Soumis par Louise le
[15 octobre 2015] - Certaines informations font état d’une deuxième exécution de mineur délinquant en Iran en quelques jours à peine, ce qui met en évidence les profondes défaillances de la justice pour mineurs de ce pays, a déclaré Amnesty International mercredi 14 octobre.
Fatemeh Salbehi, une femme de 23 ans, condamnée pour un crime qu’elle aurait commis lorsqu’elle avait 17 ans, a été pendue mardi 13 octobre, seulement une semaine après qu’un autre mineur délinquant a été exécuté selon la même méthode pour des faits perpétrés alors qu’il avait 17 ans.
Fatemeh Salbehi a été pendue à la prison de Chiraz, dans la province du Fars, bien que l’Iran soit tenu en vertu du droit international de respecter l’interdiction absolue d’exécuter des mineurs, et que le procès et la procédure d’appel de la jeune femme aient présenté de graves failles. Elle avait été condamnée à mort en mai 2010 pour le meurtre de son mari, Hamed Sadeghi, 30 ans, qu’elle avait été forcée à épouser à l’âge de 16 ans.
Une évaluation effectuée par un expert de l’Organisation de la médecine d’État, présentée lors de son procès, avait indiqué qu’elle était profondément dépressive et avait des idées suicidaires à l’époque de la mort de son époux. Sa condamnation à la peine capitale a cependant été confirmée la même année par la Cour suprême iranienne.
« Le recours à la peine de mort est cruel, inhumain et dégradant dans tous les cas, mais il est particulièrement choquant lorsqu’il vient punir un crime commis par une personne qui était mineure au moment des faits, et que cette sentence est prononcée à l’issue d’une procédure qui vide de son sens la justice pour mineurs », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Avec cette exécution, la justice iranienne a une nouvelle fois fait preuve de mépris pour les droits fondamentaux des mineurs, notamment pour le droit à la vie. Il n’y a pas de mots assez forts pour condamner le recours persistant de l’Iran à la peine de mort contre des mineurs délinquants. »
L’adoption d’un nouveau Code pénal islamique en mai 2013 a alimenté l’espoir que Fatemeh Salbehi et d’autres mineurs délinquants visés par une sentence de mort voient leur condamnation annulée et leur cas réexaminé. L’article 91 du Code permet aux juges de remplacer la peine de mort par un autre châtiment s’ils estiment qu’un mineur délinquant n’avait pas conscience de la nature de son crime ou de ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à « son développement et sa maturité psychologiques » au moment des faits.
Le réexamen de l’affaire accordé à Fatemeh Salbehi en vertu de l’article 91 présentait de nombreuses lacunes. D’une durée de trois heures, l’audience a principalement eu pour but d’établir si la jeune femme priait, étudiait les manuels religieux à l’école et comprenait que tuer un autre être humain était « interdit par la religion ».
C’est sur cette base que le tribunal pénal de la province du Fars a estimé en mai 2014 qu’elle avait la maturité d’un adulte et méritait par conséquent d’être mise à mort. En parvenant à cette conclusion, les juges se sont abstenus de consulter des experts, bien qu’ils aient manqué des connaissances requises concernant la psychologie des mineurs.
Cela souligne l’importance de la disposition de la Convention relative aux droits de l’enfant, que l’Iran est tenu de respecter, qui indique clairement que la peine de mort ne peut être prononcée pour des infractions commises par des personnes mineures.
Dans un autre cas, Samad Zahabi, lui aussi un mineur délinquant, a été pendu en secret à la prison de Dizel Abad, dans la province de Kermanshah, quelques jours avant Fatemeh Salbehi, pour avoir abattu un camarade berger alors qu’ils se diputaient pour savoir qui devait faire paître leurs moutons.
Comme dans le cas de Fatemeh Salebhi, l’exécution a eu lieu sans que soit respectée l’obligation d’en informer son avocat 48 heures à l’avance, ainsi que le prévoit la loi. Sa famille a déclaré qu’elle n’avait appris sa mort qu’après que sa mère a essayé de lui rendre visite le 5 octobre 2015.
Samad Zahabi avait été condamné à mort par le tribunal pénal de la province de Kermanshah en mars 2013, bien qu’il ait affirmé pendant l’enquête et lors de son procès qu’il n’avait pas eu l’intention d’abattre l’autre berger et qu’il avait agi en état de légitime défense, lors d’une dispute dans laquelle il avait été impliqué contre son gré.
La sixième chambre de la Cour suprême a confirmé sa condamnation à mort en février 2014, bien que le parquet a soumis un document écrit demandant son annulation en vertu des dispositions du Code pénal révisé de 2013.
En décembre 2014, le conseil général de la Cour suprême iranienne a rendu un arrêt pilote accordant à l’ensemble des mineurs délinquants le droit de demander une révision judiciaire de leur cas en vertu de l’article 91 du Code pénal. Samad Zahabi n’a cependant jamais été informé de cette évolution qui aurait peut-être permis de lui sauver la vie.
« Ces derniers cas d’exécutions de mineurs délinquants font sérieusement douter de la détermination des autorités iraniennes à respecter les dispositions du Code pénal islamique de 2013 dans l’optique d’une abolition du recours à la peine de mort contre cette catégorie de délinquants », a déclaré Said Boumedouha.
« Les autorités iraniennes ne doivent pas s’imaginer qu’elle vont pouvoir échapper à la surveillance internationale jusqu’à ce qu’elles introduisent une nouvelle loi interdisant le recours à la peine de mort contre tout mineur délinquant. »
Complément d’information
Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies doit examiner la situation en Iran en janvier 2016. Le Comité surveille l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant, que l’Iran a ratifiée en juillet 1994. En tant qu’État partie à cette convention, l’Iran s’est engagé à faire en sorte que toutes les personnes de moins de 18 ans soient traitées comme des mineurs et ne soient jamais soumises aux mêmes sanctions que des adultes. En Iran, l’âge de la responsabilité pénale absolue est toujours fixé à neuf années lunaires pour les filles (environ huit ans et neuf mois) et à 15 années lunaires pour les garçons (quatorze ans et sept mois).
Entre 2005 et 2015, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles au moins 75 mineurs délinquants ont été exécutés, notamment au moins trois cette année. Plus de 160 mineurs délinquants seraient actuellement sous le coup d’une condamnation à mort à travers le pays.