Guantanamo cinq ans après: la situation des enfants

[LONDRES, 11 janvier 2006] - Le 11 janvier 2002, le centre de détention de Guantánamo Bay, situé dans une base navale des Etats-Unis à Cuba, recevait ses premiers détenus dans le contexte de la “guerre contre le terrorisme”, après l'invasion de l'Afghanistan. Cinq ans plus tard, environ 400 hommes sont toujours détenus à Guantánamo en tant que “combattants ennemis”, dont au moins quatre jeunes qui étaient âgés de moins de 18 ans lors de leur arrestation. Ils n'ont toujours pas été inculpés ou jugés, ils ne savent pas combien de temps ils seront gardés prisonniers, et ils sont dans l'incapacité de contester la légalité de leur détention. Aujourd'hui, des militants se mobilisent dans le monde entier pour demander la fermeture du camp de Guantánamo.

Les enfants détenus à Guantánamo (Amnesty International - Novembre 2006)

17 détenus auraient été conduits à Guantánamo, alors qu’ils n’avaient pas encore 18 ans. Au moins 4 d’entre eux y seraient toujours présents: Mohammed al-Gharani, ressortissant tchadien arrêté au Pakistan alors qu’il avait 15 ans, Omar Khadr, Canadien, capturé en Afghanistan à l’âge de 15 ans, Hassan bin Attash, Yéménite, arrêté au Pakistan à l’âge de 17 ans et Yousef al-Shehri. Yassar al-Zahrani, ressortissant saoudien, avait, semble-t-il, 17 ans au moment de sa capture. Il est mort à Guantánamo en juin 2006 – il se serait suicidé.

En libérant trois enfants Afghans de Guantánamo en janvier 2004, le ministère de la Défense des Etats-Unis a déclaré "comme tous les autres détenus, ces jeunes étaient considérés comme des combattants ennemis représentant une menace pour la sécurité des Etats-Unis… Dans ce cas, l'age n'empêche pas la mise en détention." Les trois enfants qui furent libérés étaient âgés de 13 à 15 ans au moment de leur détention. Leur libération était un acte lié à la politique du gouvernement plutôt qu'un effort du gouvernement de respecter ses obligations légales internationales en terme de droits de l'Homme. Les Etats-Unis ont décrété que les détenus juvéniles ne représentaient plus de danger pour la nation, qu'ils n'apportaient plus d'informations utiles et qu'ils ne seraient donc jugés pour aucun crime."

Les trois enfants libérés en 2004 avaient été placés dans des cellules séparées de celles des adultes dans le camp en raison de leur jeune âge. En revanche, les mineurs qui sont encore à Guantánamo sont détenus dans les mêmes conditions que les adultes, et comme eux, endurent des séjours prolongés de détention solitaire dans le Camp V.

La détention et l'interrogation des enfants à Guantánamo viole certains principes de droits international basés sur la vulnérabilité particulière des moins de 18 ans. Les enfants en détention doivent être séparés des adultes et la détention ne doit être qu'une mesure de dernier ressort. Lorsque la détention est nécessaire, l'Article 37 de la Convention des Droits de l'Enfant spécifie que "les enfants privés de liberté aient le droit d'avoir rapidement accès à l'assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu'une décision rapide soit prise en la matière." L'Article 40 spécifie que si l'enfant est accusé d'avoir enfreint la loi, il/elle a le droit à "un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci". Les Etats-Unis ont signé la Convention et sont donc dans l'obligation d'éviter toute action qui contredirait l'esprit et les principes du traité, en attendant de le ratifier.

Les Etats-Unis ont aussi ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. Selon l'Article 6(3), dans le cas des enfants détenus en raison de leur participation aux hostilités en Afghanistan, les Etats-Unis ont le devoir de leur accorder "toute l'assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. ". La détention militaire indéterminée d'enfants à Guantánamo Bay contredit ces obligations.

En 2004, le Comité International de la Croix Rouge (ICRC), la seule organisation qui ait eu accès aux prisonniers, a déclaré: "Le CICR considère que Guantanamo n’est pas un endroit approprié pour interner des mineurs. Il est surtout préoccupé par le fait que ces jeunes sont incarcérés loin de leur famille, et s’inquiète des conséquences qu’une telle expérience pourrait avoir pour eux sur le plan psychologique alors qu’ils sont à une étape clé de leur développement." [lire le rapport].

Tous les individus transférés à Guantánamo alors qu'ils étaient âgés de moins de 18 ans ont maintenant atteint leur majorité. Cela ne change pas le fait que leur traitement antérieur ait violé les principes internationaux concernant le traitement des mineurs en détention. Selon Amnesty International, les détenus de Guantánamo arrêtés lorsqu'ils avaient moins de 18 ans ne devraient pas comparaitre devant un tribunal militaire.

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