Slovaquie : Un tribunal se prononce contre la ségrégation des enfants roms à l'école

Summary: L’école s'est rendue coupable de discrimination envers des enfants roms, en les plaçant dans des classes à part sans justification raisonnable. Cette décision historique a été annoncée par le tribunal du district de Prešov, en Slovaquie, mardi 3 janvier 2012.

[Le 3 janvier 2012] - «C’est la première fois qu’un tribunal slovaque se penche sur cette pratique généralisée et illégale qu’est l’éducation séparée des enfants roms, qui a des répercussions sur la vie de milliers d’enfants et les enferme dans l’engrenage de la pauvreté et de la discrimination», a indiqué Barbora Černušáková, spécialiste de la Slovaquie à Amnesty International.

L’école primaire du village slovaque de Šarisské Michaľany, dans la région de Prešov, doit cesser de pratiquer la ségrégation à l’égard des élèves roms en les plaçant dans des classes à part, ont déclaré Amnesty International et le Centre des droits civils et humains, organisation non gouvernementale slovaque.

«Les élèves roms de l’école primaire de Šarisské Michaľany commencent ce nouveau trimestre dans des classes séparées du reste de leurs camarades mais cela ne peut pas durer. L’école doit immédiatement prendre des mesures pour qu’ils puissent bénéficier des mêmes conditions d’enseignement que les autres enfants, au sein de classes intégrées», a souligné Stefan Ivanco, du Centre des droits civils et humains.

Une discrimination qui s’était aggravée

Depuis des années, l’école primaire de Šarišské Michaľany ouvre des classes d’enseignement classique à part, situées à un étage différent du bâtiment, accueillant exclusivement des élèves roms. La situation s’est aggravée lors de l’année scolaire 2008/2009, quand l’école a transféré dans ces classes distinctes l’ensemble des autres enfants roms précédemment inscrits dans les classes intégrées aux côtés d’enfants non issus de minorités.

Le Centre des droits civils et humains est à l’origine des poursuites ouvertes contre l’école en juin 2010. Le Centre a fait valoir que l’éducation à part dispensée aux enfants roms dans des classes qui leur sont réservées constituait une forme grave de discrimination se fondant sur leur origine ethnique, ainsi qu’une violation de leur droit à une éducation sans discrimination.

Amnesty International a soumis une intervention écrite sur ce cas, soulignant que la ségrégation subie par les enfants roms dans les classes qui leur sont réservées constitue une violation du droit à l'égalité de traitement et de l’interdiction de la discrimination en vertu du droit international.

Le tribunal du district de Prešov a rejeté les arguments de l’école selon lesquels le fait d’éduquer les enfants roms issus de milieux défavorisés dans des classes séparées est le seul moyen de dispenser un enseignement de qualité équivalente à tous les élèves.

L'école n'a pas pu prouver l'avantage de la séparation des classe

L’école a soutenu que ce système de classes séparées avait été instauré dans le but de permettre aux instituteurs d'adopter une démarche plus individualisée lorsqu'ils enseignent à ces enfants. L’école n’a toutefois pas été en mesure de prouver qu’une scolarisation dans des classes distinctes représentait un quelconque avantage pour les enfants roms ni de démontrer qu’il s’agissait d’une mesure temporaire plutôt qu’à long terme.

Par ailleurs, s’appuyant pour cela sur un ensemble de normes internationales et régionales en matière de droits humains, notamment sur des arrêts rendus à ce propos par la Cour européenne des droits de l'homme, le tribunal de district a estimé que la pratique par l’école de la ségrégation dans le domaine de l’éducation bafouait les obligations du pays sur le plan des droits humains. L’école n’a pas encore décidé si elle formerait un recours contre la décision du tribunal du district.

«Les autorités scolaires doivent éliminer toutes les formes de ségrégation et les remplacer par une démarche inclusive. Il se peut qu’il s’agisse là d’une tâche difficile, mais il n’existe pas d’autre moyen de réaliser pleinement les droits de tous les élèves. Nous sommes prêts à aider l’école à élaborer et mettre en œuvre un plan de déségrégation interne qui soit conforme à la décision du tribunal», a poursuivi Stefan Ivanco, du Centre des droits civils et humains.

Un avertissement pour toutes les écoles

«Les répercussions de la décision prononcée par le tribunal vont bien au-delà de l’école primaire de Šarišské Michaľany. C’est un avertissement adressé aux écoles slovaques dans leur ensemble, visant à les inciter à adopter une démarche inclusive prenant en compte la diversité ethnique, culturelle et sociale des élèves. Une éducation inclusive dans un environnement présentant une grande diversité leur apprend à être ouverts, tolérants, courtois et responsables dans une société naturellement hétérogène.»

«Toutes les écoles primaires doivent acquérir une approche individualisée de l’enseignement, dans laquelle aucun enfant n’est injustement exclu de la filière classique. Les autorités locales et nationales doivent pleinement les soutenir, conformément à leurs obligations juridiques nationales et internationales.»

Le gouvernement doit maintenant agir

Cela fait des années qu’Amnesty International et le Centre des droits civils et humains se mobilisent en Slovaquie contre les pratiques discriminatoires et ségrégationnistes tenaces à l’égard des enfants roms dans les écoles. En septembre 2010, Amnesty International a préconisé que le gouvernement prenne une série de mesures dans le but de garantir que l’interdiction de la ségrégation soit mise en œuvre et appliquée.

«La décision rendue par le tribunal contre la ségrégation se fondant sur l’origine ethnique des élèves dans une école spécifique doit pousser les autorités slovaques à agir. Après la démission du gouvernement en novembre 2011, l’ensemble des partis politiques qui composeront le nouveau gouvernement à l’issue des élections en mars doivent s’engager à éradiquer la discrimination et la ségrégation qui sont au cœur du système scolaire du pays», a ajouté Barbora Černušáková d’Amnesty International.

«Aucun changement réel ne pourra avoir lieu sans véritable volonté politique. Jusqu’à présent, à notre connaissance, les autorités slovaques ont fort peu agi sur ce terrain. C’est au gouvernement slovaque qu’échoit la responsabilité de l’élimination des obstacles discriminatoires et de l’intégration réussie des enfants roms au sein du système éducatif classique.»

pdf: http://www.amnesty.ch/fr/pays/europe-asie-centrale/slovaquie/docs/2012/t...

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