SENEGAL La recrudescence du viol des enfants inquiète Aissatou Sall

Summary: DAKAR , 19 nov (IPS) - Fatou Kiné Barry est assise au chevet de sa fille à Guediawaye, une banlieue de Dakar, la capitale sénégalaise. Elle arrange nerveusement sa tunique qui lui sert de couverture. Une douleur indicible se lit sur les deux visages

Aissata, sa fille de 12 ans, de retour de l’école, a été attirée derrière les buissons par un homme qu’elle affirme n’avoir jamais vu et qui l’a violée et battue au début de ce mois de novembre. Des passants l’ont retrouvée, évanouie. «Ma fille souffre dans sa chair», soupire Barry, 45 ans environ.

Selon Dr Khadyja Mbaye, une gynécologue au centre de santé de cette banlieue, ce cas n’est pas isolé. «Nous recevons régulièrement des personnes victimes de viol et d’autres agressions sexuelles pour une première consultation et un certificat médical leur est délivré pour des poursuites judiciaires», affirme-t-elle.

La recrudescence des cas de viols prend des proportions alarmantes au Sénégal et les mineurs restent la couche la plus touchée par ce phénomène. Les journaux relatent régulièrement ce type de violence: 25 fillettes violées par leur maître coranique, Layine, un garçon de huit ans victime de pédophilie, Ndeye, une adolescente violée puis tuée sauvagement par un déséquilibré...

Pour Adji Kane Diallo, une sociologue basée à Dakar, «les valeurs basculent, les gens n’ont plus de repères et malheureusement, les enfants en font le plus souvent les frais parce qu’ils constituent la proie facile». Elle ajoute : «Avant, l’enfant était protégé par toute la collectivité, mais maintenant avec les familles nucléaires et les problèmes économiques, l’enfant est livré à lui–même et aux maniaques sexuels».

«Il n’existe pas de statistiques officielles de cas de viols des enfants au Sénégal. De ce fait, on ne pourrait dire que ce phénomène est plus accru que dans le passé», affirme Ndiamé Gaye, directeur de cabinet du ministère des Droits humains. «Seulement, avec l’avènement des médias, les faits sont de plus en plus portés à la connaissance de l’opinion nationale et internationale».

Cependant, selon des organisations non gouvernementales (ONG) actives dans la protection de l’enfant, c’est environ 400 cas de viol qui sont recensés par an, et la plupart de ces crimes se passent dans la banlieue ou autour des villes touristiques. Mais, ces organisations estiment que ce chiffre est en deçà de la réalité, la plupart des cas n’étant pas portés devant les tribunaux.

En effet, «certains cas sont étouffés par la famille si le criminel est dans l’entourage proche de la victime (père, oncle, maître coranique...) Dans d’autres cas, à cause des pesanteurs socioculturelles, le crime est enterré après un arrangement à l’amiable avec quelquefois de l’argent, des interventions en faveur du criminel, ou des menaces qui réduisent la famille et la victime au silence», soulignent les organisations.

Peu de condamnations

«Dans les situation de violation des droits comme le viol, l’obstacle majeur est la loi du silence. Dans nos traditions, les mamans et les filles n’ont pas tendance à porter devant l’autorité publique les faits de viols parce que certains le considèrent comme dégradant», explique Gaye à IPS.

Le viol est une grave violation des droits de la personne parce qu’il porte atteinte à son intégrité physique et psychique. Le ministère des Droits humains affirme que le gouvernement sénégalais est préoccupé par l’ampleur du phénomène qu’il essaie de combattre. Un dispositif législatif répressif et dissuasif est mis en place, avec le Code pénal qui criminalise un viol commis sur un mineur. Et si la victime a moins de 13 ans, la peine est de 10 ans d’emprisonnement au moins, souligne Gaye.

Toutefois, rares sont les cas ou une peine d’emprisonnement a été prononcée, faute de procédures judiciaires menées jusqu’au bout. Un avocat qui a requis l’anonymat, indique à IPS plusieurs raisons: «La lourdeur des procédures..., les juridictions sont souvent submergées par des dossiers, et malheureusement, il n’y a pas de juridictions spécialisées pour les cas de viols. Ils sont jugés en flagrants délits».

Mais, les ONG de protection des enfants ne baissent pas les bras. Elles aident les victimes dans le long processus de suivi médical, judiciaire et psychiatrique. Ainsi, des avancées ont été notées car «plusieurs personnes accusées de viol ont été ont jugées, reconnues coupables et écopent de peine d’emprisonnement ferme», selon ces ONG. C’est le cas du maître coranique qui a été condamné récemment à 10 ans de prison pour avoir violé 25 fillettes.

Cependant, le suivi psychiatrique constitue le principal problème de ces ONG. Selon Dr Mbaye, «après la première visite, très peu de victimes reviennent pour un suivi médical et psychiatrique». Il ajoute : «Un enfant violé souffre de traumatisme grave qui peut le suivre toute sa vie s’il n’est pas pris en charge correctement. L’enfant peut souffrir du manque d’estime de soi, se dévalorise et développe un comportement qui peut être la base d’échecs scolaires».

Conscient de ses limites, le gouvernement mise sur la vulgarisation des textes réprimant ce crime. Il entend également «mener des actions synergiques en travaillant... d’une part, avec les organisations féminines pour mettre en place des mécanismes d’alerte et de veille afin de dénoncer ces abus et d’autre part, avec les acteurs de la société civile qui ont développé des stratégies pour la prise en charge des victimes pour vaincre la loi du silence», déclare Gaye à IPS.

Le Sénégal commémore ce 19 novembre la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants. Elle est célébrée concomitamment avec la Journée des droits de l'enfant, le 20 novembre. (FIN/2010)

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6233

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