ÉLECTIONS - COMITE DES DROITS DE L'ENFANT : Suzanne AHO (Togo)

Summary: CRIN contacte tous les candidats à l'élection au Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant en Décembre 2012. Nous leur posons des questions à propos de leur expérience en matière de droits des enfants, ce qu'ils pensent pouvoir contribuer au Comité, leur avis sur les questions clés, leur vision pour le Comité et, surtout, comment ils perçoivent le rôle des ONG. Les entrevues ont été modifiées le cas échéant pour plus de clarté et de concision.

 

1. Pourquoi voulez-vous faire partie du Comité des droits de l'enfant ?

 

C'était mon objectif premier depuis l'âge de huit ans, j'ai toujours voulu tout faire pour qu'aucun enfant ne souffre ni ne pleure. J'ai été moi-même victime de beaucoup de maltraitance et d’exploitations.

Cette souffrance, je la connais ; elle est tellement grande que l'enfant ne peut pas l'estimer. Quand j'étais directrice[1] puis ministre, je me suis dit « puisqu'on me donne le pouvoir, je dois l'utiliser pour faire beaucoup pour les enfants ».

Chaque année, je réfléchissais par rapport au Comité et cette année je pense que je suis prête pour vraiment défendre les enfants.

 

2. Quelle est votre expérience dans le domaine des droits de l'enfant ?

 

Je dirais qu'elle est plurielle. Je perçois l'enfant comme un prisme à plusieurs facettes. Du côté d’où vous regardez, vous avez une face du prisme. Face à ce côté-là, il faut chercher à savoir quel est le problème de l'autre face.

Devant la non-scolarisation des enfants, devant l'internement des filles dans des couvents, devant les enfants de la rue… Dès qu’on tourne le prisme, on est face à un problème clé de l'enfant.

 

3. À votre avis, quels sont les principaux obstacles à l'accomplissement des droits de l'enfant ?

 

D'abord, personnellement, je pense que les adultes ne savent pas se mettre à la place des enfants. Parfois aussi, l'adulte utilise l'enfant comme un objet et non pas comme un sujet de droit.

On constate aussi le manque de communication entre l'enfant et l'adulte.

Peu de choses ont été faites pour l'enfant et parfois, certaines lois sont prises mais ne sont pas appliquées. Les traditions constituent aussi un réel obstacle pour les enfants.

Donc il y a beaucoup de paramètres qui empêchent les enfants de s'épanouir de comprendre leur droit. En ce moment, les enfants sont aussi utilisés dans les revendications des adultes sans qu'ils ne comprennent leur rôle ni la raison de leur participation.

Donc, quelque part, certains comportements que nous avons en tant qu'adulte bloquent l'épanouissement de l'enfant.

 

4. D'après vous, quels domaines de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE) auraient besoin de plus de précisions?

 

Quand cette convention a été votée, j'étais étonnée que les pays africains n'aient pas réagi.

Par exemple, la convention donne à l'enfant le droit de rejoindre une association. Cet aspect est mal perçu en Afrique où, même si l'enfant devrait avoir ce droit, les parents doivent l’encadrer et se demander quel genre d'associations leur enfant rejoint.

Le droit à l'intimité de la correspondance de l'enfant est aussi un droit mal perçu en Afrique. Les parents veulent avoir le droit de regard sur la correspondance ; mais cela pourrait être fait avec l'accord de l'enfant.

La CDE dit aussi que les décisions qui concernent l'enfant doivent être prises avec son consentement. Mais, par exemple, dans les cas de divorce, l'intérêt de l'enfant est rarement pris en considération. Le juge devrait l'écouter sur son choix de rester avec le père ou la mère pour préserver son droit et prendre en compte son intérêt.

La CDE aurait dû prendre en compte certains aspects africains. Mais aujourd'hui, nous avons la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant qui, justement, reprend les aspects africains dans certaines dispositions. Cette charte parle, par exemple, des traditions et coutumes et dit que si ces dernières vont à l'encontre des intérêts de l'enfant, elles ne doivent pas être autorisées.

Mais ceci n'est pas facile, et j'en sais quelque chose, parce que quand on dit « africains », il y a traditions et coutumes. Quand je vais négocier avec les féticheurs, je sais que je prends des risques et je me dis que, quelque part, ce risque vaut la peine.

Je leur explique que je ne suis pas contre les pratiques traditionnelles tout en demandant au féticheur s'il ne voudrait pas voir l'enfant aller à l'école.

On respecte les traditions mais on protège surtout l'enfant en tant que sujet de droit. Aujourd'hui, quatre de ces enfants que j'ai sortis des couvents vont à l'université dont deux ont choisi de faire des études en droit pour un jour prendre ma relève !

5. Les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel au processus de surveillance de la convention des droits de l'enfant, mais globalement, les États deviennent de plus en plus hostiles à leur participation. Comment pensez-vous que cela pourrait influencer le travail du Comité ?

 

Je pense que les O.N.G. devraient revoir leur stratégie et leur manière de proposer leur action et se dire que ce ne sont pas elles qui écrivent la politique - de protection de l'enfance par exemple.

Les O.N.G. ne doivent pas dénoncer pour dénoncer, il faut être positif et aussi proposer des solutions. Quand on observe les déclarations des O.N.G., c'est souvent pour dire « l'État ne fait pas si, l'État ne fait pas ça ». J'ai été du côté de l'État et aussi du côté des O.N.G. et je pense que les O.N.G. devraient accompagner l'État sans pour autant avoir la position d'accusateurs. Il ne suffit pas de porter des jugements négatifs.

 

 

6. Une partie du rôle du Comité est d'examiner les plaintes déposées en vertu du nouveau protocole facultatif à la CDE. Comment pensez-vous que cela va changer le plaidoyer des droits de l'enfant ?

 

Quelque part, ce nouveau protocole peut compléter les insuffisances de la CDE. Mais, sur le terrain, il faut se l'approprier, il faut le faire connaître.

7. Le Comité des droits de l'enfant est le seul organe conventionnel de l'ONU qui n'a pas de procédure de suivi. Si vous deviez développer la procédure, à quoi ressemblerait-elle ?

 

Le comité devrait demander au Comité national des droits de l'enfant - quand il existe - de faire le suivi et présenter un rapport additif au Comité des droits de l'enfant qui devrait prendre en charge ce suivi. C'est une question très pertinente parce que lorsque le comité a émis ses recommandations, cela s'arrête là. Il faudrait que ses recommandations soient portées à la connaissance de tous, inclus les enfants dans un langage qu'ils comprennent. Les comités nationaux devraient être chargés de faire le suivi au niveau national.

 

8. Si vous avez êtes nommée président du Comité, quel changement à la façon dont le Comité travaille aimeriez-vous initier ?

 

D'abord, je donnerai un cahier des charges à ce comité. Il ne suffit pas de se réunir deux fois par an, il faut un travail préalable pour, par exemple, étudier les rapports de suivi.

La deuxième chose serait de faire une relecture de la CDE pour voir où on en est aujourd'hui et ce qu'il faut faire.

Je pense aussi que le Comité des droits de l'enfant devrait discuter avec le Comité des Etats de l'Union africaine pour échanger leurs expériences.

9. Si vous pouviez proposer un nouveau droit dans la CDE quel serait-il?

 

Le droit que je voudrais pouvoir proposer est que l'enfant victime d'abus et de maltraitance puisse faire l'objet, automatiquement, d’un suivi médical. On ne devrait pas voir seulement l'aspect pénal mais il faut aussi mettre en place une structure de prise en charge psychologique et sociale. Cet aspect de la santé mentale de l'enfant ne ressort pas bien de la CDE.

Aussi, les articles concernant les droits des enfants handicapés ne sont pas assez forts.

Il reste aussi la question de la discrimination contre les enfants albinos et les enfants nés avec des malformations qui sont considérés comme des sorciers.

 

10. Qui vous a le plus inspiré dans votre travail et pourquoi?

 

Je pense, d'abord, que c'est mon histoire personnelle. Je suis née pendant la guerre du Vietnam ; je suis passée par l'étape d'adoption ensuite par celle d'enfant maltraitée, tiraillée.

La personne qui m'a beaucoup encouragée, même si je n'ai pas eu de contact avec elle, est Mère Teresa. J'aurais voulu avoir davantage de force, autant que cette femme-là, pour continuer le combat.

 

 

11. Bien qu'à la base son rôle soit purement économique, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'est assez vite intéressée au maintien de la paix. A-t-elle joué un rôle en matière des droits des enfants ?

 

Si on parle plus de paix, il y aurait une culture de paix dans l'esprit de tous, l'éducation de l'enfant sera faite avec une voix empreinte de paix. L'environnement pour les enfants et leurs parents serait différents ; la paix peut diminuer la violence envers l’enfant jusqu'à l'éradiquer.

Je sais aussi que la CEDEAO a un projet pour lutter contre le trafic des êtres humains.

Il faudrait que les adultes réalisent que la paix est aussi importante pour les enfants qu’elle ne l’est pour eux et il faudrait aussi une Afrique sans conflit.




[1] Directrice de la Protection et de la Promotion de la Famille et de l’Enfance au Ministère des Affaires Sociales. Face à l’absence d’un code des mineurs.

pdf: http://www.crin.org/docs/TOGO_CRC_elections.pdf

Pays: 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.