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Summary: Des soldats ont menacé et torturé des civils lors de séances d'interrogatoire et violé des femmes. L'armée a également enterré des mines antipersonnel et enrôlé de force des travailleurs, y compris des enfants dont certains n’avaient que 14 ans, sur les lignes de front.
[Le 20 mars 2012] - Le gouvernement birman a commis de graves violations des droits humains et a bloqué l'aide humanitaire destinée à des dizaines de milliers de civils déplacés depuis juin 2011, lors de combats dans l'État Kachin, dans le nord de la Birmanie, a affirmé Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Environ 75.000 personnes déplacées et réfugiés appartenant à l'ethnie kachin ont un besoin urgent de nourriture, de médicaments et d'abris, a ajouté Human Rights Watch. Ce rapport de 83 pages, intitulé ‘Untold Miseries’: Wartime Abuses and Forced Displacement in Burma’s Kachin State (« Souffrances indicibles: Exactions commises lors d'opérations militaires et déplacements forcés dans l'État Kachin de Birmanie ») décrit comment l'armée birmane a attaqué des villages kachin, rasant des maisons, se livrant au pillage et forçant des dizaines de milliers de personnes à abandonner leurs habitations. Des soldats ont menacé et torturé des civils lors de séances d'interrogatoire et violé des femmes. L'armée a également enterré des mines antipersonnel et enrôlé de force des travailleurs, y compris des enfants dont certains n’avaient que 14 ans, sur les lignes de front. « L'armée birmane commet des violations en toute impunité dans l'État Kachin tandis que le gouvernement bloque l'aide humanitaire destinée à ceux qui en ont le plus besoin », a déclaré Elaine Pearson, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « L'armée et les rebelles kachin doivent agir pour faire en sorte que cette situation, qui est déjà dommageable pour les civils, ne s'aggrave pas davantage. » Human Rights Watch a effectué deux séjours dans l'État Kachin en 2011, visitant neuf camps de personnes déplacées, ainsi que certaines zones de la province chinoise du Yunnan où des réfugiés kachin avaient fui, et a ensuite continué de suivre la situation. Le rapport est basé sur plus de 100 entretiens avec des personnes déplacées, des réfugiés et des victimes d'exactions, ainsi qu'avec des rebelles kachin, des déserteurs de l'armée birmane et des travailleurs humanitaires. Le gouvernement birman et l'Armée d'indépendance kachin (Kachin Independence Army, KIA) devraient prendre des mesures effectives pour mettre fin aux exactions perpétrées par leurs forces, s’assurer que l'aide humanitaire parvienne aux populations affectées et permettre qu'un mécanisme international indépendant enquête sur les violations commises par les deux camps, a affirmé Human Rights Watch. Les opérations militaires de l'armée birmane contre la KIA ont repris en juin dans une zone disputée autour d'un barrage hydroélectrique construit par la Chine, mettant fin à un cessez-le-feu entre le gouvernement et les rebelles kachin qui durait depuis 17 ans. Des civils déplacés d'ethnie kachin ont affirmé avoir été forcés de travailler pour l'armée birmane sur les lignes de front, subissant des tortures et essuyant les tirs des soldats. Les troupes birmanes ont attaqué délibérément et sans discernement des civils kachins à l'arme légère ou au mortier, a constaté Human Rights Watch. L’organisation a également découvert des preuves de viols commis par les soldats birmans. Un homme, enrôlé de force comme porteur par l'armée birmane pendant 19 jours, a raconté à Human Rights Watch qu'il avait été témoin de viols à répétition commis sur deux femmes kachin: « Des soldats venaient et emmenaient les femmes de tente en tente. Nous avions très peur et n'avons pas pu observer ce qui se passait pendant toute la nuit. Mais le lendemain matin, les femmes ne pouvaient plus marcher normalement. Elles semblaient avoir mal. Elles marchaient le dos voûté. Et elles pleuraient. » L'Armée d'indépendance kachin a également commis de graves violations, dont le recrutement d'enfants soldats et l'utilisation de mines antipersonnel, a noté Human Rights Watch. Le recours par les deux camps aux mines, qui tuent ou blessent combattants et civils sans distinction, rendra difficile le retour des civils déplacés dans leurs villages quand les hostilités auront cessé. Human Rights Watch a appelé le gouvernement birman à demander au Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme d'ouvrir une antenne en Birmanie, dotée d'un mandat classique de protection et de promotion des droits humains et d'assistance technique. La Commission nationale des droits de l'homme de Birmanie, récemment créée, n'a joué aucun rôle effectif d'observation des violations dans l'État Kachin, a déploré Human Rights Watch. En février 2012, le président de cette commission, Win Mra, a annoncé qu'elle n'enquêterait pas sur les allégations de violations des droits humains dans les régions du pays qui sont le théâtre de conflits ethniques, en raison des efforts du gouvernement pour négocier des cessez-le-feu. « Les gouvernements qui se préoccupent de la situation en Birmanie devraient soutenir d'urgence la création d'un mécanisme international indépendant qui serait chargé d'enquêter sur les violations commises par tous les camps dans le conflit de l'État Kachin et dans les autres zones peuplées de minorités ethniques », a souligné Elaine Pearson. « Une enquête objective sur les violations commises dans ces zones n'a aucune chance de voir le jour si les Nations Unies ne sont pas impliquées, et un tel mécanisme pourrait permettre d'empêcher que de nouvelles violations soient perpétrées à l'avenir. » Sur les 75.000 civils d'ethnie kachin déplacés depuis juin dernier, au moins 45.000 ont cherché refuge dans 30 camps pour personnes déplacées installés dans des zones contrôlées par la KIA le long de la frontière entre la Birmanie et la Chine. Le gouvernement birman n'a accordé qu'une seule fois l'accès à cette région aux agences de l'ONU, en décembre. Même à cette occasion, ces agences n'ont pas été en mesure de visiter plusieurs secteurs où résident des dizaines de milliers de personnes déplacées. Dans les zones qu'ils contrôlent, l'Armée d'indépendance kachin et des réseaux d'organisations locales kachin ont essayé de faire face à des besoins humanitaires croissants, mais l'appui international aux organisations de secours aux civils opérant à partir de l'État Kachin a été sporadique et inadéquat. Les personnes déplacées dans l'État Kachin ont besoin d'une aide humanitaire se composant d'abord de nourriture, mais aussi de médicaments, de couvertures, de vêtements chauds, de bois de chauffage, de combustible et d'abris appropriés. L'aggravation de la situation dans l'État Kachin présente un contraste frappant avec les récents événements encourageants dans le domaine des droits humains dans le reste de la Birmanie, parmi lesquels figurent la libération de nombreux éminents prisonniers politiques, une série de réformes juridiques et l'élargissement du champ de liberté des médias. À l'occasion d'élections partielles prévues pour le 1er avril, la dirigeante du mouvement pro-démocratie Aung San Suu Kyi sera candidate à un siège au parlement. « Il y a encore un long chemin à parcourir avant que le peuple de Birmanie, en particulier les habitants des zones de conflit, bénéficie réellement des récentes promesses de réforme », a conclu Elaine Pearson. « La communauté internationale ne doit pas perdre sa vigilance à propos des graves violations des droits humains qui continuent d'affliger la Birmanie. »