Soumis par Louise le
Selon une étude de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) de septembre 2013, seulement un tiers des 2 000 enfants habitant dans des campements de fortune (pour 15 000 adultes) allaient effectivement en classe. Or, sans scolarisation, toute perspective d’intégration est compromise. Mais les statistiques publiques disponibles ne permettent pas de comprendre les raisons de cette situation.
D’où l’intérêt d’une étude présentée le 28 juillet par l’ONG European roma rights centre (ERRC) qui permet d’en savoir davantage. Après avoir mené l’enquête dans six bidonvilles de France (deux en Seine-Saint-Denis, deux dans la communauté urbaine de Lille et deux à Marseille), l’organisation a calculé que 60 % des enfants non scolarisés ne trouvent pas le chemin de l’école en raison de l’obstruction administrative des maires.
En général, le refus est motivé par l’absence de lien avec la commune, faute d’adresse précise, y compris lorsque les personnes concernées sont hébergées par le 115. L’association cite aussi les cas d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et de Ris-Orangis (Essonne), deux villes où le maire s’était résolu l’an dernier à scolariser les enfants, mais dans un gymnase, et pas dans une enceinte scolaire.
Des expulsions sans évaluation de la situation
Les évacuations forcées sont également en cause, puisque les personnes interrogées déclarent en moyenne avoir été expulsées six fois depuis leur arrivée en France. 96,5 % d’entre elles disent n’avoir bénéficié d’aucun diagnostic social au préalable, alors que ce dernier, rendu obligatoire depuis une circulaire interministérielle signée il y a deux ans, doit prendre en compte la situation scolaire des enfants. La moitié des personnes interrogées constatent des séquelles psychologiques chez leurs enfants, après expulsion.
« La France est en train de créer toute une génération d’analphabètes. Elle souffrira nécessairement des conséquences sociales d’une jeunesse à qui on ne propose aucun avenir. Sans efforts, nous n’avancerons pas vers une société stable et fonctionnelle », met en garde Erika Bodor, coordinatrice du projet de recherche.
De fait, l’intensité maintenue des évacuations (3 807 au deuxième trimestre 2014) n’incite pas pour autant les habitants des bidonvilles à repartir en Roumanie ou en Bulgarie : 94 % des personnes interrogées déclarent vouloir rester en France pour de bon.
La jurisprudence évolue
European roma rights mise sur l’évolution de la jurisprudence pour améliorer la situation. L’association souligne par exemple la décision d’un juge de ne pas évacuer le bidonville des Coquetiers à Bobigny (Seine-Saint-Denis) car 90 % des petits y étaient scolarisés. « C’est une première étape tendant à affirmer que le droit de propriété des terrains occupés n’est pas nécessairement supérieur à l’intérêt des enfants », estime Manon Fillonneau, en charge de la protection des droits de l’homme à ERRC.
La mairie de Bobigny, qui détient le terrain sur lequel les Roms se sont installés, a fait appel de cette décision. L’association prône également un allégement des exigences administratives (preuve de vaccination, de domiciliation) en général avancées par les élus locaux pour ne pas inscrire un enfant à l’école.
Plus d'informations:
- Lire le communiqué de presse de l'ERRC
- Voir la vidéo : des enfants roms parlent de l'accès à l'éducation en France (ERRC)