Soumis par Louise le
[Le 9 septembre 2016] - Après avoir passé trois ans dans le couloir de la mort, Maimuna Abdulmumini a été libérée de la prison de Katsina après de nombreuses batailles juridiques faire valoir ses droits et assurer sa liberté, devant les tribunaux nationaux et régionaux.
Le chemin de la liberté pour Maimuna a été long et pénible. Elle a été condamnée à mort par une Haute cour de l’État de Katsina le 6 décembre 2012, accusée d’avoir tué son mari à l’âge de 13 ans.
Avocats Sans Frontières France a travaillé sans relâche pour s’assurer que justice soit faite pour cette fille mariée de force, sans défense, condamnée à la peine capitale en violation du droit national, régional et au droit international relatif aux droits de l'homme. En effet, les normes internationales relatives aux droits de l'homme déclarent clairement qu’une personne de moins de 18 ans ne peut être condamnée à mort.
Rappelons qu’afin de faire respecter les droits de Maimuna et d’obtenir sa libération, Avocats Sans Frontières France avait porté plainte et obtenu gain de cause à la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Dans sa décision finale rendue le 10 juin 2014 (ECW/CCJ/APP/15/13), la Cour de la CEDEAO a déclaré que la peine de mort prononcée à l’encontre de Maimuna pour une infraction commise lorsqu’elle était encore mineure constituait une violation de son droit à la vie.
La Cour a ordonné que des dommages-intérêts de cinq millions de Naira soient versés à Maimuna par le gouvernement nigérian, comme réparation pour la violation sus-nommée, en plus d’un million de Naira pour les frais engagés. Plus de deux ans après cet arrêt décisif, le gouvernement nigérian ne s’est toujours pas conformé à cette décision de la Cour de la CEDEAO. L'affaire a été traitée sur la plateforme du projet « Saving lives » (SALI) d’ASF France (un projet luttant contre la peine capitale).
En juin 2015, la division Kaduna de la cour d’appel, annule la condamnation à mort de Maimuna Abdulmumini et ordonne qu’elle soit détenue selon le bon vouloir du gouverneur.
En réaction à sa libération, Angela Uwandu, la cheffe de bureau d’ASF France au Nigéria a déclaré : « Même si la voie vers la justice a été longue et atroce pour Maimuna, victime de mariage forcé précoce, justice a néanmoins été rendue. Nous sommes extrêmement heureux que Maimuna soit désormais réunie avec sa famille. »
La libération de Maimuna montre à quel point les décisions de tribunaux régionaux tels que la Cour de la CEDEAO peuvent être influentes quand il s’agit de faire respecter les normes nécessaires à la protection des droits fondamentaux. Selon Cécile Ostier et Jean-Sébastien Mariez, co-dirigeants de l’équipe du projet SALI, cela constitue un encouragement pour ASF France à poursuivre les litiges stratégiques et à continuer à générer un dialogue entre les tribunaux domestiques et régionaux.
La peine de mort à l’encontre de Maimuna montre les faiblesses et le non-respect inhérents des garanties judiciaires protégeant les mineurs en conflit avec la loi au Nigeria. Le cas de Maimuna rappelle celui de Wasila Umar, une autre enfant mariée de manière forcée, accusée d’avoir tué son mari dans l’État de Kano en 2014. Suite à ces développements, il devient impératif pour le gouvernement de prêter attention au phénomène de mariages précoces forcés et les conséquences qu’ils entraînent, ainsi qu’à l’administration de la justice protégeant les droits des mineurs au Nigeria.
Pour plus d’informations veuillez contacter : ASF France Cheffe de Bureau - [email protected]
Pour lire l’étude CRIN du cas de Maimuna (en anglais), cliquer ici.