Etat des lieux et propositions sur le travail des enfants en RDC

Summary: Article sur le travail des enfants en République
Démocratique du Congo, rédigé par
l'association Shalom Yahvé Ministries, à
l'occasion de la célébration de la journée
internationale contre le travail des enfants.

ETAT DES LIEUX ET PROPOSITIONS SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS EN RDC

La communauté internationale célèbre ce 12 juin 2005 la journée
internationale contre le travail des enfants. Il nous importe en ce jour de
relever de manière particulière cet angle souvent méconnu dans le
domaine du travail, à savoir le travail des enfants afin de manifester notre
ferme volonté de contribuer à l’épanouissement intégral de l’enfant.

En effet, en date du 17 juin 1999, la communauté internationale, à travers
l’Organisation internationale du travail, adoptait la Convention de Genève
sur les pires formes du travail des enfants. Cette législation internationale
ne vient peut-être pas couronner la lutte contre l’exploitation économique
des enfants, mais en tout cas, marque un très grand pas dans le schéma
global de la protection et de la promotion des droits de l’enfant.

Aussi la dite communauté a-t-elle manifesté l’intérêt qu’elle porte à une
protection et une promotion plus efficace des droits de l’enfant en
convoquant une session extraordinaire aux Nations Unies pour l’enfance.
En outre, la RDC connaissant des bouleversements politiques destinés à
bâtir un Etat de droit, l’objectif visé par notre association Shalom Yahvé
Ministries est d’interpeller toute la communauté nationale sur la situation
cruciale des enfants au travail en se replaçant premièrement dans un
contexte universel historique et législatif, tout en catégorisant le domaine
du travail des enfants, puis en étudiant les causes et les conséquences
aux fins d’aboutir à des propositions concrètes vis-à-vis de ladite
communauté. Ce, dans la perspective de promouvoir en RDC le droit de
l’enfant au libre développement et l’épanouissement intégral ( physique,
intellectuel et spirituel).

1. Bref historique sur le travail des enfants

La tradition rurale et paysanne a toujours considéré l’enfant comme un
acteur économique à part entière. Et dans les temps anciens, l’espérance
de vie était si courte que le petit enfant était considéré comme un
adolescent et l’adolescent comme un adulte. Particulièrement employé aux
champs, il travaille en famille et devient souvent ce qu’est le père :
agriculteur, pêcheur, chasseur, maçon, charpentier, etc. Cependant, il est
intéressant de noter que la fameuse révolution industrielle n’améliora pas
la situation des enfants. Loin de là !

En effet, pour répondre à une demande très forte de construction des
machines, la métallurgie se développe et la consommation du minerai de
fer et de charbon augmente, entraînant une disparition progressive de
petits ateliers familiaux en faveur d’une prolifération des centres industriels
nécessitant une importante main d’œuvre composée d’ouvriers regroupés
dans des usines.

Rien que pour le XIXème siècle, une étude de l’OIT a fait état d’une
situation très critique : plus ou moins 150 millions d’enfants dans le monde
ont exercé une activité professionnelle et plus ou moins 100 millions autres
l’ont fait à temps partiel. Dans les textiles, par exemple, les femmes et les
enfants représentaient 75 % de la main d’œuvre. Aussi le XIXème siècle a-
t-il été qualifié de siècle noir par les experts en la matière. Hélas, il léguera
une bonne part de son inhumanité au siècle suivant et l’enfant sera
toujours bestialement exploité. Tenez :
- les mines et les usines métallurgiques utiliseront abondamment les
enfants : par leur petite taille, ils sont utilisés comme manœuvres dans les
galeries étroites où ils peuvent se tenir debout et pousser des chariots
parfois plus lourds qu’eux-mêmes. Ils y travaillent comme des adultes : 12
heures d’affilée et, en cas de double journée, 24 heures d’affilée.
- le textile bat tous les records : à cause de leur agilité, leur souplesse et
leur petite taille, ils sont utilisés pour attacher les fils brisés sous les
métiers à tisser en marche, nettoyer les bobines encrassées, ramasser les
fils coton. Le plus cruel est qu’ils peuvent rester debout 16 heures durant
pour surveiller les machines ou assis toute une journée sur des tabourets
trop hauts pour eux afin de les empêcher de relâcher leurs efforts lorsqu’ils
travaillent à la machine à dévider.
- dans les petites industries, où l’on échappe facilement au contrôle de la
législation, les petites filles sont recrutées dès l’âge de 4 à 5 ans dans les
filatures et la dentelle.
- le monde paysan aussi n’a pas beaucoup évolué tant il a toujours
considéré l’enfant de 12 ans comme apte à prester aux champs, à la
chasse, à la pêche, aux carrières au même titre qu’un adulte.

Si la seconde partie du XX ème siècle a bénéficié d’un assouplissement des
conditions de travail grâce à la forte modernisation de l’outil de production
et la recrudescence spectaculaire des mouvements de défense de droits
de l’homme, catalysés par la consécration de la Déclaration universelle des
droits de l’homme dans la charte de l’ONU, la situation numérique sur le
travail des enfants n’en est point améliorée.

A ce sujet, un rapport de 1997 du Bureau International du Travail recensait
plus ou moins 250 millions de petits travailleurs dans le monde. Agés de 5
à 14 ans, plus de la moitié d’entre eux travaille à plein temps,
particulièrement dans l’agriculture, mais aussi dans l’artisanat et
l’industrie : notamment dans la filature ( Asie de l’Est), dans la fabrication
des tapis (Népal, Pakistan), dans la manipulation des fours pour verres
fondus (Inde), dans la culture du coton, du cacao ( Afrique de l’Ouest),
sous les drapeaux dans les conflits armés ( Afrique centrale et de l’Est), etc.

Il faut rappeler qu’une distinction est de mise entre travail acceptable et
travail intolérable. Le travail acceptable participe à la formation et au statut
de l’enfant. C’est le cas de petites filles ou petits garçons qui aident aux
tâches domestiques, des enfants qui aident les parents dans des tâches
lucratives dans la mesure de leurs capacités physiques et mentales et
sans préjudice de leur scolarité et épanouissement normal.
En revanche, le travail intolérable entrave le développement physique,
intellectuel ou psychologique de l’enfant. Il comprend principalement : des
enfants producteurs ( acteurs économiques au même titre que les
adultes), des enfants en servitude pour dettes et des enfants (
domesticité, prostitution, etc.), des enfants travailleurs à temps plein dans
leurs familles ou leurs communautés ( surtout agricoles ). Il est qualifié par
les experts de pires formes de travail des enfants.

Il serait donc intéressant, en cette aube du 21 ème siècle, de faire un bilan
succinct de la situation de la législation tant nationale qu’internationale
relative à la lutte contre l’exploitation enfantine et, particulièrement, la
lutte contre les pires formes de travail de l’enfant.

2. ETAT DE LA LEGISLATION NATIONALE ET INTERNATIONALE

La RDC est signataire de plusieurs instruments internationaux protégeant
les droits de l’enfant et reconnaît, à travers ses dispositions
constitutionnelles, leur primeur sur toute la loi nationale. Par souci de
précision et de concision, l’on n’évoquera que le cas de la convention
relative aux droits de l’enfant et celle de l’OIT relative aux pires formes de
travail des enfants.

La première convention, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 20
novembre 1989 et ratifiée par la RDC en date du 21 août 1990, constitue
le droit commun de la protection de l’enfant. Elle insiste dans son
préambule sur :

- le droit de l’enfant à une aide et à une assistance spéciales ainsi qu’à
celui de bénéficier d’une formation susceptible d’en faire un individu valable
dans la société, élevé particulièrement dans un esprit de paix, de dignité,
de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité ;
- le fait qu’en raison du manque de maturité physique et intellectuelle de
l’enfant, la famille a besoin d’une protection spéciale en tant qu’unité
fondamentale de la société, garant du bien-être de cet enfant ; elle a, de
ce fait, droit à une assistance particulière de l’Etat et de la communauté
internationale.

La convention relative aux droits de l’enfant, en son article 32, consacre le
droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et contre
le travail qui comporte des risques ou est susceptible de compromettre son
éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique,
mental, social ou spirituel.

Et à propos de la santé, l’article 24 établit le droit de l’enfant de jouir du
meilleur état de santé possible et bénéficier des services médicaux et de
rééducation et donne la charge à l’Etat, d’une part, de garantir qu’aucun
enfant ne soit privé du droit d’accéder à ces services et, d’autre part,
d’assurer par des mesures efficaces, l’abolition des pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants.

Quant à l’article 29, il insiste sur l’importance de l’éducation de l’enfant qui
doit viser, entre autres :
- l’épanouissement de sa personnalité et le développement de ses dons et
aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs
potentialités ;
- la culture du respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
- le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses
valeurs culturelles et nationales ;
- le respect du milieu naturel.

Pour protéger l’enfant contre les affres des conflits armés, l’article 38
recommande que les personnes n’ayant pas encore atteint l’âge de 15 ans
ne participent pas directement aux hostilités en même temps qu’il instruit
les Etats à s’abstenir dans leurs forces armées de toute personne n’ayant
pas atteint l’âge de 15 ans.

Rappelons aussi qu’en son article 31, cette convention insiste sur le droit
de l’enfant au repos et aux loisirs, au jeu et aux activités récréatives
propres à son âge. En vertu de tout ce qui a été mentionné plus haut,
l’Etat signataire de la convention doit prendre les mesures législatives,
administratives, sociales et éducatives qui s’imposent, notamment :
- fixer l’âge ou les âges minimums d’admission à l’emploi ;
- régir efficacement les horaires de travail et les conditions d’emploi ;
- prévoir les peines ou sanctions appropriées pour assurer l’effectivité de
l’application de ces décisions ;

De son côté, la Convention de Genève sur les pires formes de travail de
l’enfant qualifie de « pires formes de travail des enfants » :
- toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues ( vente, traite des
enfants, servitudes pour dettes, servage, travail forcé ou obligatoire,
recrutement pour utilisation dans les conflits armés) ;
- utilisation, recrutement, offre d’un enfant aux fins d’activités illicites telles
que la production et le trafic des stupéfiants ;
- travaux susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de
l’enfant.

Aussi, ladite convention exige-t-elle de chaque membre :
- d’empêcher que des enfants ne soient engagés dans une quelconque de
ces pires formes de travail ;
- de prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour en soustraire les
enfants et assurer leur réadaptation et leur réintégration sociale ;
- d’assurer l’accès à l’éducation de base gratuite, voire la formation
professionnelle des enfants récupérés ;
- d’identifier et d’entrer en contact direct avec les enfants particulièrement
exposés à des risques ;
- de tenir compte de la situation particulière des filles.

En fin de compte, les Etats signataires ( dont, bien entendu, la RDC) se
sont engagés à :
- localiser les types de travail déterminés ainsi déterminés ;
- prendre des mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre
effective et le respect des dispositions donnant effet à la présente
convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions
pénales ou autres sanctions;
- élaborer et mettre en œuvre, en consultation avec les institutions
publiques et organisations d’employeurs et travailleurs compétentes, des
programmes d’action en vue d’éliminer les pires formes de travail des
enfants ;
- désigner l’autorité compétente chargée de la mise en œuvre des
dispositions donnant effet à la présente convention.

Notons particulièrement que l’article 8 de la convention concernant les
pires formes de travail des enfants recommande une coopération et/ou
assistance internationales renforcées, y compris par des mesures de
soutien au développement économique et social, aux programmes
d’éradication de la pauvreté et à l’éducation universelle.

Sans vouloir balayer tout l’horizon des instruments internationaux relatifs
au sujet qui nous importe, rappelons néanmoins que la nécessité
d’accorder une protection spéciale à l’enfant a été énoncée par moult
instruments, notamment :
- la déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant ;
- la déclaration des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale le
20 novembre 1959 ;
- la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ;
- la pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966 ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
du 16 décembre 1966.

Au point de vue national, l’on citera particulièrement et en premier lieu la
loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant code du travail.

En effet, l’article 3 dispose que toutes les pires formes de travail des
enfants sont abolies.

Et l’article 6 du code du travail interdit :
- d’engager ou de maintenir en service toute personne âgée de 15 ans,
sauf dérogation expresse de l’Inspecteur du travail et de l’autorité
parentale ou tutélaire ;
- d’engager ou de maintenir en service toute personne âgée de 15 ans
pour des motifs autres que l’exécution des travaux légers et salubres.

L’article 125 proscrit tout travail de nuit pour toute personne âgée de
moins de 18 ans, le travail de nuit étant entendu comme celui exécuté
entre 19 heures et 7 heures.

Les coutumes et pratiques congolaises contemporaines nous amènent ici à
éveiller l’attention des commerçants sur l’interdiction formelle d’employer
des mineurs dans les bars et autres lieux publics où sont consommés les
boissons alcoolisées. Ils ne peuvent non plus œuvrer à la confection,
manutention, vente d’écrits, imprimés, dessins, gravures, emblèmes,
images et autres objets dont la vente, l’offre, l’exposition, l’affiche, la
distribution sont réprimés par la loi pénale ou sont contraires aux bonnes
mœurs.

A côté du code du travail et des dispositions réglementaires qui
l’appliquent, la loi protègent l’enfant contre tout emploi dangereux et
préjudiciable à son épanouissement normal, particulièrement contre la
profession de soldat, à travers le décret-loi n°066 du 9 juin 2000 portant
démobilisation et réinsertion des groupes vulnérables au sein des forces
combattantes. Il y est spécifié que le ministère ayant en charge la défense
règle les problèmes de recensement, d’identification, de radiation des
effectifs des forces armées congolaises et de sensibilisation spécifique du
corps militaire. Tandis que le ministère ayant en charge les droits humains
coordonne les aspects civils du processus de démobilisation et crée les
structures ad hoc, s’aidant notamment du commissariat général à la
réinsertion.

C’est dans ce cadre qu’a été créé le Bureau national pour la démobilisation
et la réinsertion des enfants soldats (Bunader).

Au vu d’une telle panoplie de dispositions protectrices en faveur de l’enfant
congolais-encore que l’on n’en ait exposé que la quintessence,- peut-on
donc certifier avec quiétude que cette élogieuse législation est respectée
sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo ? Si la
situation socio-politique du pays permet difficilement une enquête et une
analyse objective, il n’en ressort pas moins l’exigence de se prononcer sur
base des éléments manifestes et disponibles.

3. Etat des lieux en République démocratique du Congo

Il est impossible d’effectuer une vue panoramique des pratiques et
traditions congolaises qui violent la législation contre l’exploitation
économique des enfants sans contrevenir au souci du présent article.
Cependant, il est aisé d’affirmer que l’enfant est, en milieu rural, comme en
milieu urbain, abondamment exploité au mépris de son bien-être à venir.

En milieu rural, l’agriculture est la plus utilisatrice des enfants. Elle emploie
l’enfant souvent au désavantage de son éducation scolaire. La situation
des enfants en milieu rural s’est aggravée en cette période de guerre et
de crise économique. Des enfants de moins de 15 ans, selon plusieurs
rapports d’organismes indépendants et d’institutions de l’Onu, sont
abondamment utilisés dans les carrières et les mines particulièrement dans
les 2 Kivu, les 2 Kasaï, la Province Orientale et l’Equateur.

Néanmoins, l’exploitation économique des enfants est plus spectaculaire
en milieu urbain et constitue un phénomène d’autant plus grave que la
population semble s’en accoutumer sous l’œil complice des autorités
compétentes.

Ainsi, pour ne citer que les cas les plus évidents :

- de nombreux mineurs sont utilisés à longueur de journée comme
porteurs, tant par les commerçants que par les usagers civils, pour des
charges dépassant fréquemment les 15 kg légaux ( sacs de riz, de maïs,
de manioc, cartons de chinchards, de poulets, bacs de boissons, etc.).
- - d’autres pratiquent la vente à la criée largement au-delà des 8 heures
quotidiennes permises ;
- il est devenu une tradition chez les tenants des bars et autres débits de
boisson d’utiliser des filles mineures pour une grande part comme
racoleuses d’une clientèle friande de la très vilaine mode des «
kadogos », « fioti-fioti » et autres « mion-mion » chères à quelques artistes
musiciens, hélas, célèbres ! Ces derniers étant, en outre, passés maîtres
dans l’art du débauchage des mineurs de moins de 16 ans en les
employant comme danseuses et principales matières à marketing.
- Le proxénétisme et la prostitution des mineurs mâles et femelles ont
atteint un niveau « apocalyptique ».

En fin de compte, l’on constate que l’analphabétisme et la désertion
scolaire emportent une bonne moitié de l’enfance congolaise. Et si l’on
tient compte, selon un rapport de l’Unesco de l’an 2000, du fait que plus de
60 % de la population congolaise a moins de 22 ans accomplis, il est aisé
de mesurer la dimension démographique des enfants au travail et donc
des enfants soustraits ou privés de l’école pour une exploitation mercantile.

Cette tragédie est due à des causes et facteurs aujourd’hui mis en
évidence par des études des institutions internationales et autres
organismes spécialisés.

4. Causes et facteurs du travail des enfants en RDC

Le travail de l’enfant n’est pas un apanage de la RDC , ainsi que vu plus
haut, mais consiste en un phénomène très fréquent au tiers monde. Il tire,
en effet, sa source d’une conjonction de facteurs physiques, politiques,
socio-économiques et culturels.

En tant qu’individu d’abord, l’enfant constitue une main d’œuvre appréciée
pour sa docilité, sa naïveté et sa soumission. D’autre part, sa souplesse ou
son petit gabarit le rend apte à certains métiers dans le textile, les mines,
les tanneries, les caves des boites de nuit ou agences quelconques plus
ou moins mal famés. Ainsi, son joli minois ou sa chair dite cyniquement
fraîche font la cible privilégiée des proxénètes et autres malfrats de la
pornographie.

Néanmoins, les causes les plus profondes sont d’ordre économique et
social :

- L’analphabétisme, la désertion scolaire pour incapacité financière retirent
les enfants de la maison pour les envoyer sur la rue, à la recherche de
loisir, soit d’occupation soit de survie ;
- L’ignorance généralisée des droits par les citoyens ne permet ni aux
enfants de résister à l’appât des oiseleurs ni aux adultes d’empêcher cette
exploitation éhontée de l’enfance.
- La détérioration des conditions économiques dévore l’emploi et détruit le
système éducatif tout en rongeant scandaleusement le pouvoir d’achat
des familles rendues incapables d’instruire ni de préserver leur autorité
tutélaire ;
- La crise économique et l’endettement des pays pauvres sont empirés par
les programmes d’ajustement structurel et d’austérité économique
imposés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale
annihilant les budgets et programmes sociaux et d’éducation dans les pays
pourtant les plus pauvres ;
- L’utilisation d’une main d’œuvre moins chère assure un avantage
commercial tant chez les petits producteurs que chez les multinationaux et
les exploitants agricoles par rapport aux opérateurs économiques
respectant les normes communément admises.

Au point de vue culturel, l’on peut tout simplement évoquer la tradition
rurale qui ne considère que la formation pratique et l’apprentissage comme
seules formes d’éducation à la vie de travail.

Enfin, la volonté politique est un facteur très important. Car dans ce
domaine, la démission de l’Etat joue un rôle très important : elle explique
que les autorités compétentes à tous les niveaux croisent le bras face à la
prolifération du phénomène, d’autre part, elles tardent à prendre des
mesures légales et administratives à même de rendre effective l’application
des normes internationales arrêtées en ce domaine, et lorsqu’elles les
prennent, l’on doute quelque fois de l’empressement à les appliquer.

Le travail des enfants engendre des conséquences néfastes pour toute la
société.

5. Conséquences néfastes du travail des enfants sur la société

L’on distingue ici, de façon purement pédagogique, les conséquences sur
l’enfant des incidences sur la communauté.

En ce qui concerne les effets sur l’enfant travailleur, l’on note
l’anathématisation à laquelle il est souvent condamné à la vie, les multiples
risques et menaces biologiques et psychologiques encourues : intoxication
de l’organisme par l’usage des produits chimiques dans les industries du
textile, des chaussures, d’orfèvrerie, et même de l’agriculture, exposition
aux pollutions des ateliers du tapis ou du tissage, maladies de peau,
notamment pour les enfants chiffonniers : déformation du corps et
décroissance pour ceux qui portent de lourdes charges dans les
constructions, les lieux de débarquement et embarquement des
marchandises, les champs, etc, sans compter les risques de se couper ou
de contracter le tétanos.

Enfin, les nombreux enfants exposés à la prostitution sont fréquemment
atteints du sida et autres infections sexuellement transmissibles , autant
les petites filles sont menacées par la stérilité ou autres
dysfonctionnements du système de reproduction vu l’habitude facile des
avortements ( interruptions des grossesses).

Quant à la société, elle subit et continue de subir les méfaits de ce
phénomène et, hélas, de manière ascendante :
- le taux d’analphabétisme devient si élevé qu’il hypothèque toute politique
de développement ;
- la non éducation au respect des droits de l’homme, des libertés
fondamentales et du bien public engendre et entretiendra une génération
délinquante et très dangereuse ;
- la carence affective chez des enfants privés de famille génère une société
d’ « asociaux », incapables de promouvoir ou protéger l’esprit de justice,
de paix, de tolérance ou de solidarité.
- La détérioration rapide de la santé diminue sensiblement l’espérance de
vie et menace dramatiquement la croissance normale et équilibrée de la
démographie et annihile les chances d’émergence d’une grande main
d’œuvre compétente à la mesure de l’immensité de notre pays.

Le travail de l’enfant dans sa dimension intolérante, mercantiliste et
contraire aux normes universellement admises ( sinon chrétiennement
inspirées) constitue une gangrène qui ronge de manière quasi irréversible
le développement futur de la nation congolaise comme de l’Afrique en
général. Toute la communauté nationale est interpellée et se doit de
considérer attentivement et sérieusement les recommandations qui
suivent.

6. Des recommandations

L’énumération de toutes les recommandations destinées à éradiquer
l’exploitation économique des enfants et à promouvoir leurs droits et
libertés pourrait faire l’objet de tout un ouvrage. Cependant, il nous
incombe d’interpeller, en exposant les plus importantes des
recommandations, chacune des composantes essentielles de la société qui
sont :

1. A l’autorité publique

Pour assurer une protection efficace à l’enfant contre l’exploitation
économique, l’autorité publique devra prendre des mesures à plusieurs
niveaux, dont principalement :

1a. Aux niveaux législatif et réglementaire :

- Actualiser et élargir l’éventail des dispositions légales interdisant les
pires formes de travail des enfants et celles réglementant les formes et
conditions de travail autorisé ;
- Initier un travail d’envergure et de compilation destiné à produire un code
de protection de l’enfance.

Un tel document inspirerait tous les mécanismes institutionnels et les
mesures administratives destinés , entre autres :

- à identifier toutes les formes de travaux auxquels sont soumis les
enfants de manière permanente ou intermittente ;
- à identifier toutes les couches sociales susceptibles d’être touchées à
court, à moyen ou long terme par ce phénomène ;
- à promouvoir et à soutenir l’enseignement primaire gratuit et, si possible,
la gratuité de la formation professionnelle pour certaines couches
spécifiques ;
- à perfectionner et rendre efficace le système multisectoriel d’assistance
sociale et de promotion économique des couches vulnérables afin de
déraciner les causes profondes du travail des enfants ;
- à mobiliser toutes les ressources humaines et financières visant la
protection de l’enfant contre l’exploitation économique et le relèvement
conséquent du niveau des couches défavorisées ;
- rendre efficaces les sanctions pénales et autres contre les personnes qui
exploitent la prostitution, la pornographie et autres pratiques immorales et
fortement dégradantes pour les enfants.

1b. Aux niveaux administratif et pratique :

- Chaque secteur institutionnel visé devrait s’organiser pour
responsabiliser et contrôler au mieux chacun des services et chacune des
autorités ayant la charge de contrôler et faire respecter l’application des
mesures visant la lutte contre le travail des enfants ;
- Il faut multiplier les procédures de consultation des organisations des
travailleurs et d’employeurs et autres groupes concernés en vue de
susciter des programmes d’action efficaces et un système de coordination
des mécanismes visés plus haut.
- Il faudrait veiller particulièrement, à l’aide des mécanismes appropriés, à
ce que les enfants soustraits de l’exploitation économique jouissent
immédiatement des procédures de réintégration ou de rééducation
établies préalablement ;
- Il faudrait veiller au respect des calendriers préalablement établis pour
arriver à éliminer les diverses formes d’exploitation économique des
enfants.

2. A la société civile

Les couches vives de la nation ont un rôle de premier plan à jouer dans
cette lutte contre le travail des enfants. Nous citerons les plus
prééminentes :

2 a. Les syndicats, les Ong , les corporations et associations de protection
des consommateurs.

Ils se doivent de conjuguer leurs efforts et leurs réflexions afin de :
- mettre en œuvre des programmes communs de vulgarisation, de
sensibilisation et d’éducation de la masse sur les dangers du travail des
enfants ;
- faire pression sur tous les exploitants commerciaux ainsi que sur les chefs
traditionnels et assimilés en vue d’aboutir à une éradication réelle du
travail dangereux et/ou dégradant pour les enfants ;
- mobiliser des fonds pour soutenir l’éducation, la réinsertion des enfants
soustraits du travail ;
- interpeller le patronat et l’autorité publique sur tous les problèmes nés
de l’exigence de l’application des mesures protégeant les enfants ;
- initier et soutenir les actions des associations de protection de
consommateurs destinés à interpeller et/ou sanctionner les commerçants
concernés par le travail des enfants.

2 b. Les enseignants et autres encadreurs

Il faut qu’ils unissent leurs efforts de :
- enseigner les enfants sur les vertus de l’éducation et les dangers du
travail précoce, par des débats, des expositions, des projections, des
saynètes, etc…
- sensibiliser les enfants sur le phénomène, et organiser des rencontres
bipartites et multipartites destinées à concevoir les voies de sorties en
faveur des familles vulnérables ;
- proposer à l’autorité publique et à la communauté internationale des
mécanismes et mesures efficaces susceptibles d’assurer l’éducation
gratuite des enfants et la réintégration soustraits du travail en
considération ;
- créer des instruments et systèmes de loisirs éducatifs de plus en plus
variés et à la portée de toutes les bourses ;
- multiplier et adapter les méthodes et les domaines de formation
professionnelle.

2 c. Les médias

Les acteurs de la presse écrite, audiovisuelle et cybernétique devraient
s’engager à :
- se former et s’informer sur les diverses formes et réalités du travail des
enfants par toutes les voies, notamment en participant aux programmes
publics et privés poursuivant la protection de l’enfant contre l’exploitation
économique ;
- initier des enquêtes et des recherches concernant les formes ouvertes et
cachées de travail des enfants pour informer le public et l’autorité
publique ;
- aider les personnes concernées par cette noble tâche à s’exprimer et
divulguer toute information susceptible de faire avancer la lutte contre le
travail des enfants ;
- organiser des rencontres scientifiques et techniques destinées à produire
des bilans et des perspectives de soutien aux droits des enfants à une
éducation et à une croissance saine et capable d’en faire un individu digne
et utile à la société ;
- prévoir des méthodes ou cérémonies honorant ou récompensant les
personnes ou autorités ayant efficacement œuvré à cette lutte durant
l’année.

3 A la communauté internationale et aux organisations internationales

L’action des Etats jouant un rôle prééminent sur la scène internationale
ainsi que celle des organismes de l’Onu ou collaborent avec ledit système
est on ne peut plus capitale dans la lutte contre le travail des enfants en
RD Congo, particulièrement en cette ère de mondialisation. Pour être
extrêmement bref, l’on n’insistera ici que sur les attitudes les plus
fondamentales qu’ils se devraient d’observer.

- éviter de sanctionner brutalement les sociétés et Etats concernés par des
boycotts et/ou des embargos
En effet, plusieurs enfants ayant été entraînés au travail à cause de
sérieux problèmes de survie familiale, le débauchage massif de ces
derniers ou l’interdiction brutale et musclée de toutes les pratiques
presque socialement et naïvement acceptées conduit à un risque réel de
déplacer gravement le problème. Ces enfants étant obligés de plonger
dans les travaux encore plus informels et plus dangereux comme la casse
des pierres, la vente des drogues, la prostitution, le banditisme, etc.
- établir préalablement, en coopération avec les communautés concernées,
des mécanismes et programmes de récupération, rééducation et
réintégration de ces enfants avant d’exercer des pressions fortes et
vigoureuses contre les communautés et les autorités actrices ou complices
de l’exploitation des enfants.
- Soutenir le plus efficacement possible les communautés concernées dans
les politiques d’instauration d’une scolarisation gratuite et de relèvement
du pouvoir d’achat desdites populations.
- Eviter le plus possible de n’attribuer à la campagne mondiale contre le
travail des enfants que l’image des actions et politiques de marketing
coûteuses et inutilement spectaculaires. En effet, pour arriver à résoudre
un problème aussi épineux que celui du travail précoce et de ses méfaits, il
faut autre chose que des spots et des manifestations haut en couleur avec
grand renfort des calicots, tee-shirts, casquettes, mégaphones et autres,
badges.

Comme attitudes et actions plus efficaces, l’on se doit de recommander
principalement :
- les contacts et consultations rapprochés avec les groupes concernés,
dans une méthodologie plus pédagogique que juridique ;
- la descente sur terrain des experts et autorités concernées, aidés en cela
par les associations militantes ;
- l’harmonisation régulière des vues par des forums et autres rencontres
réunissant les divers groupes concernés ou engagés dans la chose ;
- la prise en compte tant par les pouvoirs publics que par la communauté
internationale des préoccupations et contraintes des milieux concernés en
vue de créer et de mettre en œuvre les conditions d’épanouissement et de
développement communautaire susceptibles de déraciner à moyen terme
les nombreux facteurs d’exploitation économique des enfants.
- Le soutien plus efficace des travaux de conception des plans de
sauvegarde des enfants à court, à moyen et à long terme ; de conception
et de mise en œuvre des programmes scolaires et académiques de
sensibilisation à la lutte contre le travail des enfants et de sublimation des
vertus de la scolarisation. Programmes incluant des conférences,
séminaires, expositions, projections, saynètes et autres ateliers ; d’auto
prise en charge des groupements communautaires par des structures
originales et adaptées.

Au terme de cet exposé qui embrasse un domaine qui occasionne des
débats de plus en plus pertinents au milieu des institutions internationales
et des mouvements associatifs, le vœu le plus cher de l’association Shalom
Yahvé Ministries est de voir se développer en RDC une forte conscience de
l’impératif de sauvegarde des droits et libertés fondamentaux des enfants
tant dans le chef de l’autorité que de toutes les composantes des forces
vives de la nation.

« Aucun programme politique, économique, social, culturel ou spirituel ne
peut sortir la RDC de son enlisement général et engendrer le
développement et l’épanouissement réels de la société s’il ne met en
avant garde l’exigence de la préparation saine et rigoureuse de l’enfant à
un avenir digne et prospère »

C’est le travail qui honore l’homme . C’est le travail précoce qui le détruit.

Shalom Yahvé Ministries

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