ROYAUME-UNI : Cameron veut sortir le pays de la Cour européenne des droits de l’homme

[Le 1er octobre 2014] -

Plus de soixante ans après avoir activement participé à son édification, le Royaume-Uni pourrait rompre avec une institution phare de l’après-guerre en Europe : la Cour européenne des droits de l’homme. Soucieux de satisfaire les eurosceptiques de son parti et de répondre au parti nationaliste UKIP qui menace ses positions, David Cameron a fait, dans son discours clôturant le congrès du parti conservateur, mercredi 1er octobre, à Birmingham, de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) un symbole de la perte de souveraineté britannique.

« Nous n’avons pas besoin de recevoir d’instructions de juges à Strasbourg ! », a-t-il lancé sous les applaudissements. La CEDH, juridiction supra nationale siégeant à Strasbourg, est chargée de faire respecter les droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle peut être saisie par les simples citoyens lorsque tous les autres recours nationaux sont épuisés.

Le premier ministre britannique n’a pas explicitement annoncé la rupture avec cette institution créée en 1951 pour reconstruire l’Europe sur la base du respect des droits de l’homme, après la catastrophe du nazisme. Mais en promettant le vote d’une « British bill of rights » (« Déclaration des droits ») par le parlement britannique s’il est reconduit après les législatives de mai 2015, M. Cameron a de fait préparé une situation où les décisions de la cour de Strasbourg ne s’imposeront plus, comme c’est le cas aujourd’hui, aux juridictions britanniques.

Droit de vote aux détenus

« Ce n’est pas seulement la question de l’Union européenne qu’il faut régler, c’est celle de la Cour européenne des droits de l’homme », a-t-il déclaré en guise d’introduction. Tout en professant du « respect » pour les intentions initiales de la Convention, signée en 1950 par les Etats membres du Conseil de l’Europe, M. Cameron estime que « depuis lors, les interprétations du texte ont conduit à un ensemble de choses qui sont franchement mauvaises ».

Il a fait allusion à la condamnation de son pays par la CEDH, pour son refus d’accorder le droit de vote aux détenus. Le conflit entre Strasbourg et Londres à ce sujet, dure depuis 2005. Seul « notre parlement, le parlement britannique a décidé qu’ils [les détenus] n’auraient pas ce droit », a dit M. Cameron en estimant que son pays n’avait pas de leçon à recevoir : « Ce pays qui n’a cessé de défendre les droits de l’homme, qu’il s’agisse de libérer l’Europe du fascisme ou de mener le combat contre les violences sexuelles dans les conflits ».

S’il est réélu dans huit mois, David Cameron abrogera la loi sur les droits de l’homme (« Human rights act ») votée en 1998 sous Tony Blair. Ce texte oblige l’ensemble des institutions publiques britanniques à respecter la Convention européenne. Il exige des tribunaux britanniques l’application de la jurisprudence de la cour de Strasbourg « autant qu’il est possible ».

Mais la loi de 1998 respecte la souveraineté du parlement de Westminster : en cas d’incompatibilité entre une loi britannique et une prescription de la Cour européenne, les juges ne peuvent pas faire fi de la loi, mais émettent une « déclaration d’incompatibilité ». L’abrogation de ce texte, promise par le premier ministre britannique, revient à vider de son sens l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme. En 1951, le Royaume-Uni avait été l’un des premiers états à la ratifier. Bien avant la France qui ne l’a fait qu’en 1974.

Auteur: 
Philippe Bernard

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