NÉPAL: Le coût caché du mariage précoce

Summary: Des milliers de jeunes népalaises abandonnent l’école chaque année pour se marier, ce qui leur bloque l’accès à l’éducation, selon le gouvernement. Les parents, qui ont recours à cette pratique pour économiser les frais de scolarité, n’ont souvent pas conscience de l’impact que cela peut avoir sur l’avenir de leurs filles.

 [Le 18 juin 2012] - « Nous devons nous opposer fermement aux mariages précoces en faisant appliquer les lois qui existent déjà », a dit à IRIN Dibya Dawadi, directrice adjointe du département de l’éducation népalais. « Nous savons qu’il y a énormément de jeunes filles mariées, mais il est difficile de connaître le nombre exact ».
Dans plus de 34 pour cent des nouveaux mariages au pays de l’Himalaya, la jeune mariée est âgée de moins de 15 ans, malgré l’interdiction de cette pratique, selon le ministère de la femme, de l’enfant et du bien-être social.
Les organisations non gouvernementales (ONG) affirment que le gouvernement a échoué dans le contrôle des mariages précoces, en particulier dans la région du Teraï, au sud du pays. Dans certains districts de l’est du Teraï, tels que Rupendehi, Dhanusha et Mahottari, plus de 50 pour cent des épouses ont moins de 12 ans. « Nous avons récemment entendu dire qu’une fillette de cinq ans avait été mariée », a dit à IRIN Helen Sherpa, spécialiste de l’éducation à World Education, une ONG internationale.
Le problème de la dot La dot est une préoccupation majeure. Si une fille est particulièrement jeune, les noces sont habituellement célébrées en secret par les familles car une dot moins importante est versée.
« Plus l’épouse est jeune, plus la dot est réduite », a dit Mme Sherpa. De nombreuses familles pauvres de la région du Teraï n’ont pas d’autre choix que de payer une dot élevée pour qu’une fille plus âgée épouse leur fils. Les prix varient de 200 à 20 000 dollars américains, selon l’âge de la mariée, et peuvent être prohibitifs si elle est enseignante, ingénieure ou médecin.
Même si le nombre de mariages précoces n’a pas diminué ces dix dernières années, des changements s’opèrent. Les filles sont désormais envoyées dans la famille du mari seulement lorsqu’elles atteignent l’âge de 16 ans, mais la question demeure de savoir si elles peuvent continuer à fréquenter l’école après le mariage.
« Ma fille avait 12 ans et maintenant elle en a 17, elle est assez âgée pour aller vivre dans la famille de son mari », a dit une femme qui a souhaité garder l’anonymat. Elle savait que les mariages précoces et le système de la dot étaient maintenant illégaux au Népal mais a affirmé que ce genre d’arrangements entre familles continue dans le district de Mahottari, à 300 km à l’est de la capitale Katmandou, où un grand nombre de mariages précoces ont toujours lieu.
Un risque pour leur avenir
« Il faudrait mettre un terme aux mariages précoces car cela n’affecte pas seulement l’éducation [des filles] mais également leur santé », a dit Sumon Tuladhar, spécialiste de l’éducation à l’UNICEF. « De plus, cela a aussi un impact sur leur confiance en elles et leur émancipation. Beaucoup d’enfants sont victimes des mariages précoces ; après le mariage, ils vont à peine à l’école, et même quand ils y vont, ils ont de très mauvais résultats ».
D’après les Nations Unies, le Népal a atteint une parité des sexes d’environ 0,99 pour cent pour l’inscription à l’école primaire mais même les fonctionnaires d’État sont sceptiques sur ces chiffres.
« La parité des sexes dans l’éducation est uniquement limitée à l’inscription, pas au maintien à l’école ni à la continuité et aux résultats » a dit Mme Dawadi. Le gouvernement a réalisé qu’il devait en faire plus pour que les filles retournent en classe, a-t-elle remarqué, mais il devrait aussi chercher les moyens d’éliminer les disparités dans la qualité de l’éducation des filles.

Plus de 240 000 enfants ne vont pas à l’école selon les chiffres du gouvernement, et les fonctionnaires pensent que la plupart sont des filles, surtout celles qui ont été mariées à un jeune âge.
« Le mariage précoce modifie les perspectives d’avenir pour les enfants, notamment l’investissement des parents dans leur éducation », a dit Mme Sherpa. « Dès qu’elles deviennent la ‘propriété’ de quelqu’un d’autre, les parents sont peu enclins à investir dans leur éducation à mesure qu’elles grandissent. C’est un déni total de leurs droits ».
Les frais de scolarité dans l’enseignement public sont moins chers à l’école primaire mais les classes supérieures sont souvent hors de portée pour les parents. Le taux d’alphabétisation au Népal pour la population des 6-15 ans, est de 60,9 pour cent, dont 72 pour cent de garçons et seulement 51 pour cent de filles.
Le taux d’alphabétisation baisse à mesure que les enfants grandissent et l’écart se creuse ; parmi ceux âgés de 15 ans et plus, le taux est de 56,5 pour cent, dont 71,6 pour cent de jeunes hommes et seulement 44,5 pour cent de jeunes femmes, selon le Bureau central des statistiques du gouvernement.
Certains experts pensent que la seule manière d’empêcher le mariage précoce est de poursuivre les familles en justice. « La prévention est importante car, une fois que le mariage a été célébré, il est difficile de changer cela », a dit Mme Sherpa. Mettre une mère en prison n’est pas une solution quand elle a des enfants à la maison, mais ce crime ne sera pas résolu si de telles mesures ne sont pas prises, a-t-elle ajouté.
Un rapport récent de Plan UK, une organisation caritative internationale, constate qu’environ 10 millions de filles de moins de 18 ans sont mariées chaque année dans le monde.

 

pdf: http://www.irinnews.org/fr/Report/95673/NÉPAL-Le-coût-caché-du-mariage-précoce

Pays: 
Problèmes: 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.