SOUDAN: Michael David, « Mon travail, c’était de nettoyer les fusils et de cirer les bottes »

Summary: Michael David* n’a pas eu une enfance comme les autres. Pendant les 11 premières années de sa vie, il a été enfant soldat et enfant des rues, et fait partie du million d’enfants non scolarisés en âge de fréquenter l’école primaire, au Sud-Soudan. Mais aujourd’hui, sa vie est peut-être en train de changer :

[Le 4 juillet 2011] - « Ma mère était une des nombreuses épouses de mon père. Nous habitions une maison avec beaucoup de "tukhuls" [huttes] près de Bentiu, avec mon frère aîné et le reste de la famille. Un jour, ma mère a quitté mon père, qui était très vieux, et nous a emmenés chez un autre homme, un ami à elle. Je ne sais pas quel âge j’avais, mais je n’allais pas encore à l’école ».

« Cet homme ne nous aimait pas beaucoup, mon frère et moi. Nous sommes restés là-bas quelque temps. Lorsque j’ai eu sept ans et mon frère neuf, il nous a emmenés à la caserne et nous a laissés là. On devait travailler dur pour avoir à manger et un endroit où dormir ».

« Comme j’étais parmi les plus jeunes, mon travail, c’était de nettoyer les fusils et de cirer les bottes. Après avoir nettoyé un fusil, je l’emmenais au stand de tir pour le tester. C’est comme ça que j’ai appris à devenir soldat. Je faisais même de l’espionnage : je partais devant les soldats plus âgés et je revenais leur raconter ce que j’avais vu. Beaucoup de gens ne se doutaient pas que j’étais soldat ».

« A cette époque-là, je buvais déjà de l’alcool et je fumais ».

« Au bout d’environ deux ans passés à la caserne, mon frère et moi ne pouvions plus supporter ces souffrances : on ne nous donnait souvent pas à manger et les autres soldats nous maltraitaient. Mon frère nous a convaincus, moi et un autre garçon, qu’on devait essayer de s’échapper et finalement, c’est ce qu’on a fait ».

« Nous nous sommes retrouvés à Bentiu. Mon frère et moi savions où habitait un parent de mon père, alors nous sommes allés chez lui. Il a accepté de nous accueillir et de nous emmener à l’école. Mais deux mois plus tard, il est brusquement parti à Khartoum en nous laissant seuls chez lui. Peu après, le propriétaire de la maison nous a mis à la porte. Nous avons vécu dans la rue ; le jour, nous faisions les poubelles pour trouver de la nourriture et la nuit, nous retournions dormir devant la maison de notre voisin ».

« L’année dernière, une travailleuse sociale m’a trouvé dans la rue et m’a parlé de réhabilitation. Elle a essayé de me ramener chez moi, mais on m’a renvoyé parce que ma mère n’habitait plus là. On m’a ensuite emmené dans un centre [de réhabilitation] où je suis resté pendant trois mois. La travailleuse sociale m’a dit qu’on me chercherait une famille d’accueil. On m’en a trouvé une et j’étais censé habiter chez ces gens, mais ils étaient méchants avec moi. Ils ont vendu mon uniforme d’écolier et mes livres. Alors, je suis retourné vivre dans la rue ».

« Cette année, ma travailleuse sociale m’a accueilli chez elle et a veillé à m’inscrire à l’école. Aujourd’hui, je suis en CE1. J’aime beaucoup l’école. On m’a dit qu’on me trouverait une autre famille, sans doute un membre de ma famille, qui recevrait une aide pour que je puisse continuer d’aller à l’école ».

« Pour l’instant, je suis heureux de vivre chez ma travailleuse sociale ; je mange bien, je dors bien et je vais à l’école tous les jours. Un jour, j’espère aller étudier à l’étranger, surtout au Kenya, puis revenir et devenir professeur. Si je ne deviens pas professeur, je voudrais devenir un grand général dans l’armée ».

« Aller à l’école m’a aidé à arrêter de boire et de sniffer de la colle. Mais je n’ai pas encore réussi à arrêter de fumer des cigarettes ».

*un nom d’emprunt

pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=93127

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