Soumis par crinadmin le
[6 août 2007] - À l’heure actuelle, les enfants migrants sont l’un des groupes les plus vulnérables d’Europe. Certains ont fui la persécution ou la guerre, d’autres la pauvreté et le dénuement total. Il y a en aussi qui sont soumis à la traite. Particulièrement exposés sont ceux séparés de leur famille et n’ayant – au mieux – qu’un permis de séjour provisoire. Beaucoup sont victimes d’exploitation et d’abus. Leur situation nous lance donc un défi de taille eu égard aux principes humanitaires que nous défendons. Human Rights Watch vient de publier un rapport critique décrivant la façon dont ont été reçus les quelque 900 enfants non accompagnés arrivés d'Afrique par bateau sur les plages des Iles Canaries l'année passée. De tels rapports sont essentiels étant donné le peu de données officielles disponibles sur la situation réelle des enfants migrants en Europe. Pour élaborer en la matière une politique sage et exhaustive, il faut connaître davantage de faits. Or, les statistiques et autres données font défaut sur presque tous les aspects du cycle de migration : les enfants qui se présentent aux frontières, leur identité, ce qu’il advient d’eux, ceux qui sont dans le pays sans permis, de même que la question de savoir s’ils sont scolarisés ou s’ils travaillent et avec qui ils vivent, ainsi que ceux qui possèdent un permis de séjour et leur situation sociale. L’ampleur et la nature du problème restent donc en partie cachées, mais on en sait suffisamment pour se rendre compte que la situation est grave. C’est pourquoi le manque de données et de faits précis ne saurait excuser en rien la passivité politique. Même si l’on s’efforce de collecter des données, il convient d’élaborer une politique plus énergique pour protéger les droits de ces enfants. Il existe des normes internationales en la matière. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et la Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles fournissent des orientations très nettes quant à la manière dont il faut protéger les droits des enfants migrants. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté des recommandations sur les enfants réfugiés et les mineurs migrants séparés. De son côté, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a publié des lignes directrices à l’attention des gouvernements et lancé un projet commun avec l’Alliance internationale Save the Children, sous le titre « Separate Children in Europe » (« Programme en faveur des enfants séparés en Europe »). Préjugés De tels efforts s’imposent, car les règles et les lignes directrices ne sont pas toujours appliquées. Une cause évidente en est la xénophobie. Il existe actuellement dans plusieurs pays européens des partis politiques et des groupes extrémistes qui favorisent les préventions et les peurs. Quelques-uns sont bien implantés au parlement et dans les assemblées locales. Malheureusement, certains partis politiques importants ont adapté leur message pour faire écho à ces tendances au lieu de les dénoncer. Les médias extrémistes ont, eux aussi, joué un rôle négatif et répandu des stéréotypes, voire une propagande haineuse dans certains cas. La xénophobie et la crainte de la xénophobie ont eu tendance à focaliser le débat concernant les migrations sur la sécurité aux frontières – c’est-à-dire sur le point de savoir s’il fallait ou non laisser entrer les migrants – et non pas sur le problème général des migrations sous tous ses aspects. Les choses ont empiré après le 11 septembre 2001 avec la recrudescence de l’islamophobie observée ces dernières années. Le 11 septembre a eu des conséquences négatives également pour les migrants – notamment les jeunes – qui vivent déjà dans nos sociétés. Il est donc particulièrement malheureux que si peu de membres de la classe politique mettent en lumière la valeur de la diversité et du multiculturalisme dans le monde actuel. Que faire, concrètement, pour protéger et promouvoir les droits des enfants migrants ? Comment appliquer les normes et lignes directrices en la matière ? Droits des enfants Il faut partir de l’idée que les enfants migrants sont d’abord et avant tout des enfants. Ils sont vulnérables et ont les mêmes droits que toute autre personne. Selon le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, il importe de percevoir chaque enfant comme un individu et de prendre en considération les circonstances de son cas particulier. Tout enfant doit être écouté avec respect. Beaucoup d’enfants migrants ont été déracinés une ou deux fois, quand ce n’est pas davantage. La séparation d’avec leur foyer, leur parentèle et leurs amis peut être traumatisante pour eux. Save the Children et le UNHCR ont proposé qu’un tuteur ou un représentant légal soit nommé pour chaque enfant séparé qui arrive dans un pays. Ces enfants ont le droit d’être traités avec respect, par un personnel qui comprend l’enfance et qui a été formé à cette fin. Unité familiale Le regroupement familial s’impose d’urgence pour de nombreux enfants migrants. La recherche des autres membres de la famille de l’enfant est à entreprendre en priorité et dans le respect de la confidentialité. Aucun enfant ne soit cependant être renvoyé dans son pays si l’on n’a pas la garantie qu’il y recevra un accueil et des soins appropriés. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a recommandé aux États membres « de faciliter le regroupement des enfants séparés et de leurs parents dans d’autres États membres, même si les parents ne bénéficient pas d’un statut de résidents permanents, ou s’ils sont des demandeurs d’asile, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant » (Recommandation 1596). Cela prête peut-être à controverse dans certains camps politiques, mais correspond parfaitement aux normes concernant les droits de l’enfant. Le droit au regroupement familial vaut pour tous les enfants. Les gouvernements qui ont restreint ce droit aux jeunes enfants, par exemple ceux de moins de quinze ans, devraient s’entendre rappeler leurs obligations vis-à-vis des droits de l’enfant. Santé Le droit à la santé doit être prioritaire. D’une manière générale, la pauvreté et les mauvaises conditions de logement nuisent à la santé. En outre, beaucoup d’enfants migrants ont traversé des épreuves pouvant nécessiter leur soutien psychologique ; c’est là un domaine dans lequel les écoles ont un rôle essentiel à jouer en détectant les problèmes, mais aussi en assurant le suivi des enfants concernés, ce qui peut passer par un traitement de soutien. Les considérations sanitaires fournissent, elles aussi, un argument de poids contre la détention des enfants à n’importe quel stade du processus de migration. Il est honteux que même en Europe, des enfants non accompagnés continuent d’être enfermés en attendant que l’on statue sur leur sort ou que l’on procède à leur expulsion. Éducation Quelle que soit l’origine de l’enfant, le droit de celui-ci à l’éducation est absolument essentiel. Il importe donc d’assurer aux enfants migrants un accès à l’enseignement obligatoire, indépendamment de leur statut légal ou de celui de leurs parents. Il est crucial que la qualité de la scolarité soit garantie et que les élèves aient la faculté d’apprendre la langue majoritaire (tout en progressant dans leur langue maternelle). L’une des difficultés constatées à cet égard dans certains pays est la pénurie d'enseignants ayant reçu une formation les habilitant à s’occuper d’enfants migrants. L’Europe ne peut se permettre de manquer à ces jeunes nouveaux venus, dont le sort se confond avec le nôtre et qui ont beaucoup à nous apporter, pour peu qu’on leur en donne la chance. La première étape consiste à reconnaître que les droits de l'homme s'appliquent aussi à eux. Thomas Hammarberg Informations supplémentaires
pdf: http://www.coe.int/t/commissioner/viewpoints/default_FR.asp?