plus vulnérables. L’éclatement de l’ex-Tchécoslovaquie et de l’ex-Yougoslavie a été une source de difficultés énormes pour les personnes que les nouveaux Etats successeurs ont considérées comme venant d’ailleurs alors qu’elles vivaient au même endroit depuis des années. La République tchèque a appliqué une loi sur la citoyenneté qui a rendu apatrides des dizaines de milliers de Roms (dans l’intention de les faire partir en Slovaquie). Cette loi a cependant été modifiée en 1999 après de multiples interventions, notamment du Conseil de l’Europe. Le problème a ainsi été résolu en grande partie, mais pas totalement. En Slovénie, plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux Roms, ont été victimes d’une décision d’effacer du registre des résidents permanents ceux n’ayant pas la citoyenneté slovène. Ces personnes avaient laissé passer un délai et n’avaient pas demandé ou obtenu la citoyenneté slovène juste après l’indépendance du pays. Beaucoup avaient quitté d’autres régions de la Yougoslavie pour s’installer en Slovénie avant la dissolution de la fédération. La Croatie et « l’ex-République yougoslave de Macédoine » ont également adopté des lois restrictives qui rendent très difficile l’accès à la nationalité. Là encore, les Roms sont particulièrement touchés. Ceux qui ont émigré ailleurs en Europe se sont retrouvés dans un entre-deux, leur pays d’accueil n’étant pas plus disposé à leur accorder sa nationalité que le nouvel Etat créé sur le territoire où ils avaient vécu précédemment. Le conflit du Kosovo1 a entraîné d’importants déplacements de Roms, surtout vers la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et « l’ex-République yougoslave de Macédoine » mais aussi vers des pays plus lointains. Au Kosovo, j’ai rencontré récemment les représentants d’une ONG qui travaille sur un vaste projet d’inscription à l’état civil concernant 10 000 à 11 000 membres de la communauté n’ayant pas de papiers. Il est inacceptable que des citoyens européens soient privés du droit fondamental à la nationalité. D’où la nécessité de prendre enfin le problème à bras-le-corps. Les pays d’accueil européens où sont nés et où ont grandi des enfants de migrants roms doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir un statut juridique sûr à ces enfants et à leurs parents. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques disposent que les enfants ont le droit d’acquérir une nationalité. Autrement dit, le pays d’accueil est tenu de ne pas laisser les enfants sans nationalité et ne peut se soustraire à cette obligation sous prétexte que les parents sont apatrides. Lors de ma visite en Italie en janvier dernier, je me suis réjoui d’apprendre que le gouvernement préparait un projet de loi pour accorder la nationalité italienne aux mineurs apatrides dont les parents avaient fui les ravages de la guerre en ex-Yougoslavie et dont au moins un des parents était en Italie depuis une date antérieure à janvier 1996. Le Gouvernement italien a également annoncé qu’il ratifierait sans réserve la Convention européenne sur la nationalité de 19973 . Un certain nombre d’enfants roms bénéficieront de ce changement de législation lorsqu’il se concrétisera. Les problèmes relatifs à la nationalité touchent aussi beaucoup d’adultes roms. Lors de ma visite au Monténégro, j’ai été informé des efforts remarquables déployés par le HCR pour briser le cercle vicieux créé par l’absence de documents d’identité. Sans ces papiers, impossible pour quiconque de faire valoir ses droits les plus fondamentaux. Le programme du HCR a déjà permis d’aider de nombreuses personnes parmi lesquelles certaines venaient du Kosovo. J’ai également noté une évolution positive lors de ma visite dans « l’ex-République yougoslave de Macédoine ». Les progrès accomplis permettent désormais aux Roms d’obtenir des documents personnels tels que certificats de naissance, cartes d’identité, passeports et autres documents donnant accès à des prestations de santé et de sécurité sociale. Ce sont là de bons exemples mais rappelons que ces mesures sont une obligation. D’après la Cour de Strasbourg, le fait qu’un Etat ne fournisse pas les documents d’identité nécessaires pour travailler, se faire soigner ou satisfaire à d’autres besoins vitaux peut effectivement porter atteinte au droit au respect de la vie privée, droit fondamental qui protège l’intégrité physique et morale de chacun . Le Conseil de l’Europe a ouvert la voie en matière de protection des droits des Roms. Ses différents organes ont bien fait savoir que les pouvoirs publics des pays d’accueil devraient faire tout leur possible pour mettre fin à l’apatridie des Roms, de droit ou de fait, et accorder une nationalité à ces derniers conformément à la Convention européenne de 1997 sur la nationalité et à la Convention du Conseil de l’Europe de 2006 sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats. Les deux conventions énoncent des principes généraux, des règles et des procédures de la plus haute importance pour garantir l’exercice effectif du droit fondamental à une nationalité en Europe. En voici quelques dispositions essentielles : - respect du principe général de non-discrimination en droit et en pratique ; Il faut s’attaquer résolument au problème des Roms apatrides, qui n’ont souvent pas les moyens de se défendre eux-mêmes. Une étude publiée récemment par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a également montré que de nombreux Roms ne savaient pas comment accéder aux médiateurs et autres institutions nationales des droits de l’homme. Les plans d’action nationaux en matière de droits de l’homme doivent tenir compte de l’urgence qu’il y a à donner aux Roms apatrides les moyens de travailler légalement. En Croatie, un système d’assistance juridique gratuite a été mis en place en 2003 à leur intention, pour les aider à se prendre en main au plan juridique. Continuons dans cette voie, il le faut. Thomas Hammarberg
- obligation des Etats d’éviter l’apatridie, y compris dans le cadre d’une succession d’Etats ;
- obligation d’accorder la nationalité aux enfants qui sont nés sur le territoire d’un Etat et qui n’ont pas acquis une autre nationalité à la naissance ;
- encadrement de la perte de la nationalité par des dispositions légales restrictives ;
- obligation des Etats de motiver et de mettre par écrit leurs décisions en matière de nationalité.