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Summary: Dans les rues de Dakar, la capitale sénégalaise, traînent plus de 7.000 enfants que le gouvernement voudrait intégrer dans le système éducatif conventionnel, inscrire dans des écoles coraniques ou retourner à leurs familles respectives.
Selon l’organisation américaine de défense des droits se l’Homme 'Human Rights Watch', quelque 100.000 enfants mendiants appelés "talibés" circulent dans les rues du Sénégal. Et ils sont 7.600 dans la capitale, selon une étude du Partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants de la rue (PARRER), une association de droit privé créée en 2007 avec le soutien de l’Etat sénégalais et certains de ses partenaires financiers et techniques dont la Banque mondiale. La mission assignée au PARRER est de retirer les enfants qui mendient dans les rues de Dakar afin de les envoyer dans le système éducatif conventionnel ou dans des écoles coraniques (daara, en wolof) qui seront soutenues par le gouvernement, a expliqué à IPS, Cheikh Hamidou Kane, président du PARRER. "Cette présence massive des talibés dans ses rues fait injure au Sénégal, à ses valeurs d’hospitalité, à ses valeurs identitaires, culturelles, morales et religieuses", déclare Kane, estimant qu’il faut "éradiquer ce phénomène dans un délai raisonnable", dans quatre ou cinq ans. C’est l’objectif que s’est assigné le PARRER. Au ministère de l’Enseignement élémentaire, "nous sommes en train de définir des normes standard d’enseignement dans les daara, dans les principales zones pourvoyeuses de talibés, à savoir Kolda et Ziguinchor (sud du pays), Thiès (ouest) et Dakar", a dit à IPS, Kabir Mbaye, chef de la division des daara modernes. Le gouvernement sénégalais s’est orienté vers la modernisation des daara. D’abord, souligne Kane, "l’Etat doit vérifier le programme qui est enseigné dans les daara, voir s’il s’agit d’un programme d’enseignement conforme à celui qu’il a élaboré pour l’école publique laïque. Il doit aussi vérifier s’il y a un minimum de sécurité, par exemple". Le PARRER a reçu en 2007 un financement japonais de 1,7 million d’euros (2,3 millions de dollars), qui a permis de recenser les 7.600 talibés dans les rues de Dakar. Selon cette étude, 37 pour cent de ces enfants errants affirment garder un contact permanent avec leur famille, tandis que trois pour cent d’entre eux sont orphelins. Ils partagent le sort d’être sous la tutelle de maîtres coraniques qui en font plus des mendiants que des pensionnaires d’une école coranique. Par ailleurs, l’étude indique que 30 pour cent de ces enfants viennent de la Guinée-Bissau et 30 pour cent du Mali. D’autre part, ce financement japonais gardé à la Banque mondiale sera décaissé au fur et à mesure que le PARRER trouvera des solutions à la mendicité des enfants. "Le retrait des enfants de la rue est une initiative que nous saluons, car la mendicité est une atteinte à la dignité humaine de ces enfants exposés à la rue. Nous préconisions leur retour dans leur famille d’origine, qui est la cellule de base la plus propice à l’éducation", affirme l’avocat Assane Dioma Ndiaye. "Ils doivent retrouver à leurs attaches familiales et recevoir une assistance familiale au lieu d’être soumis à cette instabilité psychologique permanente" de la rue, a poursuivi Ndiaye, président de l’Organisation de défense des droits de l’Homme (ONDH) du Sénégal. "Dans une démarche pilote, un recensement des écoles coraniques, dans la banlieue de Dakar et dans la région de Thiès, a livré des résultats provisoires qui font état de 223 daara dans ces zones", a expliqué Ramatoulaye Ndao Diouf, chef de la Cellule d’appui à la protection de l’enfant (CAPE), un service de la présidence de la République. "Des daara vont être ciblées en priorité parmi ces 223, suivant les ressources disponibles", pour recevoir les premiers groupes de talibés retirés de la rue, a-t-elle confié à IPS. Selon Diouf, "Le PARRER et la CAPE comptent mobiliser différents acteurs et partenaires dont la responsabilité est engagée par rapport aux enfants de la rue et les daara : les associations et groupements traditionnels, la société civile moderne, les religieux, les médias, les ONG de la Ummah islamique et le secteur privé". Dans le quartier de la Médina, à Dakar, Anta Mbow s’occupe de plusieurs enfants, ex-talibés qu’elle a retirés de la rue et entretient avec l’aide de partenaires financiers, depuis sept ans. "L’Empire des enfants, avec le soutien de l’Organisation internationale des migrations (OIM), a retourné une bonne partie de ses pensionnaires à leurs familles", indique Mbow dont l’association est basée à Dakar. La mendicité des enfants "est une situation intolérable qui n’est pas près de disparaître", même si "l’Etat du Sénégal s’est engagé à éradiquer ce phénomène, parce qu’il lui manque la volonté pour le faire. Je suis sûre qu’on peut mettre fin à la mendicité des enfants en un temps record, si on en a la volonté. L’Etat en a les moyens", affirme-t-elle. En 2005, le parlement sénégalais avait voté une loi qui interdit "la mendicité et la maltraitance des enfants". Cette loi considère le fait d’envoyer un enfant mendier comme une maltraitance. "Il faut appliquer les lois qui existent et punissent la maltraitance des enfants. Des enfants de pays où la mendicité est interdite se ruent vers le Sénégal" qui laisse perdurer ce phénomène, insiste Mbow. En plus des moyens juridiques, dit-elle, "l’Etat sénégalais a les moyens financiers pour combattre la mendicité des enfants. C’est le rôle de l’Etat de les entretenir dans des écoles, dans des daara, et de considérer ceux de ces enfants dont les parents sont introuvables comme des pupilles de la nation. On ne peut pas être mieux placé qu’un Etat pour faire cela". Le PARRER et la CAPE ont signé, récemment, une convention de financement en vertu de laquelle 23 millions de francs CFA (environ 47.900 dollars) seront destinés, dans les prochains mois, à l’entretien d’enfants entretenus dans dix daara de la banlieue de Dakar, pour une phase-pilote de cette politique de retrait des enfants de la rue. "Un grand pas a été franchi au Sénégal puisqu’on dénonce maintenant ce phénomène. J’ai entendu des marabouts, des religieux le dénoncer. Auparavant, c’était un sujet tabou", rappelle Mbow. "Envoyer les enfants mendier est contraire aux préceptes de notre religion (l’islam). Ceux qui le font devraient être arrêtés et punis par les juridictions", déclare à IPS, Aliou Sarr, un imam de Golf, un quartier de la banlieue dakaroise. Le Sénégal est un pays musulman à 95 pour cent, selon des chiffres officiels.