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Summary: L’Indonésie place des enfants migrants et demandeurs d’asile en détention ou les néglige, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Ils sont des centaines chaque année à être détenus dans des conditions sordides, sans accès à un avocat, et parfois battus. D’autres sont livrés à eux-mêmes, sans aucune assistance pour se procurer de la nourriture ou un abri.
[Le 24 juin 2013] - Le rapport de 86 pages, intitulé « Barely Surviving: Detention, Abuse, Neglect of Migrant Children in Indonesia » (« Survivre de justesse: Détentions, violences et négligences subies par les enfants migrants en Indonésie ») expose en détail les piètres conditions dans lesquelles sont traités les enfants migrants et demandeurs d’asile en Indonésie. Ils débarquent en Indonésie après avoir fui les persécutions, la violence et la pauvreté en Somalie, en Afghanistan, au Pakistan,en Birmanie et ailleurs. Chaque année, l’Indonésie place des centaines d’enfants migrants et demandeurs d’asile en détention, sans leur donner aucun moyen de contester cette mesure. La loi indonésienne permet de détenir quelqu’un jusqu’à dix ans pour motif d’immigration. « Les enfants migrants et demandeurs d’asile mettent leur vie en péril pour fuir leur pays et atteindre l’Indonésie », a déclaré Alice Farmer, chercheuse sur les droits des enfants à Human Rights Watch. « Pourtant,au lieu d’un havre dans la tempête, ce sont des centres de détention sordides que leur offre l’Indonésie, des endroits où ces enfants perdent des mois ou des années de leur vie sans recevoir d’éducation et sans aucun espoir d’avenir. » Les enfants migrants non accompagnés – qui voyagent sans parents ou autres adultes pour les protéger – tombent dans un vide juridique. Comme aucun service gouvernemental ne prend en charge leur tutelle, personne ne répond à leurs besoins. Certains enfants croupissent en détention, tandis que d’autres sont abandonnés dans la rue, sans recevoir l’assistance judiciaire ou matérielle à laquelle la loi leur donne droit. Sans véritable perspective d’avenir, beaucoup d’enfants migrants – soit seuls, soit avec leurs familles – risquent leur vie en entreprenant de périlleux voyages en bateau vers l’Australie. Ils s’embarquent typiquement sur des rafiots de fortune fournis par des contrebandiers, sans réserve de carburant suffisante; on pense que chaque année ils doivent être des centaines à mourir lors de telles traversées. Voir la carte interactive montrant les itinéraires de migration vers l'Indonésie Pour établir ce rapport, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 102 migrants âgés de 5 à 66 ans. Parmi eux, 42 étaient des enfants lors de leur entrée en Indonésie. Les chercheurs de Human Rights Watch ont également rencontré un certain nombre de responsables du gouvernement concernés par les migrations et se sont entretenus avec des membres d’organisations non gouvernementales et intergouvernementales. Aussi bien les adultes que les enfants décrivent des scènes où les gardiens les ont roués de coups, eux ou d’autres détenus - coups de pied, coups de poing ou gifles. Certains ont rapporté que les gardiens les attachaient ou les bâillonnaient, les battaient avec des bâtons, les brûlaient avec des cigarettes ou leur faisaient subir des chocs électriques. Dans un cas, des parents ont déclaré que les gardiens des services de l’immigration avaient forcé leurs enfants, même ceux de 4 et 6 ans, à regarder des gardiens battre d’autres détenus. Plusieurs garçons non accompagnés ont dit à Human Rights Watch que les gardiens de l’immigration les avaient battus en détention. « Ce jour-là, j’ai été tabassé très fort », a déclaré à Human Rights Watch un garçon de 15 ans qui avait essayé de s’échapper de son centre de détention. « Ils étaient huit ou neuf à me battre; la plupart étaient des gardiens et il y avait aussi une personne de l’extérieur. » Les conditions de détention sont très loin d’être conformes aux normes internationales. En effet les centres sont souvent surpeuplés et insalubres, et parfois inondés. Les enfants n’ont pratiquement aucun accès à l’éducation ni à des loisirs adéquats. Certains enfants ont déclaré qu’ils ne voyaient pas la lumière du jour pendant des semaines. Plus de 1 000 enfants non accompagnés ont débarqué en Indonésie en 2012. Beaucoup ont été enfermés avec des adultes n’ayant aucune parenté avec eux, ce qui les expose d’autant plus au risque de violences et d’abus qui caractérisent les centres de détention pour immigrés en Indonésie. Il y avait en mars 2013 près de 2 000 enfants demandeurs d’asile et réfugiés en Indonésie, un nombre qui n’a fait qu’augmenter depuis cinq ans. L’Indonésie n’a pas de loi sur l’asile et délègue sa responsabilité dans la détermination des personnes à protéger comme réfugiés au bureau du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR). Pourtant, même quand le HCR reconnaît les gens comme réfugiés, l’Indonésie refuse souvent de les relâcher des centres de détention et ne leur reconnaît aucun droit légitime d’être dans le pays. Même s’ils sont libérés, les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris les enfants, sont soumis à la menace permanente d’être à nouveau arrêtés et détenus. Les demandeurs d’asile et les réfugiés qui sont libérés ne peuvent pas travailler légalement ni se déplacer librement dans le pays. Les enfants ont peu de perspectives de bénéficier d’une éducation. Beaucoup attendent des mois ou des années avant que le HCR ne traite leur dossier. Seul un petit nombre d’entre eux sont finalement réinstallés dans un pays tiers. Le gouvernement indonésien devrait cesser de détenir les enfants migrants, assainir ses centres de détention et instituer un traitement équitable et approfondi des dossiers de demande d’asile, a déclaré Human Rights Watch. « Les enfants migrants en Indonésie sont piégés dans une attente qui se prolonge sans qu’un dénouement soit assuré », a conclu Alice Farmer. « Des enfants désespérés vont continuer à affluer en Indonésie et le gouvernement devrait faire l’effort de s’occuper d’eux décemment. » ----------------------------- Sélection de témoignages extraits du rapport « Ce jour-là, j’ai été tabassé très fort (…) Ils étaient huit ou neuf à me battre, la plupart étaient des gardiens et il y avait aussi une personne de l’extérieur. Ils m’ont fait mal à l’épaule, à l’oreille, au dos. J’ai été battu en même temps qu’un des autres qui s’étaient fait prendre. C’était dans la cour – tout le monde était là, ils étaient dehors de toute façon. Ils ont vu et ils se sont mis à regarder. Il y avait une famille iranienne avec un petit garçon de 7 ans. Il regardait, lui aussi. » – Un garçon afghan de 15 ans qui a été maltraité par les gardiens des services de l’immigration après avoir essayé de s’échapper d’un centre de détention pour immigrés à Balikpapan dans le Kalimantan oriental. « Pendant presque cinq mois je n’ai pas vu le soleil (…) Les deux derniers mois, on nous laissait aller dehors de 16 à 17 heures. Comment expliquer ce que j’ai ressenti quand on est sorti ? On était comme des fous, on courait dans tous les sens. On pensait qu’on était en train de revivre. Dans la cour il y avait de l’eau jusqu’ici [en montrant sa taille] et on courait dedans. » – Un garçon afghan de 17 ans qui a été détenu au Centre de détention pour immigrés de Pontianak pendant sept mois et demi après s’être rendu en Indonésie tout seul, sans parent ni tuteur. « Dix personnes se sont échappées. Deux ont été rattrapées par les gardiens, et ils les ont ramenées. Ils les ont battus comme des chiens. Ils avaient du sang qui coulait du nez, du visage, de partout. Ils avaient appelé toutes les familles pour regarder (…). Mes filles avaient très peur quand elles ont vu ça juste devant elles. » – Une mère réfugiée d’Afghanistan décrivant un incident durant lequel les gardiens du Centre de détention pour immigrés de Pekanbaru, à Sumatra, ont forcé ses trois filles de 4, 6 et 10 ans à regarder alors qu’ils battaient des détenus. « Il y avait 20 à 30 mineurs non accompagnés (…) Quelqu’un avait volé de la nourriture aux garçons. Les agents de l’immigration n’ont pas écouté; ils ont ri quand on s’est plaint. À chaque fois que les garçons parlaient au téléphone avec leur famille, ils pleuraient. Les garçons pleuraient tout le temps. C’étaient les plus désarmés de tous les détenus. Ils se faisaient agresser. » – Un demandeur d’asile afghan détenu au Centre de détention pour immigrés de Kalideres, près de Jakarta, et qui était enfermé dans une salle surpeuplée avec entre autres des enfants non accompagnés qui étaient en Indonésie sans parents ni tuteurs. « Je n’ai pas d’argent, donc je n’ai aucun moyen d’aider [ma mère en Somalie]. Ce mois-ci j’ai demandé au HCR de me renvoyer en Somalie parce que j’aime autant mourir aux côtés de ma mère. Je leur ai dit : ‘Si vous n’allez pas m’envoyer dans un autre pays, alors renvoyez-moi à la maison’. Je ne fais rien de la journée. Pas de cours, pas de travail, c’est comme si ma vie était sous embargo. » – un garçon de 17 ans réfugié de Somalie qui s’est rendu en Indonésie tout seul et a demandé le statut de réfugié auprès du HCR. Il vit dans une communauté de migrants en bordure de Jakarta. ----------------------------------------------------------------------------------------- Plus d'informations :